Tapis de Ksar Chellala et de Sougueur : tissés de laine et d’histoires

Au cœur des hauts-plateaux algériens, les tapis de Ksar Chellala et de Sougueur racontent bien plus qu’un savoir-faire : ils murmurent la mémoire des femmes qui les tissent, la richesse des tribus qui les ont vus naître et la beauté d’une tradition qui résiste au temps. Chaque fil de laine, chaque motif coloré est un fragment d’histoire, une empreinte vivante du patrimoine artisanal et culturel de la région.

Dans les vastes paysages des hauts-plateaux algériens, les tapis de Ksar Chellala et de Sougueur émergent comme des témoins silencieux d'une riche histoire culturelle. Chaque pièce, tissée à la main par des artisanes passionnées, porte en elle non seulement des motifs colorés mais aussi des récits ancestraux, des traditions séculaires et l'âme des tribus qui ont façonné cette région. Autrefois, ces tapis étaient le symbole de la richesse et du savoir-faire des communautés locales. Aujourd'hui, bien que la pratique ait évolué, l'art du tissage perdure, témoignant d'un lien indéfectible entre passé et présent, entre artisanat et identité.

Lorsqu'on évoque les origines des tapis de Ksar Chellala, de Djebel Amour, de Ain Madhi et de Sougueur ainsi que ceux de Djebel Nador, il est essentiel de se rappeler que ces tapis constituaient initialement la richesse des tribus autochtones. Autrefois, ils étaient offerts en dots lors des mariages, il était essentiel, mais aujourd'hui, cette pratique a disparu. Malgré ces changements, le métier résiste encore. De ce fait, certains tapis vintage, n'ayant jamais servi, sont précieusement conservés par les grandes familles notables de la région et des collectionneurs.

Selon Mme Mokadem Naïma, cheffe de service à la direction de la chambre de l'artisanat et des métiers de Tiaret, le nombre d'artisans spécialisés dans ce type de fabrication artisanale est actuellement de 13, dont 7 femmes, répartis dans les régions de Ksar Chellala, Frenda, Sougueur, Sidi Abderrahman, Ain Dheb, Zmalet el Émir et Kermès. Ce chiffre a diminué en raison de la fermeture de l'artisanat communal depuis plus de cinq ans, ainsi que de la modernisation de l'industrie textile à l'échelle mondiale. La transformation de la société a également eu un impact, comme en témoignent des artisans de la région.

Les tapis de Ksar Chellala et de Sougueur sont des produits artisanaux fait-main au cœur des régions des hauts- plateaux et steppiques. Ils sont tissés par des femmes d’origine de tribus berbères et bédouines naïlies (de la tribu de Ouled Nail) sur des métiers traditionnels et selon des procédés millénaires qui se transmettent de génération en génération. Chaque tapis raconte une histoire unique, tissée avec soin et passion par des mains talentueuses.

Si l’histoire des tapis berbères traverse les siècles, elle s’inscrit dans une tradition à la fois stable et mouvante. Les savoir-faire ancestraux se transmettent de génération en génération tout en évoluant, en se perfectionnant.
Selon Boumidouna Fatiha, de Ksar Chellala, présidente de la coopérative «Chellaliates, traditions et modernité», lauréate du 1er prix national lors de la 19e édition du concours national du meilleur produit artisanal à Alger en 2023, «une fois le mouton ou le chameau tondu, sa laine est récoltée pour être lavée et ensuite filée. C’est cette étape qui permet de trouver la fibre en laine véritable. Les fibres sont préalablement peignées ou cardées à l’aide de deux brosses à laine (cardeuses manuelles) afin de les débarrasser de toute impureté. Ensuite, vient le filage à proprement parler qui consiste à étirer et à tordre les fibres de laine afin d’obtenir un fil continu, régulier et très résistant.

Une fois la laine ainsi obtenue, la confection du tapis peut commencer. Les fils de trame sont tendus sur le métier à tisser qui conditionne la taille des tapis produits. Ensuite, les fils de laine sont généralement noués autour de deux fils de trame seulement. Même si les nœuds diffèrent selon les types de tapis, le «nœud berbère» consiste à enrouler la laine autour de la trame en formant un huit. On passera ainsi successivement devant et derrière les deux fils de trame avant de serrer et de tasser le nœud. La complexité et la minutie de ce travail artisanal explique le temps de fabrication nécessaire pour parvenir au résultat final : il faut compter jusqu'à six mois pour tisser un grand tapis.

