
L’intérêt accordé aux nouvelles technologies de l’information constitue le moteur de toutes les transformations. Il ne s’agit pas seulement d’infrastructures, mais de réflexion stratégique sur la valorisation de l’apport du numérique et de la numérisation dans la consolidation des piliers de l’économie nationale.
Le professeur à l’Ecole supérieure de management et spécialiste des questions de numérique, Hacene Derrar explique que «la numérisation a enregistré ces dernières années, grâce à une volonté politique affichée, des avancées considérables au niveau sectoriel», il cite «plus de 300 services publics numérisés relevant de 29 départements ministériels», à travers la plateforme «bawabatic.dz».
Une stratégie nationale pour soutenir la transformation numérique
Le Pr Derrar souligne que «de grands projets numériques «structurants» ont été réalisés engendrant un impact significatif sur l’amélioration de la vie quotidienne des citoyennes, à l’exemple de la numérisation de l’état civil, des secteurs de la justice, du travail et de la sécurité sociale, de l’enseignement supérieur. Affirmant que «la numérisation constitue une ambition nationale et un enjeu d’ordre stratégique, le Pr Derrar rappelle que pour insuffler une dynamique nouvelle au développement de la numérisation, un nouveau département ministériel chargé de la numérisation a été créé en juin 2020, et «une feuille de route de montage et de lancement des activités a été élaborée, conformément aux missions et attributions de ce nouveau département». L’universitaire indique que «cette feuille de route a été mise en œuvre après sa présentation au Conseil des ministres lors de sa réunion du 23 août 2020.
En 2021, poursuit-il une seconde feuille de route de mise à niveau a été élaborée, de concert avec l’ensemble des experts et acteurs du numérique à travers une large concertation qui a permis de s’imprégner de leurs préoccupations et d’enregistrer toutes leurs propositions visant à réussir le processus de transformation engagé.» Ces contributions et recommandations ont été à l’origine de l’élaboration des éléments de la stratégie nationale de transformation numérique, présentée au Gouvernement.
L’ancien directeur général de la numérisation au ministère de la Numérisation et des Statistiques fait savoir que «cette stratégie nationale, qui vise à moyen terme (2022-2024) la mise en place du socle devant soutenir la transformation numérique et préparer l’environnement propice à sa réussite, sont déclinés en une feuille de route regroupant 4 axes majeurs». «Chaque axe se décline en objectifs majeurs et chaque objectif en actions». Il s’agit de 13 objectifs majeurs déclinés en 29 actions ou projets de numérisation ont été programmés pour accélérer la transformation numérique en Algérie. Il s’agit, indique le Pr Derrar, des axes visent à asseoir un environnement favorable pour soutenir la transformation numérique sur les plans : règlementaire, organisationnel, financier et technologique. Le développement de l’e-gouvernance et l’accélération de la numérisation de l’administration pour une meilleure gouvernance publique. Outre La mise en place d’un écosystème favorable au développement de l’économie numérique, il s’agit également d’œuvrer pour une citoyenneté numérique favorable à l’émergence d’une culture numérique garante d’une action publique et d’une conduite citoyenneté civique et solidaire.
L’écueil des retards et ralentissements
«Force est de constater, qu’à chaque reconfiguration institutionnelle, opérée au niveau de ce secteur, souvent des initiatives sont lancées, elles visent directement l’élaboration de nouvelles stratégies et de nouvelles feuilles de routes, et ce, au détriment d’une approche de consolidation des acquis, de recensement des dysfonctionnements et d’ajustement des actions déjà planifiées», observe l’universitaire. Ce dernier évoque dans ce contexte, les retards et ralentissement ayant caractérisés plusieurs autres projets lancées auparavant à l’image de «la stratégie algérienne d’édification de la société de l’information fondée sur la connaissance présentée en 2003 et en 2005, du projet Réseau intranet gouvernemental (RIG) lancé en 2004, du projet «e-Algerie 2013», des actions relatives à l’économie numérique, la modernisation du système financier et la numérisation des documents et des données foncières, lancées en juin 2017.
Le spécialiste des questions de digitalisation n’omet pas de s’interroger sur la pertinence, après trois ans de la création d’un département en charge de la numérisation, «de s’appuyer sur l’existant et sur les contributions des acteurs et experts du numérique, qui sont toujours d’actualités, ainsi que sur le dispositif de concertation, crée en octobre 2020, regroupant l’ensemble des points focaux responsables de la numérisation au niveau des départements ministériels», et ce afin, dit-il «d’examiner, dans un espace d’échange et de dialogue, les voies et moyens permettant de relancer les actions et identifier les mesures pratiques devant les concrétiser».
Un autre pas pour réaliser les engagements du Président
Le Pr Derrar souligne l’importance de «s’inscrire dans une logique de continuité, toujours dans le cadre de la concrétisation de l’engagement n° 25 du président de la République et de ses orientations», qui se veulent «des instructions pragmatiques et opérationnelles, et dans le cadre du plan d’action du gouvernement, notamment dans son volet lié à la transformation numérique de l’administration publique, approuvé par les deux chambres en septembre 2021». Dans ses engagements, le chef de l’Etat avait posé l’objectif de «réaliser une transformation numérique pour améliorer la communication et vulgariser l’usage des technologies de l’information et de la communication, notamment dans les services publics, et améliorer la gouvernance du secteur économique».
Par ailleurs, le chercheur observe ce qu’il qualifie de «disparité du développement du numérique», entre les niveaux sectoriel et transversal ou intersectoriel. Il s’interroge sur «les raisons et les causes réelles» à l’origine de ce «déséquilibre» qui pourrait avoir indubitablement «des préjudices sur l’accélération du processus de la transformation numérique en Algérie». Le Pr Derrar estime que «le contexte actuel est le plus favorable pour accélérer le processus de transformation numérique», non sans observer «une ambition et une volonté politique réelle pour le développement du numérique, traduites par un discours présidentiel directe et pragmatique» incitant dans une première phase, «à une lutte sans merci contre la bureaucratie par l’accélération de la numérisation des services publics concernés et à terme une numérisation globale des services de l’Etat» a-t-il ajouté. Il est indispensable, selon l’universitaire pour des raisons objectives et réalistes, comme il le dira «de se doter d’une direction ou d’un organisme de projets transversaux de numérisation, tel que Entreprise d’appui au développement du numérique (EADN)».
Tahar Kaidi
//////////////////
L’interopérabilité pour un secteur transversal
Le Pr Derrar insiste sur «la mise en œuvre de l’interopérabilités entre les bases de données sectorielles, selon le référentiel national, objet du décret exécutif n° 19-271 du 7 octobre 2019 relatif au référentiel national d’interopérabilité des systèmes d’information». Il précise en effet que «le secteur de la numérisation, qui est à forte connotation transversale, a besoin d’une entité de haut niveau qui sera un organe consultatif en matière de transformation numérique, venant renforcer et coexister avec le cadre organisationnel existant, à l’image du Conseil national des statistiques». Pour rappel, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a annoncé la création prochaine du Haut-Commissariat à la numérisation, et a affirmé que la numérisation complète de l’économie permettrait de fournir toutes les données nécessaires à la prise de décision.
T. K.