Affaire de l’assassinat de Djamel Bensmaïl : Peine capitale requise pour plusieurs accusés

Le procureur général près le tribunal criminel d’appel a requis, hier, des peines allant de 10 ans de prison ferme assorties d’une amende de 500.000 DA contre les accusés poursuivis pour délits et la peine capitale à l’encontre des accusés mis en cause pour crimes, ainsi que la confiscation de tous les objets saisis.

Dans son réquisitoire, le magistrat Oussama Benazza est longuement revenu sur les étapes de l’assassinat, l’immolation et la mutilation du jeune Djamel Bensmail. Il a indiqué que «le drame a commencé à l’entrée de Larbaâ Nath Irathen, lorsque la victime avait vu le film des événements depuis son arrivée dans la région sur son téléphone.  La seconde étape a eu lieu à l’intérieur du fourgon de police où on lui a retiré sa carte nationale et informant la foule qu’il est d’Ain Defla. C’est comme s’l était étranger et n’avait pas le droit de se trouver dans cette région». 
Il a relevé «le plafond de la barbarie» quand on a déposé du carton sur son corps pour y mettre le feu. «C’était le feu de la fitna en réalité qui a été déjouée et mise en échec grâce à la sagesse et la vigilance des enfants de ce pays». Un drame, plutôt un film d’horreur, poursuit le PG dans son réquisitoire qui rappelle «l’accélération des faits d’une grande gravité». 
Le magistrat est revenu sur l’implication de l’organisation terroriste MAK dans ce crime et les incendies criminels, soulignant que les accusés ont dévoilé l’organigramme de cette organisation et chaque accusé était chargé d’une mission. 
Il a évoqué la position pro-sioniste du nommé Ferhat M’Henni, le chef de l’organisation terroriste «MAK», qui a exprimé son soutien à l’entité sioniste qui commet des crimes contre l’humanité. 
«Cela démontre que ces gens n’ont pas de principes et ne sont en réalité que des pions de plans destructifs qui visent la stabilité et l’unité de l’Algérie».
 
La victime a mémorisé les faits sur son téléphone 
 
En effet, douze accusés principaux sont des cadres et responsables de la coordination du MAK à Larbaa Nath Iraten et ce sont eux qui ont déclenché le feu.  Le PG a insisté sur le message envoyé par l’accusé en fuite, Yacine D., faisant état d’un «mot d’ordre» de Ferhat M’henni qui a appelé la population à Larbaâ Nath Irathen à fermer les magasins en prévision d’un «grand évènement», le 11 août 2021, soit le jour du crime. «C’est un complot planifié et exécuté avec preuves intangibles».
Un plan financé, selon les expertises, avec la saisie de sommes d’argent dont 1.000 dollars canadiens au profit de certains accusés «makistes». 
Les accusés sont revenus sur leurs déclarations au juge d’instruction en présence de leurs avocats.
 «Ce sont des tentatives désespérées pour fuir leurs responsabilités alors qu’ils ont agi en tant que personnes au-dessus de la loi, qui enquêtent, condamnent et exécutent. Vous avez souillé l’image des chouhada, mais jamais personne n'est au-dessus de la loi. L’Algérie demeurera une terre sainte, dont la région de la Kabylie», a affirmé le PG.
Il a salué l’élan de solidarité avec la victime sur les réseaux sociaux pour identifier les assassins. «Seule la société bénéficiera de circonstances atténuantes», s’adresse-t-i au tribunal avant de requérir les peines maximales.
 
Neila Benrahal 

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Les desseins sordides du MAK

 L'audition hier, en ce troisième jour du procès en appel de l'affaire de l'assassinat de Djamel Bensmail, de l'accusé Hassan S. a dévoilé que l'organisation terroriste «MAK» recrutait des personnes de différentes régions ayant un niveau scolaire limité pour faire l'apologie de cette organisation terroriste.
L'accusé résidant à Alger et natif de la wilaya de Jijel a reconnu être un partisan du MAK. Il est confronté aux discussions et aux contacts qu'il entretenait avec des cadres de cette organisation terroriste, notamment avec le dénommé Mohamed Abranis, alias Amazigh. 
«Il y a des propos graves, régionalistes et extrémistes. Tes discussions portent atteinte et préjudice à la religion et à l'ANP, selon les expertises des perquisitions électroniques», lance le PG. 
L'accusé a répondu que «Amazigh est un escroc et je lui écrivais des propos de rue». Mais il est de nouveau épinglé par le PG : «Pourquoi tu continuais à maintenir des contacts avec un escroc qui te parlait de boubernous et du temple ?».
Le tribunal met en avant des discussions dans lesquelles Amazigh l'informe sur «un évènement important prochain sur le plan politique» et l'accusé a répondu que «le temple va restaurer sa place». Mieux encore, Amazigh lui propose un poste supérieur en lui écrivant : «Tu pourras devenir ministre si tu suis les instructions du temple». Le PG lui rappelle son niveau scolaire qui ne dépasse pas la  9e année et les rapports d’expertises scientifiques. «On a découvert des tracts extrémistes et violents où tu traitais quelqu'un de chien bâtard arabe». L'accusé tente de se défendre : «Je parlais de Bensdira, cest un anti-kabyle!». Le PG revient à la charge : «Les discussions démontrent que Amazigh te connait très bien, pour preuve, il connaît ton niveau scolaire et te promet un poste politique en contrepartie de pots-de-vin. Il y a aussi ta photo en famille avec le drapeau de l'organisation terroriste». L'accusé qui est revenu sur les déclarations faites au juge d'instruction a reconnu qu'il est partisan du MAK sur les questions de l'identité et de la culture. «Je suis aussi partisan de Amir DZ», avoue-t-il.
 