Selon une confectionneuse de tapis qui a voulu garder l’anonymat, plus de 30 couleurs sont extraites de composants naturels, comme la peau de grenade, le henné, les prunes et l'argile ocre jaune, qui sont mélangés pour créer diverses nuances.
Un outil appelé «halala» est utilisé pour aligner et fixer les fils de laine colorée. Le tissage d'un tapis peut prendre plusieurs mois, voire jusqu'à 10 mois pour les plus grands.

Le terme «Chellalia» fait référence à un type de tapis traditionnel de la région de Ksar Chellala en Algérie, dont la production utilise des matériaux naturels et des techniques de tissage ancestrales.
La région possède son tapis typique, avec un répertoire de symboles et des motifs géométriques variables et originaux. C’est un «hand made», produit artistique fait complètement à la main, tissé ou noué, ce qui confère au produit une grande qualité. Idéal pour les tapis à motifs dits patchworks (arabesques, lignes, courbes ou encore motifs floraux…), le tissé main est principalement utilisé sur des tapis en laine faits main.

Chaque tapis proposé est une pièce unique, sélectionnée avec soin. Ces accessoires de caractère, fabriqués en laine, sont conçus pour durer dans le temps. Ils s'inscrivent dans une logique de consommation durable. En intégrant un tapis de Chellala dans votre intérieur, vous acquérez pas seulement un élément de décoration, mais aussi un morceau d'histoire et de culture vivante. C'est une invitation au voyage, une célébration de l'artisanat traditionnel et un engagement en faveur d'une consommation plus éthique et durable.
A Ksar Chellala et à Sougueur, la fabrication de tapis est généralement une affaire de famille. Chaque nouvelle génération apporte sa touche personnelle tout en respectant les traditions ancestrales, ainsi les compétences et techniques sont transmises de génération en génération. Les femmes sont au cœur de cet artisanat, à la fois comme tisserandes et comme dépositaires des motifs et symboles traditionnels.

Ces tisserandes livrent, à travers leurs tapis soigneusement élaborés, des repères significatifs qui ont un lien direct avec le milieu sociologique immédiat et l’imaginaire social dont elles sont issues. Apprécié comme une valeur ornementale, le tapis constitue, également, une œuvre picturale dont l’authenticité s’identifie aux symétries des dessins qu’il comporte, et chaque région se reconnaît à travers les représentations et styles géométriques assortis de couleurs soigneusement choisies par les artisans. A titre d’illustration, les tapis des régions de Djebel Amour, de Nador en allant vers Sougueur, Aflou, El Bayadh et Laghouat, se distinguent par des dessins exécutés avec le mariage des couleurs rouge, noire et blanche. Le tapis de Ksar Chellala répond aux styles de tissage bien particulier et comporte une multitude de couleurs et motifs.

Les tapis sont porteurs d’histoires personnelles, souvent liées à nos vies quotidiennes, nos rêves, nos croyances et nos aspirations. Chaque motif géométrique peut symboliser divers éléments de la nature, des animaux ou même des figures humaines stylisées, chaque symbole ayant sa propre signification spécifique.

Chaque tapis proposé est une pièce unique, sélectionnée avec soin. Il est porteur d’histoires personnelles.
L’industrie des tapis au dans ces deux régions joue un rôle économique et social important, notamment dans les régions rurales. En offrant une source de revenus essentielle, elle permet à de nombreuses familles d’être autonomes économiquement et favorise le développement des communautés locales, en particulier celle des femmes.
Les tapis de Ksar Chellala et de Sougueur sont bien plus qu’une simple décoration — ils représentent un patrimoine culturel qui perdure. À travers chaque tapis, on peut observer l’âme de la région qui se reflète et raconte les valeurs, les croyances ainsi que l’histoire des peuples qui ont contribué à le créer. Acquérir un tapis de Ksar Chellala signifie s’approprier une part de cette culture riche, contribuer à préserver un savoir-faire ancestral et perpétuer une tradition qui ne cesse d’évoluer et de prospérer.

En définitive, les tapis de Ksar Chellala et de Sougueur ne sont pas de simples objets décoratifs, mais des véritables œuvres d'art, chargées de sens et d'histoires. Chaque nœud, chaque couleur, chaque motif raconte l'identité d'un peuple et la richesse de ses traditions. Dans un monde de plus en plus uniformisé, ces tapis représentent un ancrage précieux, un appel à la préservation de notre patrimoine culturel.

S. M. N.

 

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