
Par Mohamed Bouraib
Cette citation prononcée par Didouche Mourad, figure emblématique de la guerre de Libération, premier chef de zone qui, un certain 18 janvier 1955, tomba au champ d’honneur, renseigne à quel point le devoir de reconnaissance, de souvenance envers nos chouhada demeure vivace dans la mémoire de tous les Algériens. Et cela ne date pas d’hier. Le 16 décembre 1960, le président du GPRA, Ferhat Abbas, lança un appel solennel au peuple : «Frères et sœurs d’Algérie ! Vous avez écrit, avec le sang de nos martyrs, une page glorieuse de notre histoire. En acceptant une mort héroïque, vous avez affirmé votre droit à la vie, vous avez gagné le droit à la dignité, vous avez mérité votre liberté.» Un vibrant hommage est rendu, chaque année, en cette célébration de la Journée du Chahid, à tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour une Algérie libre et indépendante. A ceux qui ont été lynchés, brûlés, déchiquetés, jetés dans les montagnes et d’autres qui n’ont pas de sépulture, à ceux qui ont consenti au sacrifice suprême. Les chouhada sont inquantifiables. Combien de femmes, d’hommes et d’enfants ont disparu et d’autres sont morts dans l’anonymat ? Le premier martyr est mort à Staouéli, pourtant on ne dispose pas de preuves plausibles, susceptibles de l’identifier ainsi que la tombe où il est enterré. De 1830 jusqu’à 1962, ce sont des colonnes entières de martyrs qui sont tombés au champ d’honneur, tuées par la barbarie coloniale. Il existe des endroits où les colonialistes pratiquaient la torture et d’atroces sévices qui ont fait tant de morts suppliciés jusqu’à l’excès. L’histoire de l’Algérie, meurtrie, ravagée mais sans cesse en guerre contre la répression tous azimuts, aveugle et raciste, charriant son lot de pratiques inhumaines que consignaient des officiers avec morgue et outrecuidance, des généraux jamais repus de massacres, de prévarications et d’équipées aussi sanglantes que punitives. On peut citer des cas à foison. L’offensive qui s’est déroulée en 1860, livrée par Cheikh Boukhtadj, où 2.000 combattants sont morts, celle de Si Slimane Benhamza en 1864, d’El Mokrani où 150.000 hommes furent tués. Le génocide du 8 mai 1945 où 80.000 manifestants ont été sauvagement assassinés. Le chiffre d’un million et demi de martyrs est en deçà de la réalité. Leur nombre est beaucoup plus important que ce qui a été dénombré, observent nombre d’historiens.
«Kahf el bouma» est un endroit qui témoigne que des Algériens ont été jetés sans ménagement dans les précipices. Les auteurs de ces actes inqualifiables, brûlaient les corps pour supprimer l’odeur qui se répandait. Ces martyrs ne sont ni recensés ni enterrés ni répertoriés à l’état civil.
Tant de livres, de témoignages de faits vécus rappellent les crimes du colonialisme français stigmatisant en des preuves indiscutables ceux qui coupaient les têtes, mutilaient les femmes, les hommes et les enfants. Tels étaient, depuis l’invasion de l’Algérie, les actes des colonnes infernales de l’armée d’Afrique conduite par le général Bugeaud et ses officiers de sinistre mémoire : Lamoricière, Pélissier et Saint-Arnaud, notamment. Notre lutte de libération laisse derrière des cohortes innombrables de martyrs. Bilan terrible, assurément, mais toujours incomplet. On ne saurait oublier les milliers d’exécutions sommaires et les disparus, tous victimes du terrorisme d’État. Plus de 3.000 pour la seule bataille d’Alger, selon le préfet de police de l’époque, Paul Teitgen, qui protestait contre ces pratiques. Celles-là mêmes que favorisait la loi sur les pouvoirs spéciaux votée le 12 mars 1956.
M. B.