
Les autorités maliennes ont annoncé leur retrait des accords de paix et de réconciliation issus des Accords d’Alger. En prenant cette décision, nos partenaires maliens ont jugé, en leur âme et conscience, que ces accords sont arrivés à échéance, ayant rempli leur mission dans l’avancement du processus de paix. Les dirigeants maliens sont les mieux placés pour appréhender ce qui convient le mieux aux intérêts du peuple malien, dans un pays qui se remet lentement de ses blessures, à la suite d’une guerre imposée par des vagues de terroristes lourdement armés s’acharnant sur les populations civiles essentiellement.
Aussi, il faut contextualiser le cadre général qui entoure la dernière décision des autorités maliennes : une série de coups d’État dans les pays de la région sahélienne sous couvert de néo-souverainisme, pour légitimer la prise du pouvoir, puis le recours à l’union sacrée pour conserver ce même pouvoir, en galvanisant les populations autour d’une présumée atteinte à la souveraineté par une puissance étrangère.
Preuve en est, qu’en est-il de l’élection présidentielle qui devait se tenir au Mali en 2024 ? Une rapide recherche nous permet de vérifier que dans la loi de finances de cette année, aucun budget n’est prévu pour l’organisation et la tenue de ce scrutin. Ce qui montre que la décision des autorités de Bamako de se retirer des Accords d’Alger ne date pas d’hier ,mais d’au moins deux ans, de l’avis de nombreux experts.
L’Algérie, en s’engageant dans ces accords, a cherché la promotion de la paix par la désescalade
La décision des autorités maliennes se fonde sur des motifs non recevables, peu recevables quant aux accusations sur les atteintes à la souveraineté évoquées. L’instabilité qui se profile ne sert pas non plus la paix et la sécurité de la région. À cet effet, la situation sécuritaire au Sahel est bien inquiétante. Dans cette droite ligne, un rapport onusien datant de juillet 2023 révèle que les groupes terroristes ont doublé la superficie de leur présence en 2022. Rajoutons à cela la présence dans le voisinage de sources importantes d’armes sophistiquées provenant de Libye.
Pourquoi une telle volte-face de Bamako, après des prises de position pourtant rassurantes affichées par les autorités maliennes ? Alger est-il accusée d’ingérence dans les affaires intérieures de ce pays ? Cet argument brille par sa légèreté. Chef de file de la médiation internationale, un rôle conféré par le Conseil de sécurité des Nations unies, l’Algérie est aussi le garant des Accords d’Alger. C’est à ce titre que notre pays a reçu les acteurs signataires desdits accords. Ces derniers, bénéficiant de la légitimité internationale, ont été accueillis par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui les a appelés à l’apaisement et à éviter toute escalade suite à la prise de Kidal.
Il est utile de rappeler, dans ce contexte, le rôle prépondérant de l’Algérie dans le règlement de plusieurs crises ayant secoué ce pays frère. En effet, depuis juin 1990 et à la demande expresse des gouvernements maliens successifs, notre pays a entrepris des médiations qui ont permis d’aboutir à l’élaboration de quatre accords de paix et de réconciliation. Il faut dire qu’au fil des décennies, le Mali n’a jamais vraiment connu de période de stabilité politique. Depuis plus de trente ans, l’Algérie est régulièrement au-devant de la scène malienne, pour instaurer un climat de paix par la médiation et l’apaisement.
En effet, cela fait plus de deux années que Bamako ne répond plus aux appels de nos représentants diplomatiques, allant jusqu’à annuler l’ensemble des rencontres dans le cadre de la médiation qui devait se tenir au Mali.
Autre acte allant dans ce sens, le fait que les autorités maliennes aient exigé le retrait de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), alors qu’au même moment, elles ont entamé un processus de réarmement, mettant ainsi en péril plusieurs années d’efforts onusiens pour ramener la paix dans ce pays.
Mieux encore, plus d’un milliard deux cent millions de dollars ont été octroyés par les Nations unies sans aucun retour politique. De là, plusieurs personnalités internationales ont appelé à ce que les pressions sur Bamako se poursuivent afin d’éviter d’ajouter une crise supplémentaire à la crise préexistante au Sahel.
Alger, au-delà de toutes les divergences, continue à promouvoir le dialogue comme principal moyen de règlement des différends
Preuve en est, la récente rencontre entre notre ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, et son homologue russe, Serguei Lavrov. L’échange, axé sur les relations de coopération unissant les deux pays, a essentiellement porté sur les voies et moyens de renforcer la coordination au sein du Conseil de sécurité.
La rencontre qualifiée de «fructueuse» entre les deux parties a également été l’occasion d’évoquer longuement la situation au Mali, selon des sources concordantes à New-York qui n’ont point fait état d’une quelconque divergence entre les chefs de la diplomatie des deux pays. Il faut dire que l’accumulation des ingérences étrangères complique le règlement de la crise. Il y a de plus en plus de parties qui cherchent à attiser les tensions dans cette région du Sahel, allant sans vergogne jusqu’à vouloir déclencher une guerre civile au Mali.
L’implication d’Alger dans le dossier malien a uniquement pour objectif de préserver la paix et la stabilité dans la bande sahélienne. Cet impératif est essentiel pour notre pays et constitue une question de sécurité nationale. C’est d’autant plus vrai que les populations frontalières des deux pays ont des liens familiaux.
Enfin, compte tenu des mutations profondes sur la scène géopolitique mondiale, une occasion ratée pour régler la crise. Les autorités de Bamako sont appelées à se ressaisir et à revoir leur copie dans l’intérêt de l’ensemble de la région.
Sami Kaidi