En Algérie, l’association Tala’Coop ouvre la voie à un tourisme social et solidaire

Partir en voyage tout en limitant l’impact sur les populations et les territoires est un engagement pour lequel beaucoup d’Algériens optent. Ce type de voyage, fondé sur la découverte de l’autre dans le respect de son identité et de sa culture, est appelé tourisme solidaire. À travers son association Tala’Coop, Dounia Laggoun milite pour un tourisme engagé, axé sur l’échange, le partage et la valorisation du patrimoine local.

«Le terme tourisme social prête parfois à confusion. Lorsqu’on parle de solidarité, les gens pensent immédiatement aux dons. C’est pourquoi, dans notre démarche, nous parlons plutôt de développement socio-économique. Les sorties que nous organisons à travers différentes wilayas nous permettent de rencontrer des petits artisans ausavoir-faire authentique, mais qui manquent de visibilité. L’idée est de les soutenir en achetant leurs produits, mais aussi en logeant chez l’habitant ou dans des maisons d’hôtes. C’est un tourisme qui valorise le potentiel naturel, culturel et humain des régions d’accueil», explique Dounia.

Un projet de cœur devenu réalité

Titulaire d’un diplôme en sciences économiques, Dounia a longtemps souhaité faire carrière dans le tourisme. Si son parcours professionnel l’a plutôt menée vers le monde de l’entreprise, elle a concrétisé ce rêve après sa retraite en fondant Tala’Coop, une association dédiée au tourisme solidaire et au développement local.

Pour mieux comprendre ce secteur, elle travaille pendant deux ans dans une agence de voyages où elle organise des circuits à travers l’Algérie. De cette expérience, ainsi que de ses nombreux voyages personnels, elle tire un constat : les offres touristiques traditionnelles manquent souvent d’enrichissement humain.

«J’ai beaucoup voyagé, et j’ai toujours cherché le lien humain. Le voyage est un investissement, on veut en tirer le meilleuret, pour moi, la priorité, c’est la rencontre avec les habitants. L’autre est riche de ses valeurs, de ses coutumes, de ses traditions. C’est ce manque de contact humain qui m’a donné envie de proposer des voyages pensés autrement, au-delà du simple circuit culturel», revient-elle sur la genèse du projet.

Un tourisme éthique pour un développement durable

Pour Dounia, l’Algérie est un véritable«payscontinent», riche d’un patrimoine naturel et culturel exceptionnel mais encore trop peu valorisé. Elle constate que beaucoup de régions souffrent d’un isolement socio-économique malgré leur potentiel touristique. À l’inverse, certaines zones soumises à un tourisme de masse risquent de voir leurs ressources naturelles et culturelles épuisées ou mal exploitées.

«Nous pensons qu’un tourisme équitable et solidaire, en phase avec les objectifs du développement durable, peut devenir un levier de développement. Il peut générer des emplois, préserver le patrimoinematériel et immatériel et faire profiter les touristes, qu’ils soient locaux ou étrangers, de la richesse de nos territoires», affirme-t-elle.

Parmi les séjours proposés par Tala’Coop, celui organisé à Timeghras, dans la commune d’Aït Boumahdi (wilaya de Tizi Ouzou), a marqué les participants. Le groupe a séjourné au pied du mont majestueux Thaletat, surnommé «la Main du juif», culminant à 1 638 mètres dans le massif du Djurdjura.

« Nous étions hébergés dans un gîte tenu par Massi Amaouz, un jeune entrepreneur ambitieux qui a créé un espace chaleureux au pied de la montagne. Les soirées étaient animées par des musiciens locaux et des jeux de société. En journée, nous avons randonné dans le Djurdjura. L’un des moments les plus mémorables fut un petit-déjeuner dans une grotte aménagée par une artisane qui fabrique des produits à base de lait de chèvre, issu de son propre troupeau. Nous avons terminé la sortie par un pique-nique avec vue sur la montagne. Les sorties que nous organisons sont destinees aux adhérents uniquement. L'adhesion est ouvertes à tous a condition de respecter les valeurs de l'association», décrit-elle.

Si l’accueil chaleureux des habitants fait la richesse de ces séjours, Dounia souligne un défi de taille : le rapport à l’argent. «Nous avons du mal à faire comprendre aux hôtes qu’ils doivent être rémunérés pour leurs services. Ils considèrent les touristes comme des invités et refusent parfois l’argent. C’est un véritable travail de sensibilisation que nous devons entreprendre.» Dounia fait un travail de sensibilisation auprès de ces personnes afin de leur apprendre à monétiser leurs prestations.

Former pour mieux accueillir

Le développement decompétences dans les régions réceptrices est l’un des piliers de Tala’Coop. L’association s’investit dans la formation, l’accompagnement et la mise en réseau des acteurs du tourisme local.

Au fil des sorties, Dounia évalue les potentialités mais aussi les manques. Parmi les difficultés rencontrées : l’absence d’accompagnateurs qualifiés en zones montagneuses.

La montagne, avec ses sentiers escarpés, ses conditions climatiques, parfois imprévisibles, et son accès difficile, exige une parfaite connaissance du terrain ainsi qu’une formation adaptée pour garantir la sécurité des visiteurs.

Pour y remédier, une formation a été initiée par Tala’Coop en partenariat avec l’Institut national spécialisé de formation professionnelle et la Direction du tourisme de Bouira.

«Cette formation, organisée le 27 septembre à l’occasion de la Journée internationale du tourisme, portait sur le montage de circuits, le comportement du guide et du touriste, le secourisme, et surtout sur la valorisation du Parc national du Djurdjura assurée par les specialistes de l'INSFP. Nous avons participé au montage de la formation et apporté quelques remarques sur le contenu», informe-t-elle.

Dans ses perspectives de développement, l’association Tala’Coop envisage plusieurs actions structurantes pour renforcer l’ancrage du tourisme solidaire en Algérie. Parmi ces projets, la création d’une plateforme numérique baptisée Gîte Algérie, qui permettra la réservation en ligne d’hébergements alternatifs : gîtes, maisons d’hôtes, auberges…

L’association prévoit également de lancer une campagne de prospection visant à recenser les maisons et villages à potentiel touristiqueafin de constituer un réseau solidaire de propriétaires intéressés par l’accueil de voyageurs, favorisant ainsi la mutualisation des ressources et des expériences.

«Nous croyons profondément que le tourisme peut être un outil de transformation sociale, à condition qu’il soit respectueux des personnes, des territoires et des savoir-faire locaux. À travers Tala’Coop, notre ambition est de bâtir, pas à pas, un modèle algérien de tourisme solidaire, enraciné dans nos valeurs d’hospitalité», conclut-elle.

 

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