L’ancien ministre et moudjahid, Ahmed Taleb Ibrahimi, a rejoint, hier, sa dernière demeure lors d’un cortège funèbre empreint de recueillement et de solennité. Il a été inhumé au cimetière de Sidi M’hamed à Alger.
A cette occasion, de nombreuses personnalités de haut rang, ainsi que des moudjahidine, des proches et des amis du défunt, ont pris part à la cérémonie pour lui rendre un dernier hommage. Prenant la parole lors de l’oraison funèbre, Cheikh Mohamed Mamoune El Kacimi El Hassini, recteur de Djamaâ El Djazaïr, a déclaré que la disparition du moudjahid Taleb Ibrahimi n’est pas qu’une perte pour sa famille mais pour l’ensemble de l’Algérie. «Les Algériens n’oublieront jamais ce qu’il a fait pour la patrie, notamment durant la glorieuse révolution du 1er Novembre 1954.» «Avec son décès, poursuit-il, nous perdons également un homme de valeurs et de principes».
Cheikh El Kacimi El Hassini a, par la suite, confié avoir rencontré le défunt, 36 heures avant sa disparition : « Malgré son âge avancé, il se portait bien. Preuve en est, nous avons abordé de nombreux sujets tout aussi riches les uns que les autres.»Visiblement très ému, l’ancien Premier ministre, Ali Benflis, a souligné qu’Ahmed Taleb Ibrahimi était fidèle à ses convictions. Le défunt a eu, précise-t-il, une riche carrière en tant que président de la Cour des comptes, ministre de l’Education nationale en passant par le ministère de l’Information, conseiller à la présidence de la République et ministre des Affaires étrangères. «Il vouait un amour inconditionnel à l’Algérie, un amour qu’il porte en lui depuis sa prime enfance. En effet, il est le fils de Bachir El Ibrahimi et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a évolué dans un environnement purement nationaliste», a-t-il lancé avant de confier qu’il continuait à entretenir des liens étroits avec le défunt moudjahid.
Pour sa part, le président de l’association des anciens du MALG et ancien ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, a rappelé que le décès d’Ahmed Taleb Ibrahimi est une grande perte pour notre pays. «Un révolutionnaire hors pair et un grand homme aux compétences politiques et diplomatiques avérées vient de tirer sa révérence. Il était un amoureux de la lecture et de l’écriture. Il a retranscrit de nombreux témoignages pour la postérité», a-t-il dit, avant d’ajouter qu’il a consacré, pleinement et entièrement, sa vie à l’Algérie en la servant sans compter. «Il avait la confiance absolue des anciens présidents, feu Houari Boumédiene et feu Chadli Bendjedid», a-t-il noté avant de mettre en évidence le fait que même dans sa paisible retraite, il n’avait pas hésité à prodiguer des conseils et des avis à tous ceux qui le lui demandaient.
De son côté, l’ancien directeur général de la Sûreté nationale et de la Protection civile, le colonel Mustapha Lahbiri, a évoqué les qualités humaines et la droiture du défunt, indiquant qu’il avait l’amour de la patrie chevillé au corps. Enfin, ancien ministre et sénateur, Aboudjerra Soltani a déclaré que Taleb Ibrahimi est un homme qui a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire contemporaine de la nation. «Il a joué un rôle actif, des décennies durant, dans la vie politique algérienne. C’est un intellectuel ainsi qu’un homme de dialogue et de consensus.»
S. K.
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Décès du moudjahid et ancien ministre Ahmed Taleb Ibrahimi : l’homme de l’alphabétisation et de la révolution culturelle
Un grand Algérien, un grand homme tout court, s’est éteint hier. Il s’agit du moudjahid et ancien ministre, Ahmed Taleb Ibrahimi, décédé à l’âge de 93 ans. C’était l’une des personnalités politiques les plus emblématiques de l’Algérie postindépendance.
