Bille en tête : Le MCA, football et turbulences

Par Liesse Djeraoud

À la veille de la célébration de son centenaire, le Mouloudia d’Alger traverse une période de turbulences, dont le paroxysme a été atteint lundi dernier, avec la dérive d’une cinquantaine de supporters chauffés à blanc, coupable d’actes de vandalisme au siège de la Sonatrach. Constat : la grande faille mouloudéenne est plus que jamais traversée par la division et les conflits. La crise, si récurrente dans ce grand club, pointe du nez.
Outre une série de contre-performances, caractérisée par trois matches nuls à domicile, le Doyen fait face à une cascade de démissions au sein du conseil d’administration du club. Ainsi, l’ancienne gloire des années 1970, Anwar Bachta, a demandé à être libérée de ses charges, au moment où l’entraîneur Neghiz et les joueurs montent au créneau pour exprimer leurs inquiétudes quant au retard enregistré dans le versement des salaires. Si, comme de coutume, l’opacité entoure les raisons de cette grogne interne, il n’en demeure pas moins que cette instabilité chronique au niveau du staff dirigeant témoigne d’un profond malaise et pourrait préfigurer un énième changement au sein de l’état-major de la société sportive. Pourtant, la dernière réunion, organisée par le propriétaire Sonatrach avec les dirigeants de la SSPA, laissait présager le retour d’un climat de sérénité. En vérité, le mal du MCA est structurel. Selon l’un des membres démissionnaires du CA, le problème réside dans l’absence d’une vision à long terme et de projet sportif. Le club se contenterait d’une «gestion à la petite semaine», enrobée de populisme censé absorber une éventuelle pression des supporters. Cette gouvernance se cristallise dans l’absence d’une feuille de route à même d’impulser le développement du club et une instabilité chronique, tant au niveau managérial que technique. Il est d’ailleurs révélateur qu’à chaque intersaison, le recrutement est érigé en matrice de gestion.
Une mission que les gestionnaires élèvent au rang de priorité majeure. Si l’on excepte les discours d’intention et les projets mort-nés, sans portée historique, cette démarche, qui focalise sur le résultat immédiat, n’est pas sans engendrer un poids dantesque sur les finances du club. Au fil des ans, le MCA est devenu un club hyper-budgétivore, sans aucune contrepartie en termes de performance.
À l’heure où le football professionnel exige un «appareil de production» à même de compenser l’investissement consenti, le Mouloudia se complaît dans un modèle de gestion sans ligne de conduite ni objectif. Pourtant, avant même la réforme sportive de 1979, au temps du bénévolat et du statut d’amateur, le Doyen s’était doté de structures et d’une feuille de route qui en avaient fait l’avant-garde du football national et le précurseur de la consécration internationale du sport roi algérien. Aujourd’hui, c’est cette absence criante de stratégie et surtout de bilan d’étapes qui symbolise le club. Et comme disait un illustre écrivain algérien : «Qui n’a pas d’itinéraire est condamné à errer.» L’exemple du Mouloudia n’est malheureusement pas un cas isolé, même si son histoire et sa popularité le mettent sous les feux de la rampe.
Quasiment toute l’élite du football national est régie par le même mode de fonctionnement. En étant large, on dirait que peu nombreuses sont les sociétés sportives qui possèdent un organigramme structuré, une vision à long termes et une gestion digne du professionnalisme. Quant au projet sportif, il est pratiquement inexistant. Il est aujourd’hui plus qu’urgent pour les personnes en charge des clubs de l’élite de revoir leur copie. Les SSPA ne doivent plus être un simple sigle, mais de véritables sociétés qui créent de la richesse, accumulent les performances, exportent leurs «produits» et engendrent une plus-value. L’État ne peut indéfiniment maintenir sous perfusion sonnante et trébuchante des entreprises de spectacle moribondes et sans avenir.
L. D.

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