
Béchar et toute la vallée de la Saoura sont connues pour receler plusieurs sites archéologiques et historiques, dont la renommée a dépassé les frontières territoriales de la région, classés au patrimoine national architectural, à l’exemple des ksour de Kénadsa, Taghit et Béni-Abbès, et au patrimoine local architectural historique, comme ceux de Béni-Ounif, Mougheul et Kerzaz.
Témoins millénaires de l’habitat saharien, ces ksour reflètent d’abord l’art architectural des premiers habitants de la région, dans la construction de leurs habitations, avec des matériaux répondant aux spécificités géographiques, climatiques et sociales d’antan.
Partie intégrante du patrimoine matériel et immatériel de cette région du pays, en tant que facteur de valorisation historique et culturelle, ces espaces contribuent amplement à un développement touristique intégré et durable. Entre sites et monuments, stations de gravures rupestres, vieux ksour, ces endroits permettent entre autres de témoigner de la présence humaine à Béchar depuis la préhistoire. Entre Kerzaz et Béni-Abbès (au sud), Marhouma recèle de prestigieux vestiges datant de plusieurs centaines de millions d’années, à ras le sol. Le ksar de Kerzaz (330 km au sud de Béchar), réputée par la zaouïa du saint patron Sidi Ahmed Ben Moussa, a su s’imposer comme une ville sainte.
Fondés il y a plus de 15 siècles, ces ksour demeurent un patrimoine matériel inestimable, auquel vient s’ajouter celui de Kénadsa, situé dans l’enceinte même de la zaouïa Ziania qui n’a malheureusement pas échappé à une importante détérioration, pour ne pas dire disparition, causée souvent par la nature mais parfois aussi par des actes volontaires. Une situation à laquelle n’auront également pas été épargnés les ksars de Taghit, Béni-Abbès et Béni-Ounif, lors des intempéries et inondations d’octobre 2008, qu’a connues la région.
Aujourd’hui, Béchar compte plus de 130 ksars et sites archéologiques et historiques, méritant tous, au même titre, une attention particulière pour leur sauvegarde. Actuellement, cette mission est bien plus l’œuvre d’associations locales, telles l’Association de Kénadsa pour la Sauvegarde du Patrimoine et des Documents, dont le souci majeur n’a cessé d’être la restauration de son ksar. A Béni-Abbès, c’est aussi l’Association de Réification des Coutumes et Traditions Ouarourout qui s’attèle sans cesse à la préservation de son principal site archéologique : le ksar et sa palmeraie, qui ont toutefois énormément souffert, le premier des intempéries et inondations, le second d’un incendie qui en a ravagé une bonne partie. Entre réhabilitation et restauration de tous ces sites archéologiques, le débat demeure encore ouvert, en dépit de plusieurs opérations entreprises en ce sens : un débat mené par des spécialistes du domaine pour une préservation de ce genre d’habitations ancestrales, mais qui ne répondent plus à une fonction sociale.
Les uns prônent une réhabilitation qui consisterait à parvenir à redonner «vie» à ce site, et par conséquent optent pour une présence de la population dans ce ksar et un retour à des activités socio-économiques. Un choix d’autant plus délicat puisqu’il a été délaissé depuis très longtemps. D’autres optent par contre pour une restauration de ces sites par le biais d’une étude appropriée permettant de remettre ce patrimoine ancestral à son état initial, en intégrant des matériaux de construction de l’époque, à l’exemple du vieux ksar d’Igli. Entre ces deux visions, les avis diffèrent et entre temps, ce riche patrimoine matériel risque de disparaître à jamais, effaçant un pan de l’histoire de la région. Une histoire que les gravures rupestres de Taghit, actuellement en péril, tentent aussi de divulguer puisque qu’aujourd’hui, c’est plus exactement à Zaouïa Tahtania (18 km au sud de Taghit) que des gravures rupestres préhistoriques, datant de plus de 5000 ans, sont en péril et risquent même de disparaître, en raison d’actes barbares de la part de certains visiteurs qui n’hésitent pas à les souiller avec des graffitis tracés à côté des gravures ou directement burinés sur la roche. Ces gravures, pour la plupart, remontent à l’âge néolithique et représentent des éléphants, des gazelles, des dromadaires et bien d’autres animaux, témoignant ainsi d’une présence de l’eau dans cette vaste vallée. Sans aucune protection quelconque, ces gravures sont livrées à ces actes de vandalisme depuis l’ouverture d’une route goudronnée qui mène directement à ce site et à laquelle bien des observateurs et défenseurs du patrimoine matériel de la région s’étaient opposés. La préservation et la protection de ces gravures sont aujourd’hui bien plus qu’urgentes car le climat également est responsable de leur détérioration (la grande différence de température entre le jour et la nuit fait éclater à terme la roche).
La meilleure solution, selon les responsables locaux et les représentants des associations écologiques, serait la création d’un parc national à Taghit dont les missions de préservation, de surveillance et de maintenance seraient confiées à l’APC (financièrement). Un plan de protection, de sauvegarde et de mise en valeur des trois stations rupestres de Taghit, Barrebi et Hassi Laouedj a bien été annoncé par la Direction de la culture depuis septembre 2017. Un décret portant création d’un plan d’urgence a été publié depuis octobre 2013 (N°03/323) et même un projet de création d’un centre d’information sur l’art rupestre à Taghit est toujours à l’étude, au même titre que celui de l’ouverture d’un musée de préhistoire à Taghit. Aujourd’hui encore, aucune action n’est entreprise en ce sens.
Le projet du parc naturel de Taghit a bel et bien été initié et inscrit par la Conservation des forêts depuis plusieurs années et sa concrétisation devrait œuvrer dans le sens d’une préservation contre la dégradation de l’une des rares zones humides du sud-ouest et de toute une région qui recèle des sites historiques et archéologiques d’une valeur inestimable. Il est donc impératif, quelle que soit l’option adoptée, que cette opération soit entreprise dans un but de véritable promotion du tourisme et de préservation et sauvegarde du patrimoine.
Ramdane Bezza