
Le parquet près le pôle pénal économique et financier de Sidi M’Hamed a requis hier une peine de 15 ans de prison ferme contre l’ancien secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, assortie d’une amende de 8 millions de DA ; une peine de 10 ans de prison ferme assortie d’une amende de 8 millions de DA a été requise contre son fils, Djamil, en détention, et 10 ans de prison ferme assortie d’une amende de 8 millions de DA contre son deuxième fils, Hanafi (sous contrôle judiciaire).
Le parquet a requis une peine maximale, soit 18 ans de prison ferme assortie d’une amende de 8 millions de DA avec émission d’un mandat d’arrêt international à l’encontre de Ramine, le troisième fils en fuite à l’étranger. Sidi Saïd et ses enfants sont poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation, dont incitation d’agents publics pour bénéficier d’indus avantages et blanchiment d’argent. Une peine de 6 ans de prison ferme assortie d’une amende de 8 millions de DA a été requise contre Abderrazek Hazbellaoui et Hocine Chenoune, ancien président de la MIP (Mutuelle de l’Industrie Pétrolière). La même peine a été requise à l’encontre de l’ancien DG de l’OPGI d’Hussein Dey, Rhaimia. Par ailleurs, le parquet a requis une peine de 5 ans assortie d’une amende de 500.000 DA à l’encontre de l’ancien PDG de Mobilis Ahmed Chouder et de Khaled H., ancien cadre de l’entreprise. Des peines de 2 à 3 ans de prison ont également été requises contre d’autres cadres de Mobilis. S’agissant des trois sociétés appartenant aux accusés principaux, poursuivies en tant que personnes morales, le parquet a requis une amende de 32 millions de DA avec saisie des biens mobiliers et immobiliers dans le cadre de l’enquête judiciaire.
Des appartements détournés au profit de la famille Sidi Saïd
Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public a qualifié les faits de «spéculation immobilière». Il est longuement revenu sur les auditions des accusés lors de l’audience. «Cette affaire s’articule sur trois axes. Il s’agit d’atteinte aux deniers publics par un responsable censé protéger les biens et l’argent de l’Etat mais qui les a détournés au profit de sa famille, voire de ses enfants. Djamil et Ramine ont bénéficié de trois appartements LSP dont un appartement duplex octroyés par l’OPGI d’Hussein Dey alors qu’ils n’y avaient pas droit». Le procureur de la République a déploré que «des appartements destinés aux travailleurs de la MIP, qui ont cotisé, aient été détournés et accordés aux enfants de l’ancien SG de l’UGTA, alors qu’ils ne sont pas affiliés à la mutuelle et ne paient aucune cotisation. Les fils de Sidi Saïd ont acquis ces appartements à 6 millions de DA l’unité grâce à l’intervention de leur père et les ont revendus, de même pour les deux locaux. L’accusé Djamil a bénéficié d’un local de 9 millions de DA qu’il a loué et a bénéficié d’un deuxième local à 6,8 millions de DA qu’il a revendu à 12 millions de DA le jour même de la régularisation du contrat d’achat». L’ancien DG de l’OPGI d’Hussein Dey est mis en cause pour dilapidation de deniers publics et abus de fonction, a indiqué le représentant du ministère public dans son réquisitoire. De même pour les deux contrats conclus entre Mobilis et les deux sociétés appartenant aux enfants de Sidi Saïd, dont Ramine. «Les conventions ont été marquées par des violations et des dépassements. Le montant complet des accords a été versé à Ramine Sidi Saïd alors que l’une des clauses du contrat stipulait le versement total du montant après diffusion. Ahmed Chouder, DG de Mobilis à l’époque, a signé la fiche de décision «parce que c’était le fils de Abdelmadjid Sidi Saïd», clame-t-il. Il poursuit : «Le contrat a été conclu lors de la clôture de la Coupe du monde en Russie en 2018 et les sommes d’argent ont été transférées à l’étranger dans des comptes bancaires et investies dans plusieurs projets, dont une pâtisserie dans une cité résidentielle à Paris», conclut-il.
Le procès a eu lieu hier après plusieurs reports en raison de la maladie de l’accusé principal, Abdelmadjid Sidi Saïd, jugé par visio-conférence à partir de l’établissement pénitentiaire d’El Harrach où il se trouve en détention provisoire. Ce dernier a nié en bloc les charges retenues contre lui, affirmant n’avoir aucun lien «avec ces problèmes». Le président de l’audience, Kamel Benboudiaf, lui a bien précisé qu’il était poursuivi pour «trafic d’influence plus que pour corruption». L’ancien SG de l’UGTA a répondu, à propos des privilèges accordés à ses enfants, dont des appartements de la MIP, qu’il n’avait fait aucune intervention. «C’était l’initiative de l’administration et de la mutuelle elle-même», dit-il avec une petite voix, mais le juge l’interroge à nouveau : «Pourquoi n’avez-vous pas réagi à cette situation illégale puisque vos enfants n’y ouvrent pas droit. Ce sont des intrus qui ont bénéficié des droits destinés à des travailleurs au Sud du secteur pétrolier qui cotisent pour avoir un logement. En tant que responsable de l’UGTA, il fallait sanctionner les auteurs de cette initiative».
«J’ai agi sur instructions du boss»
Le président de la MIP, Abderrazak Hazbellaoui, accusé non détenu, a réfuté les déclarations de Sidi Saïd : «J’ai fait l’objet de pressions de Monsieur le président et on a fini par me limoger car j’ai refusé d’exécuter les instructions». Il est interrogé par le juge : «Sidi Saïd Abdelmadjid vous a-t-il contacté personnellement pour intervenir en faveur de ses enfants ?». Il répond : «Non, mais un certain Badr Eddine m’a appelé de la part du «boss» qui m’instruisait d’octroyer les appartements à ses enfants -le boss c’est le SG de l’UGTA». Djamil Sidi Saïd, accusé en détention, propriétaire d’une agence de voyage, a reconnu avoir vendu l’un des appartements de la MIP à 1,7 milliard de centimes alors qu’il l’avat acheté à 4 millions de DA. De même pour Hanafi, l’autre fils d’Abdelmadjid Sidi Saïd, qui a fait un désistement pour un local à Chéraga, le jour même de l’acquisition. «Je l’ai acheté de l’OPGI à 7 millions de DA et je l’ai cédé à 12 millions de DA».
Les auditions ont également porté sur les conventions signées avec Mobilis et la société «All in», appartenant à l’un des fils de Sidi Saïd, qui porte sur le sponsoring d’un montant de 35 millions de DA, en premier lieu, et la seconde convention d’un montant de 5 millions de DA pour financer un programme télévisé, mais qui n’a pas abouti. Le président de l’audience s’est interrogé : «Un projet dans le cadre de la Coupe du monde 2018 en Russie alors que l’Algérie était absente à cet événement, c’est de la dilapidation des deniers publics».
Mobilis s’est constitué partie civile dans cette affaire alors que la représentante de l’OPGI d’Hussein Dey s’est présentée en qualité de témoin. Les plaidoiries se sont poursuivies tard dans la soirée.
Neila Benrahal