Fils de cheikh Mohamed Bachir Ibrahimi, l’un des fondateurs de l’Association des oulémas musulmans algériens (AOMA), le défunt, né à Sétif en 1932, a suivi la voie de son père et milita pour la création de l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA), dont il est devenu président. En 1949, il rejoignit l’université d’Alger pour étudier la médecine, puis adhéra à l’Association des étudiants musulmans nord-africains (AEMNA). Il était également parmi les dirigeants de la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN) durant la Révolution de libération nationale.
Après l’Indépendance, le défunt a occupé plusieurs postes de responsabilité. Il a été notamment ministre de l’Education nationale de 1965 à 1970, étant l’un des artisans de la démocratisation de l’enseignement public en remodelant la cartographie des écoles et en permettant l’accès au savoir aux populations de plusieurs zones rurales. De plus, il a été derrière la création, en 1966, de l’Office national d’alphabétisation et de l’enseignement pour adultes (ONAEA) dont la mission principale était la mise en œuvre du programme national d’alphabétisation et d’enseignement pour adultes qui vise à garantir, aux analphabètes, le droit à un enseignement.
De 1970 à 1977, il a occupé la fonction de ministre de l’Information et de la Culture, contribuant notamment à l’avènement d’une industrie cinématographique nationale, dont le résultat le plus probant a été la Palme d’Or obtenue par le film Chronique des années de braise, de Mohamed-Lakhdar Hamina, lors du Festival de Cannes en 1975, ainsi qu’à l’arabisation des programmes d’information des médias audiovisuels publics. Défenseur convaincu de l’arabisation, il a consigné l’effort de l’Etat en la matière dans un livre, publié en 1973, intitulé De la décolonisation à la révolution culturelle : 1962-1972. Après avoir occupé le poste de conseiller des défunts présidents Houari Boumediene et Chadli Bendjedid, il a été ministre des Affaires étrangères de 1982 à 1988, portant la voix de l’Algérie dans le monde entier et contribuant à la défense des causes justes de l’époque telles la cause palestinienne, la cause sahraouie, les mouvements de décolonisation dans le monde, dont celui de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, et la politique du non-alignement.
En plus d’avoir été un politicien chevronné, Ahmed Taleb Ibrahimi comptait à son actif plusieurs contributions intellectuelles et culturelles, ainsi que de nombreuses interviews avec des médias nationaux et étrangers sur des thèmes liés à l’histoire de l’Algérie et à la Révolution de libération nationale. Ainsi, il a publié, en 1966, un recueil de lettres qu’il avait écrites durant son emprisonnement par les autorités coloniales, intitulé Lettres de prison : 1957-1961. En 2006, il a édité le premier tome de ses mémoires sous le titre Mémoires d’un Algérien, t. I : Rêves et épreuves (1932-1965), relatant son enfance, sa jeunesse, son parcours de militant et de combattant pour l’Indépendance ainsi que les premières années de l’Indépendance. En 2008, le deuxième tome est paru sous le titre Mémoire d’un Algérien, t. II : La passion de bâtir (1965-1978) où il relate ses responsabilités dans le processus de construction de l’Algérie durant la période du président Houari Boumediène.
Ahmed Taleb Ibrahimi était connu et reconnu pour sa droiture et sa probité. Il a aussi toujours prôné la pondération et la sagesse dans ses positions, prônant la recherche des solutions par le dialogue et le consensus et rejetant l’extrémisme et le radicalisme. Homme cultivé, affable et courtois, il n’avait jamais un mot de travers et s’attelait à convaincre par la force de l’esprit. C’était surtout un amoureux de l’Algérie. D’ailleurs, le 13 janvier 2020, soit quelques jours seulement après son élection pour un premier mandat, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lui avait rendu visite afin de «s’enquérir de son état de santé», avait indiqué ce jour-là un communiqué de la présidence de la République. Il lui avait aussi exposé le «changement global»’ qu’il avait commencé à mettre en œuvre. En réaction, Ahmed Taleb Ibrahimi avait exprimé «ses vœux de réussite au chef de l’Etat» tout en exposant ses «idées pour l’avenir».
Ahmed Taleb Ibrahimi était connu et reconnu pour sa droiture et sa probité. Il a aussi toujours prôné la pondération et la sagesse dans ses positions.
F. A.