«Sommet pour la démocratie» aux Etats-Unis : Les non-dits d’une rencontre

Alors que le duel sino-américain s’est transposé sur le continent africain à la faveur de la tournée du secrétaire d’Etat, Anthony Blinken, la Maison-Blanche vient de remettre une autre couche de givre dans sa relation avec l’Empire du Milieu en invitant l’île de Taïwan à prendre part au prochain «Sommet pour la démocratie» les 9 et 10 décembre prochain.

Cette annonce a fait bondir les dirigeants chinois qui considèrent l’île rebelle comme partie intégrante de leur territoire. Ces dernières semaines, les passes d'armes se sont multipliées entre Pékin et Washington sur le sort de ce territoire, qui jouit d'un système démocratique et dispose d'un gouvernement, d'une monnaie et d'une armée propres. Dans un message clair à la Chine, Joe Biden a invité quelque 110 pays et territoires à son sommet virtuel, honorant ainsi une promesse de campagne. «Taïwan n'a pas d'autre statut en droit international que celui de partie intégrante de la Chine», a martelé devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian. Quasiment au même moment, les autorités de l'île au cœur de la rivalité Pékin-Washington remerciaient le Président américain pour sa décision de convier Taïwan. «Grâce à ce sommet, Taïwan pourra partager son expérience de réussite démocratique», a déclaré à la presse Xavier Chang, porte-parole du bureau de la présidence.
Si l’objectif de cette rencontre est de permettre un échange d’idées sur la crise que représente le grave déclin de la démocratie à travers le monde, y compris pour des modèles relativement solides comme les Etats-Unis, des observateurs décèlent aussi une tentative de la part de Washington d’isoler le géant asiatique et de le placer au banc des accusés en matière de démocratisation de la vie publique et des droits de l’homme. Le sommet virtuel entre Biden et son homologue chinois Xi Jinping, marqué par un ton courtois, n’aura pas suffi à atténuer cette rivalité qui s’étend maintenant jusqu’en Afrique. Antony Blinken a, lors de sa récente tournée dans certains pays africains, vu de ses propres yeux les limites de l'influence américaine à l'étranger. Que ce soit au Kenya, au Nigeria ou au Sénégal, il n’a pu échapper aux signes évidents de la concurrence intense entre les États-Unis et la Chine : une lutte de pouvoir géopolitique qui s'est jouée en grande partie en faveur de la Chine au cours des deux dernières décennies.
Les limites de la portée de Washington sont évidentes depuis un certain temps, mais elles ont été mises en évidence ces derniers mois alors que le Président Joe Biden a fait du slogan «L'Amérique est de retour» un objectif vital pour la superpuissance. Partout où il est passé, à Nairobi, Abuja… le secrétaire d’Etat américain s’est heurté aux énormes projets de construction d'autoroutes surélevées et autres infrastructures de base financées par la Chine, alors qu’au Sénégal, la capitale, Dakar, s'apprêtait à accueillir un grand événement commercial et d'investissement sino-africain, et ce, moins de 10 jours après le départ de Blinken.
Le dirigeant chinois a, quant à lui, déclaré que ceux de Taïwan qui recherchent l'indépendance, et leurs partisans aux États-Unis «jouaient avec le feu».
M. T.

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Biden a invité quelque 110 pays

Joe Biden a invité quelque 110 pays qui participeront à son sommet virtuel pour la démocratie en décembre, dont les principaux alliés occidentaux des Etats-Unis, mais aussi l'Irak, l'Inde ou le Pakistan, selon la liste mise en ligne mardi sur le site du département d'Etat américain. La Chine, principal rival des Etats-Unis, n'est pas invitée, à la différence de Taïwan, ce qui risque de susciter la colère de Pékin.
La Turquie, alliée de Washington au sein de l'Otan, ne figure pas non plus parmi les pays participants.
Au Moyen-Orient, seuls l'entité sioniste et l'Irak ont été conviés à cette réunion en ligne organisée par le Président américain les 9 et 10 décembre. Les alliés arabes traditionnels des Américains que sont l'Egypte, l'Arabie saoudite, la Jordanie, le Qatar ou les Emirats arabes unis sont absents.
Joe Biden a aussi invité le Brésil, pourtant dirigé par le Président d'extrême droite très controversé, Jair Bolsonaro.
En Europe, la Pologne est représentée, malgré les tensions récurrentes avec Bruxelles au sujet du respect de l'Etat de droit, mais la Hongrie du très controversé Premier ministre Viktor Orban ne l'est pas. Côté africain, la République démocratique du Congo, le Kenya, l'Afrique du Sud, le Nigeria et le Niger font partie des pays invités.

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