Ali Hassan El-Khoulani, homme politique yéménite : «Le Moyen-Orient risque l’embrasement»

En réponse aux attaques des Houthis contre des navires en mer Rouge, des frappes militaires américaines et britanniques contre les rebelles Houthis au Yémen. Des frappes qualifiées de «ciblées» par voie aérienne et maritime, et destinées à faire passer, selon les américains, un message clair à l’égard des attaques contre le personnel et la liberté de navigation en mer Rouge.
Les rebelles Houthis condamnent ces frappes comme étant «barbares» et menacent de continuer à cibler les navires se dirigeant vers Israël. Selon les affirmations des Houthis, il s’agit de 73 frappes signalées, touchant cinq régions du Yémen, ayant tué cinq personnes, et fait six blessées.
Ali Hassan El-Khoulani, président de la Coalition des forces démocratiques pour la paix et la concorde (CDFPH) au Yémen, rappelle que le Président américain Joe Biden a déclaré, en août 2021, que son «administration n’allait pas prolonger la guerre pour toujours». Cela faisait partie, précise-t-il, d’un discours prononcé à la suite du retrait des troupes américaines d’Afghanistan.  

Les risques de l’escalade 

Pour El-Khoulani, «cette promesse de mettre fin aux guerres pour toujours était l’une des nombreuses qu’il avait faites, lors de la campagne électorale pour l’élection présidentielle américaine de 2020». «Il a pour l’essentiel tenu cette promesse, limitant l’implication américaine dans les conflits étrangers jusqu’au 11 janvier 2024», explique-t-il. Aux premières heures du 11 janvier, les forces américaines et britanniques, avec le soutien de l’Australie, de Bahreïn, du Canada et des Pays-Bas, ont lancé une série d’opérations militaires et frappes aériennes contre des cibles Houthis au Yémen.
Le président de la CDFPH fait savoir que «depuis novembre 2023, les attaques des Houthis en mer Rouge ont augmenté» et le groupe rebelle utilise largement des drones pour cibler des navires qui, selon eux, «se rendaient en Israël». En conséquence, poursuit-il, «les coûts d’assurance pour le transport maritime ont décuplé et la plupart des entreprises ont dû réorienter leurs navires pour transiter vers l’Afrique du Sud, augmentant ainsi le temps et les coûts de voyage».  Alors que près de 15% du commerce international transite par la mer Rouge, les attaques des Houthis devraient avoir des répercussions considérables sur l’inflation et l’économie.

Le conflit interne a accentué la vulnérabilité du Yémen 

Appelant à préserver l’intégrité territoriale du Yémen et à mettre fin aux souffrances du peuple yéménite par un dialogue politique qui rassemble les parties en conflit et sert de point d’entrée pour une solution qui met fin à la guerre, El-Khoulani estime que le Président Biden «a entraîné par inadvertance les États-Unis dans un conflit qui a fait déjà rage depuis 2014 sans vainqueur clair en vue». «Malgré des années de bombardements aériens et une série d’attaques terrestres, la guerre est effectivement dans une impasse, alors que le Yémen est connu comme la pire crise humanitaire au monde», regrette M. El-Khoulani, en soulignant que «le Yémen est pratiquement divisé en deux parties, une région comprenant la capitale contrôlée par les Houthis, et une autre contrôlée par un gouvernement soutenu par l’Arabie saoudite».
Il ajoute que depuis 2023, des pourparlers de paix sont en cours entre les Houthis et les Saoudiens, «mais, jusqu’à présent, aucune mesure concrète n’a été prise pour retirer les forces de la coalition ou mettre officiellement fin à la guerre».
Alors que les États-Unis ravivent désormais le conflit dans la région, «il semble que tout espoir de paix permanente risque d’être affaibli». Plusieurs observateurs estiment que si les Houthis se montrent à la hauteur de leur menace, cela pourrait forcer les États-Unis et le Royaume-Uni à entrer dans un conflit plus direct et plus sanglant, voire une intervention terrestre.
Le président de la CDFPH regrette le fait que «les intérêts suprêmes du peuple du Yémen soient sacrifiés sur, dit-il, «l’autel des appartenances étroites, qu’elles soient idéologiques, sectaires, ethniques, tribales ou régionales». Pour le spécialiste yéménite, «ce sont les conflits internes qui ont permis aux puissances étrangères d’interférer dans les affaires du Yémen, et cela a accentué sa faiblesse». «Ce qui a empiré les choses, c’est l’engagement des parties au conflit yéménite aux agendas des forces extérieures qui les soutiennent», a-t-il notamment précisé. S’ajoute à cela une position géostratégique très importante du Yémen, grâce à son contrôle sur les voies navigables internationales les plus importantes - affectant le commerce mondial - le golfe de la mer d’Arabie d’Aden, le détroit de Bab El-Mandeb, la mer Rouge, «sans parler des richesses minérales, des terres agricoles fertiles et des zones touristiques multiples», a-t-il noté.

Tahar Kaidi

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