Malgré la répression du Makhzen et la multiplication des condamnations, la colère juvénile marocaine, incarnée par le collectif «Gen Z 212», ne faiblit pas. Bien au contraire !
Depuis plus d’une semaine déjà, plusieurs tribunaux marocains sont le théâtre d'une vague de procès liés aux manifestations de la «Gen Z 212». Durant cette journée de jeudi, la Cour d'appel de Salé a prononcé des peines allant de 15 à 20 ans de prison ferme à l'encontre de manifestants. À Kénitra, lors de l'audience qui a eu lieu le même jour, l’un des accusés a fait un malaise respiratoire dans la salle, nécessitant l'intervention des services de secours. La défense a maintenu l'innocence des détenus, estimant que «celui qui devrait être jugé est celui qui a causé ces conditions sociales difficiles».
Procès en cascade et condamnations
Rappelons que le tribunal de première instance d'Agadir a été le premier à rendre un jugement dans ces affaires liées aux manifestations de la «Gen Z 212», en début de semaine, en condamnant un jeune homme à quatre ans de prison ferme et à une amende de 50 000 dirhams, pour «incitation à commettre des délits et des crimes via les réseaux sociaux», considérée comme la première sentence de ce type dans le contexte de ces manifestations. À Marrakech, la chambre correctionnelle des flagrants délits du tribunal de première instance a entamé, lundi 6 octobre, l'examen de six dossiers impliquant 26 accusés interpellés à la suite des actes de «désordre et de vandalisme» qu'a connus la ville, notamment dans le quartier de Sidi Youssef Ben Ali. À Oujda, le tribunal de première instance a tenu la première audience du procès de 58 personnes, dont des détenus et d'autres en liberté provisoire, et décidé de reporter l'examen au 14 octobre pour permettre à la défense de préparer ses plaidoiries.
À Tanger, l'audience du procès d'environ 80 accusés, dont 30 mineurs, a été reportée après le rejet par le tribunal des demandes de liberté provisoire. Enfin, hier vendredi, et pour bien instaurer ce climat de terreur, et ce, quelques heures avant le discours du Roi censé être celui d’apaisement, le tribunal de Rabat, qui avait déjà été le théâtre, le mardi 30 septembre dernier, des premiers procès des détenus des manifestations de la «Génération Z» avec le jugement de trois jeunes, dont une femme, trois jeunes hommes, dont un employé d'imprimerie, ont comparu devant le tribunal de première instance, après avoir été accusés d'«incitation via des affiches publiques», suite au port de t-shirts sur lesquels était écrit «Liberté pour la Palestine» et «Éducation et Santé d'abord»…
Le mouvement persiste malgré la répression
En somme, autant de procès qui démontrent toute l’ampleur du mouvement de protestation qui a touché tout le territoire du Maroc, que le ministère de l'Intérieur tente de minimiser en parlant uniquement de «409 personnes placées en garde à vue sur instruction du Parquet» alors que des sources liées aux organisations marocaines des droits humains indiquent que plusieurs interpellés sont toujours en garde à vue et n'ont pas encore été présentés à la justice. Cela étant, face à ces procès et ces condamnations en série, de nouvelles manifestations ont eu lieu jeudi soir dans plusieurs villes du pays à l'appel du collectif «Gen Z 212». Selon des comptes rendus de presse de plusieurs médias internationaux, plus de 300 manifestants étaient sur la place Maréchal de Casablanca dans la soirée d’avant-hier. Le même appel a été également entendu du côté de Tanger et de Rabat, réclamant le changement et l’amélioration de leur condition de vie. «On veut au moins savoir que quelqu’un nous écoute, on veut qu’il y ait un changement, une solution, et que les corrompus rendent des comptes» a lancé une manifestante.
D’autres manifestants, comme pour contredire le narratif qui affirme que le collectif «Gen Z 212» est mort, scandaient : «Nous sommes toujours là jusqu'à ce que nos revendications soient entendues.» Rappelons que parmi les principales revendications des manifestants figurent le limogeage du gouvernement, la lutte contre la corruption mais aussi une modernisation des manuels scolaires, l’amélioration du système de santé, l’emploi, etc.
Y. Y.