Amel Houas, la passion du patrimoine entre les lignes des livres

Curieuse et infatigable lectrice, Amel Houas est une guide autodidacte qui a forgé ses connaissances sur le patrimoine dans ses lectures. Loin des discours académiques, la jeune femme bâtit son récit entre histoire et légendes. Son objectif : rendre la culture accessible à tous.

Amel organise des visites guidées aux quatre coins du pays. Cette aventure a commencé il y a cinq ans, alors que rien ne la prédestinait à embrasser une carrière dans le domaine du patrimoine, si ce n’est un rêve d’enfant, celui de devenir archéologue.

Amel révèle qu’elle est une grande admiratrice de l’égyptologue Zahi Hawass. «En plus, on porte le même nom», plaisante-t-elle. Adolescente, elle suivait avec un grand intérêt ses fouilles dans la vallée des Rois. «Ce qui me fascinait, c’était que les trésors découverts dans les Pyramides nous semblaient nouveaux, alors qu’en réalitéils appartenaient à un passé très lointain.»

Cette passion pour l’histoire est restée intacte, mais la vie ena décidé autrement. Amel fait des études de langue, ensuite elle se forme dans le domaine médical. À ce jour, elle exerce dans un laboratoire d’analyses. En 2019, lors d’une visite au Musée des beaux-arts d’Alger, Amel découvre le tableau Nuit de Ramadhande Mohammed Racim, maître de la miniature algérienne.

«Ce tableau restitue l’âme de la Casbah. J’ai été saisie par la chaleur humaine qui en émanait. Et je n’avais qu’une obsession, visiter le quartier de Sidi Mohamed Chérif où se déroule cette scène de la vie quotidienne», se souvient Amel.

Ne connaissant pas la Casbah, Amel fait appel à un guide pour découvrir la vieille citadelle. Durant cette visite, elle se rend compte des informations douteuses de son guide, qui attribuait la construction de la Casbah aux Ottomans. Aussitôt la visite terminée, elle se rend à la Librairie du tiers monde et achète le livre Histoire de lAlgérie ancienne et moderne de Yahia Bou Aziz.

«Je commence toujours ma visite guidée en corrigeant des informations erronées, malheureusement très répandues. Et j’appuie mes dires par les récits d’auteurs, anthropologues et chercheurs, qui ont consacré des ouvrages de qualité à Alger et son patrimoine.»

Les récits, des pistes à suivre

Les lectures d’Amel sont un point de départ, les récits deviennent une piste à suivre. Amel collecte des informations sur la Casbah et les confirme auprès des guides et des habitants de la vieille médina. Munie de son calepin, elle est à l’affût de toute information utile. Toujours dans le but de consolider ses connaissances, elle s’inscrit à une formation dispensée par une archéologue dans le but de visiter des sites historiques.

«D’emblée, je lui dis que je ne prévois pas de devenir guide, mais je veux profiter de l’opportunité de visiter des sites archéologiques, comme Tipaza. Cette formation a été révélatrice pour moi car c’était l’opportunité de partager mes connaissances. Cette somme d’informations a attiré l’attention de la formatrice qui m’a suggéré d’organiser une visite guidée dans le cadre de cette formation.Durant cette visite, on me pose une question sur un tableau de calligraphie du Musée national de l’enluminure. Je réponds en toute spontanéité que je ne connais pas. Tout ça pour vousdire que l’honnêteté ne nous décrédibilise pas, elle renforce, au contraire, la confiance avec la personne qui nous écoute», précise-t-elle.

À l’issue de cette formation, Amel obtient son diplôme de guidemaisle plus précieux pour elleest que ses camarades la surnomment «La princesse de la Casbah».

Ses connaissances, elle veut les partager avec le public. Elle commence à faire de petites vidéos, courtes et informatives où elle raconte l’histoire d’un monument, l’origine d’une tradition ou encore le parcours d’un souverain de Mezghenna. L’engouement et l’interaction avec les internautes sont systématiques. La jeune femme est pédagogue et les informations qu’elle partage sont concises et précises.

En voyant ces vidéos, ses collègues du laboratoire pharmaceutique lui demandent de leur organiser une sortie à la Casbah. Pendant cette visite, Amel est interrompue par un touriste qui lui demande s’il peut se joindre au groupe en lui proposant un tarif. La jeune femme accepte et continue la visite.

«C’est un Algérien basé en France venu pour des vacances. Je l’ai laissé choisir le tarif car je n’avais jamais fait ça auparavant. À la fin de la visite, il me donne le double de la somme convenue, tout en m’encourageant à continuer car j’avais le don de capter l’intérêt par mon récit. Ce Monsieur a donnémes coordonnéesà des amis à lui, et c’est comme ça que l’aventure a commencé. De bouche à oreille, mon nom a circulé et, aujourd’hui, je sillonne le pays pour mettre en valeur notre patrimoine», raconte Amel.

Une globe trotteuse DZ

Sur son compte Tiktok, Amel comptabilise plus de 400 000 abonnés. Elle explore aussi bien les grandes villes que les villages les plus reculés.Elle ne se contente pas de montrer des paysages : elle implique les habitants, et tisse avec eux des récits authentiques qui valorisent leur patrimoine, leurs traditions et leur mode de vie.

«Ce métier est avant tout une aventure humaine faite de rencontres et de partage. Notre pays est vaste, et chaque région a sa spécificité. Il y a des villages où la vie est organisée, selon des lois régies par le conseil du village. Par exemple, dans le village d’OurirAzemour, à Tizi Ouzou, lorsqu’une personne prend la parole dans un groupe et qu’elle est interrompue par une autre personne, cette dernière doit payer une amende de 100 DA. Visiter ce village nécessite de connaître ses fonctionnements et veiller à ce que les membres du groupe en fassent autant. Il faut aussi rester humble et donner la parole», explique AmelHaoues.

En parcourant les vidéos publiées, on comprend vite qu’Amel est une aventurière avide de sensations fortes. Du sommet de Tahat à Tamanrassetou dans la grotte du Macchabée, Amel partage son expérience en temps réel.

À KsarEl Boukhari, Amel visite HammamFhis, le plus vieux de la région. En pleine réhabilitation, Amel nous emmène avec sa caméra au «Fournak», terme en darja algérienne, hérité de la période ottomane, qui désigne «la maison du feu» ou le foyer où l’on chauffe l’eau dans les hammams traditionnels.

On la voit s’adonner à l’exercice de tissage, appelé azzeta, ou encore participer aux différentes étapes de pressage de l’huile d’olive dans les plus vieilles huileries traditionnelles à Tassala, à Bouira. À Afilal, à Tamanrasset, un habitant de la région lui apprend que la plante taneessmemt, de couleur rouge, pousse parmi les roches.

Animée par la découverte et l’apprentissage, Amel propose à ses voyageurs un tourisme expérimental et immersif. Elle opte pour des groupes restreints pour conserver la qualité des échanges. Ses voyages sont une aventure humaine d’où l’on sort enrichi.

Par Latifa Abada

Multimedia