«Vous n’avez rien fait ni vu… »
 
 Confondu par son selfi avec le corps calciné de Djamel Bensmail, il a déclaré croire qu'il s'agissait d'un «épouvantail brûlé» et qu'il a été pris en photo avec «un objet noir».
La juge appelle Azouaou H. à la barre. Ce dernier serait le chargé de la couverture de l'événement. Il est revenu lui aussi sur ses déclarations devant le juge d'instruction. «J'étais à la maison, occupé à soigner ma grande mère atteinte du Covid et qui respirait difficilement…». Il est interrompu par la juge qui le confronte avec une vidéo sur le véhicule Clio saccagé et renversé. «Tu avais le temps pour filmer et partager»,dit-elle. L'accusé tente encore de justifier qu'il était de passage.
A la barre, Lyes B., un accusé reconnu par un policier pour son implication dans les évènements et Achour H. ont retiré également leurs déclarations devant je juge d'instruction. La juge rétorque : «La région de Kabylie était sinistrée et vous avez compliqué la situation et causé un drame .Vous dites tous que vous n'avez rien fait, ni vu …»
 
Neila B.

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Témoignage du chauffeur de la Clio :
«On a échappé au sort de Djamel Bensmaïl» 

Les deux passagers du véhicule, de type Clio, renversé et saccagé, constitués partie civile, ont comparu, hier, en ce troisième jour du procès en appel et semblaient toujours traumatisés par les faits. Ils ont évité à la mort de justesse. Le chauffeur du véhicule Lyes F. a raconté qu'il s'était déplacé de Bordj Menael (Boumerdès) vers Larbaâ Nath Irathen pour porter assistance à la population sinistrée dans le cadre de l'activité d'une association de bienfaisance.» Quand nous sommes arrivés à l'entrée du village, nous étions surpris par la présence d'un jeune armé d'une pelle qui voulait nous agresser . Il incitait les gens à nous brûler en hurlant : «Ce sont des Arabes !». J'ai pris la fuite vers le barrage de police qui nous a transférés au commissariat, mais la foule avait encerclé le lieu pour nous sortir de force. Ils scandaient : «Donnez nous les Arabes pour les immoler». La nuit, nous avons été transférés, mon compagnon Fouad M.  et moi, par des policiers vers le siège de la SW de Tizi-Ouzou. Les policiers nous ont caché dans la malle du véhicule de police». Fouad M. affirme qu'il avait été violemment tabassé. Qui est l'individu armé d'une pelle qui a déclenché l'alerte et a incité la population au meurtre ?. La victime Lyes F. a répondu à la question du tribunal en se tournant vers la rangée des accusés. Il pointe du doigt l'accusé Chaâbane Mostefai . «C'est lui». Il a maintenu son témoignage malgré les tentatives de l'accusé de nier, le traitant de «menteur» mais la victime est formelle : «C'est bien lui, je n'oublierai jamais son visage et sa tête», insiste -t-il. 
 
Neila B. 

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Le père de Djamel Bensmaïl :
«À qui pensait mon fils quand il allait mourir ?»

Le père de la victime Djamel Bensmail constitué partie civile dans l'assassinat de son fils a comparu hier devant le tribunal criminel de Dar El Beida pour la première fois.Ému et d’une voix déchirée, il a déploré les tentatives d'accuser son fils à tort et de lui porter atteinte. «Mon fils est un artiste et poète. Il n'a jamais hésité à porter aide et assistance aux personnes sinistrées ou en détresse. Il a juste informé sa mère de son déplacement à Tizi-Ouzou. On a perdu Djamel, c'est le destin mais la manière dont il est mort, son assassinat, demeure inoubliable et intolérable. On a refusé de lui donner de l'eau...». Il poursuit son témoignage dans une salle silencieuse. Deux années après sa disparition tragique, sa mère ne cesse de me poser des questions : «A qui pensait Djamel quand il allait mourir, à moi sa mère ou à son père ? Est que mon fils a beaucoup souffert ?». A la demande de la présidente de l'audience de suivre les vidéos relayées sur les réseaux sociaux sur les étapes crime, il a préféré quitter la salle. Abattu, il regardait les assassins présumés de son fils qui n’exprimaient ni regret, ni remord.

N. B.

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Projection de vidéos sur les faits :  
Des scènes choquantes

La présidente de l’audience, la juge Naima Dahmani, a ordonné hier à la clôture des auditions des accusés la projection des vidéos ayant mémorisé les événements depuis le déplacement de la victime à Tizi-Ouzou jusqu’à son immolation à Larbaâ Nath Iraten.  La juge a insisté pour que les accusés présents dans la salle et filmés sur la scène de crime soient confrontés à leurs actes. «Assumez vos actes et vos paroles. Reconnaissez-vous dans les vidéos», s’adresse-t-elle aux accusés. Des scènes choquantes, des cris, des slogans racistes, une violence inouïe... 
 
N. B.

 

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