Si Taghit m’était contée…

De notre envoyée spéciale à Béni Abbès Sihem Oubraham

Au cœur de la Saoura, nichée dans une palmeraie luxuriante, dorlotée par les vagues infinies de sables dunaires, se dresse, insouciante, l'enchanteresse Taghit, une oasis aussi vieille que le monde et à la beauté et magie inouïes. Cette oasis envoûte les âmes de passage et emprisonne les regards. Une invitation permanente à se blottir en son sein, sentir ses tréfonds, entrailles et percer ses secrets. Du voyage, on en sort rarement indemne.

A Taghit, il fait bon vivre en ce mois de février où le soleil est très doux. Il faut dire que le voyage, depuis le chef-lieu, a été une véritable partie de plaisir, où travail, détente et découverte étaient au rendez-vous grâce à une parfaite organisation confiée à l'Office national du tourisme (ONAT). Après presque deux heures de route nous voilà arrivés. Taghit «l'enchanteresse», une commune de la wilaya de Béni Abbès qui mérite bien son appellation, car elle a exhibé ses atouts touristiques et la splendeur que dame Nature lui a octroyé. Par sa beauté et sa magie inouïe, cette oasis a ensorcelé notre regard. Elle nous a conviés à nous jeter immédiatement dans ses entrailles pour s'enivrer de ses secrets. En l'espace d'une journée seulement, cette oasis a bien voulu nous livrer ses trésors enfouis, sauvegardés par les populations locales au fil des années et même des siècles. Campée entre une rivière de palmeraie et des vagues de sable, elle octroie à ses hôtes un panorama bariolé et subjuguant. Entre un dégradé de vert de la palmeraie, le rose terreux du ksar, la couleur orange des façades des nouvelles bâtisses et le mordoré des dunes fascinantes se côtoient comme par enchantement. Une fois sur place il ne faut surtout pas s'abstenir d'escalader le sommet de la grande dune. D'ailleurs personnellement, il m'a fallu du souffle... beaucoup de souffle pour y arriver. Marcher ainsi pieds nus sur le sable chauffé aux rayons du soleil, des sensations merveilleuses que personne ne peut ressentir tant qu'il ne s'en est pas enivré lui-même ! Il faut dire que ce n'était point facile, d'atteindre le sommet de cette fameuse dune, à dix pas que je faisais mes pieds s'enfonçaient dans le sable et me glisser vers l'arrière... il faut dire que c'était très amusant de voir tout le monde dans la même situation. Sur les lieux, une ambiance bon enfant régnait. Au sommet, j'ai vu ce que je n'ai jamais vu de ma vie ! Je me suis laissée émerveiller, comme si c'était pour la première fois, par un océan de dunes, des vagues de sable ocre à perte de vue et à couper le souffle ! Rester ainsi un petit moment dans ses rêveries, saisis par la magie du site avant de revenir à la réalité. En contrebas, une dizaine de quads sont stationnés près des méharis sellés au pied de la fameuse dune de Taghit. Fini le temps des photos souvenir, des stories pour faite des jaloux sur Instagram, facebook et snapchat, sur cette majestueuse dune de 300 mètres, d'admiration, de ferveur devant tant de beauté et de grandeur, le tout agrémenté par une brise légère caressant les visages. Je redescends sur terre difficilement. Je vais rejoindre les autres membres du groupe qui ont déjà entamé la descente. Alors que certains préfèrent courir, moi... je préfère me jeter dans le sable, et me faire rouler comme un tapis ! Cependant je vous déconseille de le faire car je vous laisse libres d’imaginer dans quel état j'étais. Il est temps de faire quelques achats des souvenirs de Taghit à offrir, les commerçants offrent un éventail de choix : bracelets et tenues traditionnels, sans oublier les fameux chèches exposés dans toutes les couleurs. Après l'effort, place au réconfort, le temps de siroter un bon thé fait maison à la braise et une assiette de cacahuètes. L'odeur de la menthe fusionnée au thé vert minutieusement mijoté à feu de braises, le tout dans une ambiance purement traditionnelle dans une khaïma qui attire les touristes. Le thé à la menthe est partout et tout le temps au Sud, offert et dégusté en signe d'hospitalité, selon un proverbe Touareg «pour réussir le thé, il faut trois choses : le temps, les braises et les amis», nous dira Ahmed propriétaire des lieux, ce dernier nous explique que le thé est servi trois fois sans changer les feuilles. Les arômes et l'aspect de l'infusion évoluent donc au fil des dégustations. Un proverbe arabe décrit ces trois infusions «le premier verre est amer comme la vie, le second est aussi doux que l'amour et le troisième est aussi apaisant que la mort».

