Référendum sur une nouvelle constitution en Tunisie : Vers une troisième république ?

En fait, ils ont commencé à voter samedi dans 47 pays à travers le monde. Selon les statistiques de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), ils sont 9,272 millions d’électeurs inscrits au registre électoral. La même instance a signalé que 11.000 bureaux de vote ont été répartis à travers le pays. Pour le Président tunisien, l’enjeu est de taille. Ce référendum est organisé en vue d’établir la troisième république de Tunisie. Le projet sur lequel les Tunisiens doivent se prononcer est composé de dix chapitres et compte 142 articles. Mais depuis sa publication, il divise. Initialement rédigé par des experts réunis en «Commission nationale consultative pour une nouvelle République», le projet a été désavoué par leur président Sadok Belaïd : «Il est de notre devoir d’annoncer avec force et sincérité que le texte qui a été publié et soumis à un référendum n’est pas lié à celui que nous avons préparé et soumis au Président. La commission se démarque totalement du projet proposé par le Président… Le texte émis par la présidence de la République porte atteinte à l’identité de la Tunisie et ouvre la voie à une dictature en attribuant tout le pouvoir au président de la République», a-t-il précisé.  Une prise de parole qui n’aura pas manqué de déstabiliser nombre de Tunisiens qui craignent un retour à la case départ onze ans plus tard. Le projet de la nouvelle Constitution renforce, fait-on remarquer, nettement les prérogatives du chef de l’Etat, réduisant le rôle du Parlement et de l’appareil judiciaire et supprimant un certain nombre decontre-pouvoirs. Pour ses opposants, il n’en fallait pas plus.  Ce référendum, crient-ils sur tous les toits, est «une nouvelle étape vers l’instauration d’un régime autocratique alors que Kaïs Saïed dirige la Tunisie par décret depuis qu’il a suspendu les travaux du Parlement monocaméral en juillet 2021». L’opposition menée par le mouvement Ennahda et diverses ONG ont appelé au boycott de la consultation, déclarant craindre le retour à un régime «dictatorial» comme celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé par la Révolution de 2011. Des manifestations appelant au boycott ont été organisées à Tunis. Selon les observateurs, ils étaient moins d’un millier samedi sur l’avenue Habib-Bourguiba. Mais de l’avis général, ces appels ne seront pas suivis. D’autant que les divisions au sein de la classe politique et des représentants de la société civile empêchent d’afficher une position claire et unie à même de mobiliser la population. Pour les partisans du président Kais Saïed, il demeure évident que la Constitution vise à «réduire les inégalités et exprime la volonté populaire». Pour Mohsen Dridi, militant associatif de l’immigration en France, membre de la FTCR (Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives) depuis 1974, «il ne faut pas se voiler la face». Dans une tribune publiée dimanche sur le site Nawaat, il estime que «de nombreux Tunisien(ne)s iront voter OUI simplement par rejet d’Ennahdha et de l’ancienne classe politique qui a dirigé le pays avant le 25 juillet 2021». Et de poursuivre que ce rejet «peut s’expliquer et se justifier car il est évident que l’écrasante majorité des Tunisien(ne)s n’en veut plus. Et, aux yeux de ces Tunisien(ne)s, ce rejet est aujourd’hui incarné par la personne de Kais Saïed». Du reste le référendum est loin de susciter un enthousiasme évident. Et pour cause, pour de nombreux Tunisiens, les difficultés économiques l’emportent sur les préoccupations politiques. C’est pourquoi de l’avis de Mohsen Dridi «quels que soient les résultats du référendum : OUI ou NON et quel que soit le taux d’abstention, la crise institutionnelle ainsi que les fractures risquent de perdurer si rien n’est fait sur le plan socio-économique et si l’on ne sort pas de ce manichéisme qui envenime le climat politique». Les résultats préliminaires du référendum devront être annoncés du 26 au 28 juillet 2022. Quant aux résultats définitifs, ils seront proclamés le 28 août 2022, après l’examen des recours entre le 30 juillet et le 27 août 2022.

Nadia K.

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