
La mosquée Abou Merouane-Echarif, le plus vieux monument religieux et culturel de l’antique Bouna, attire les fidèles de toutes les régions d’Annaba et même les visiteurs de passage. Située sur les hauteurs de la vieille ville - l’ancienne place d’Armes -comme si elle veillait sur la ville moderne, la mosquée Abou Merouane-Echarif a connu une opération de réhabilitation, même si certains observateurs et connaisseurs trouvent la restauration de l’édifice peu conforme à l’image du passé. L’imam du mausolée de Sidi Brahim Ben Toumi, et chef spirituel de la Tariqua El Allaouia, El Hadi Tarcha, estime que «la réhabilitation de la mosquée Abou Merouane Echarif n’a pas été au niveau des attentes», dans la mesure où elle a duré plus de 7 ans, alors que le délai était de 18 mois, avec des rajouts, d’où la nécessité de supprimer les parties réalisées durant l’époque coloniale, la mosquée ayant été transformée en hôpital. Il n’écarte pas la possibilité d’un effondrement de la mosquée. «Il faut remettre en état les deux coupoles qui figuraient initialement lors de sa construction», a ajouté notre interlocuteur, proposant le remplacement des vitrines en faïence par des matériaux gardant l’aspect original. Ce patrimoine matériel peut être mis à profit pour non seulement faire connaître l’histoire du pays, mais également constituer une source de revenus par la promotion du tourisme religieux. Le projet de restauration et de mise en valeur de cette mosquée, engagé par le ministère de la Culture, est venu remédier à l’effritement des murs décorés de mosaïques andalouses. Lancée en mai 2013, l’opération de réhabilitation a pris fin début 2019. La réhabilitation de la mosquée Abou Merouane-Echarif, classée monument national en avril 2011 et construite au XXIe siècle, visait la restauration de son aspect esthétique et sa mise en valeur comme vestige et patrimoine architectural construit par l’amiral Abou Leith El Bouni à l’ère des Zirides, à l’époque de Mouaiz Ben Badis El Sanhadji. «J’aurais aimé que les travaux de réhabilitation soient faits sur des bases scientifiques et prennent en compte les contraintes techniques et logistiques de l’endroit», a mis en exergue l’imam du mausolée de Sidi Brahim Ben Toumi, El Hadi Tarcha. La mise en valeur de ce monument historique et culturel a un impact économique important dans la région. Construite durant la période 425-1033 de l’ère chrétienne, sur un rocher, la mosquée Abou Merouane compte deux sous-sols superposés avec un réseau de couloirs voûtés (vestige ribat). L’édifice, qui surplombe la vieille ville, le port et la plaine d’Annaba, est doté d’une salle de prière et d’une cour avec une allée sous galerie. Face à l’entrée de la mosquée, un jardin avec deux rangées de rosiers et de jasmins. A l’intérieur de la mosquée, se trouve la tombe de son premier imam, le célèbre théologien Abou Merouane El Bouni, tout près de la porte principale. En mai 1832, la mosquée est transformée en hôpital militaire et connaît l’aménagement d’autres structures, une spoliation par décision de l’autorité coloniale en date de 1838. En 1947, l’édifice fut rendu au culte musulman après avoir été inféodé pendant 115 ans au service sanitaire militaire. Fermée après l’explosion d’un navire au port d’Annaba au début de l’indépendance, la mosquée fut rouverte le 26 octobre 1968 aux fidèles. Plusieurs personnalités religieuses et spécialisées dans la construction ont fréquenté la mosquée Abou Merouane-Echarif, dont le nom a un rapport avec Cheikh El Hemmam, en l’occurrence Abou Abdelmalik Merouane El Assadi, né à Séville, en Espagne, en 439 de l’Hégire, correspondant à l’an 1047 après Jésus-Christ. Il a occupé les lieux par la science et l’enseignement. Décédé en 501 de l’Hégire, correspondant à l’an 1108, Abou Merouane repose dans l’enceinte de la mosquée. Il fut un homme de science islamique et un adepte des stratégies militaires à la faveur des voyages qu’il a entrepris dans le monde musulman. De retour à Bouna, il créa la première université de théologie dans le Grand Maghreb.
B. Guetmi