Musée en plein air...

Nous profitons de l'occasion de notre présence à Taghit, pour faire un détour du côté des stations des gravures rupestres, un musée en plein air. Nous quittons ce petit havre de paix pour une visite histoire... à la découverte des merveilleuses gravures rupestres qui datent de 8.000 ans avant Jésus-Christ. Nous rejoignons le bus, destination historique, à environ une demi-heure de trajet. Nous parcourons près de 18 km pour arriver à la station «Zaouia Tahtania», dernier hameau de l'oasis de Taghit. Sur une route étroite et vertigineuse dans un paysage désertique où se mélangent l'ocre des dunes, le vert des acacias et de différentes autres plantes et fleurs du désert. Fantastique virée ! Tout le long de l'oued, des lauriers roses longent la route qui mène vers les palmeraies. Nous voilà arrivés à la station de gravures rupestres de Taghit, localisées sur une zone à protéger de 500 ha à quelques encablures de Taghit, sont des gravures préhistoriques d'âge néolithique dont les dessins sur les roches mettent en évidence, outre des chefs-d’œuvres humains, plusieurs espèces animales ayant vécu jadis dans cette région, notamment des antilopes, des chameaux, des gazelles éléphants, des autruches et des girafes, selon le schéma de leurs protection. Pour cette visite historique, nous sommes accompagnés par Abdelkader Sahli nommé le «Kada PDG du Grand Erg Occidental». Il connaît tout et tout le monde. «La grande satisfaction vient des quatre stations de gravures rupestres datant de plus 8.000 ans», nous dira Kada. Ces stations, selon notre guide, comprennent une quarantaine de dessins de bovidés et autres espèces animales de l'époque, et «sont localisées dans un site à haute valeur historique, étant donné la présence de sépultures, de poterie et plusieurs autres matériaux archéologiques, d'une grande importance pour la connaissance de l'histoire de la région de la Saoura, du pays et de l'humanité», nous dira-t-il. Ce dernier nous rappelle que ces gravures représentent la vie quotidienne de l'Homme ancien. «Comme vous pouvez le constater ce sont des dessins représentant des vaches, des chèvres gravés sur de grosses pierres». «Les écritures sont en tifinagh», a-t-il souligné. «Malgré leur grande valeur historique, certains de ces dessins ont été dégradés par de la peinture et des graffitis, actes de vandalisme d'individus inconscients de leur portée historique humaine», a déploré Kada PDG du Grand Erg Occidental. Désastreusement, les gravures sont saccagées... on peut visiblement lire les noms et les villes des pseudo «touristes» transcrits à la peinture, à la craie et parfois même gravés. «La station se trouve dans un endroit isolé et non sécurisé», lança Kada, qui ajoute «certains touristes ignorent qu'il s'agit d'un patrimoine et non pas de simples pierres», a regretté Kada. Ce dernier explique le potentiel humain de la région pour travailler dans le secteur, «il y a des jeunes chômeurs dans la région qui peuvent servir de guide ou comme agent de sécurité, pourquoi ne pas les recruter pour protéger ces sites historiques». Je ne vous cache pas l'état émotionnel dans lequel j'étais... un coup de foudre ! J'avais le désir d'explorer ce site historique alors je suivais les pas de notre guide pour atteindre le sommet. Pour l'atteindre, il m'a fallu faire appel à toutes mes forces effritées en cours de cette journée ensoleillée, tant le programme était très riche et varié et la balade pédestre longue et éprouvante. Chaque pas que l'on faisait était un voyage dans le temps. Notre imaginaire nous montrait l'homme d'autrefois, poilus et habillé de peaux d'animaux, qui tenait une pierre à la main accroupi face à ces pierres gigantesques et dessiner son environnement dans le but d'immortaliser son époque et nous dire qu'il existait bien une vie il y a 8.000 ans.

S. O.

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