Dr Abdelouahed Kerrar, président de l’UNOP, à El Moudjahid : «Aller vers la fabrication en Full process»

Contacté par El Moudjahid, le président de l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop), Abdelouahed Kerrar, considère que le lancement de la fabrication en Algérie des vaccins anti Covid-19 est un évènement historique et d’une grande importance, souhaitant cependant que la vaccination soit diversifiée dans notre pays pour que d’autres vaccins soient disponibles dans les officines.

Entretien réalisé par Kamélia Hadjib

El Moudjahid : Saidal entamera, aujourd’hui, la production du vaccin anti Covid-19 «CoronaVac» à partir de l'unité de Constantine. Que représente cet évènement pour l’industrie pharmaceutique algérienne et pour l’Algérie de manière globale ?

Dr Kerrar : Effectivement, le lancement de la fabrication des vaccins anti Covid-19 est un évènement de taille, qui pourrait même être qualifié d’historique. Il faut rappeler que l’Institut Pasteur d’Algérie qui a la vocation de fabriquer les vaccins n’a pas réussi à en faire depuis au moins 40 ans, malgré l’aisance financière de cette période.
Il faut également rappeler qu’il y a uniquement six pays en Afrique qui fabriquent ou qui sont engagés dans la fabrication de ce vaccin, ce qui nous rend fiers de ce succès. Ceci nous permettra, en plus des économies substantielles qui vont être réalisées sur cette nouvelle dépense, d’assurer une disponibilité permanente et, donc, une souveraineté sanitaire.
Ça répond parfaitement au plan de vaccination mis en place par l’Algérie, qui est de l’ordre de 65 millions de doses pour l’année 2022, et permet aussi d’anticiper l’élargissement, très vraisemblablement, à la vaccination des moins de 18 ans, en sus d’une éventuelle 3e dose appelée «dose boost». Je pense qu’il faut féliciter les équipes et cadres de Saidal ainsi que tous ceux qui ont participé, par leur travail acharné, à la réalisation, qui plus est, dans des délais très courts, de cet important projet.

Vous dites que seulement six pays du continent africain fabriquent les vaccins anti Covid-19. Peut-on connaitre à cet effet la situation qui prévaut en Afrique ?

Vous faites bien d’évoquer l’Afrique car aujourd’hui, tout le monde le sait, nous ne pourrons pas tirer un trait sur cette pandémie si la majorité des pays africains, qui sont à faibles, n’ont pas accès à ce vaccin. Moins de 4% seulement de la population africaine est vaccinée (2 doses), soit 177 millions de doses, ce qui est très faible si l’on compare avec les taux de vaccination aux Etats-Unis d’Amérique et en Europe, qui s’élèvent respectivement à 54% et 65%. Les données communiquées par l’OMS montrent que seulement 14 pays africains ont atteint la barre des 10% de leurs populations totalement vaccinées.
La coalition Covax visait à livrer 620 millions de doses à l’Afrique d’ici la fin de 2021, mais s’attend désormais à n’en livrer qu’environ 470 millions. Par conséquent, seuls 17% de la population africaine bénéficieront de la vaccination. La raison de cet échec est que la plupart des pays africains ont initialement obtenu leurs vaccins dans le cadre du programme Covax, vaccins, qui proviennent en grande partie du «Serum Institute of India», le plus grand fabricant de vaccins au monde. Sauf que l’Inde a interrompu les exportations en réponse à ses propres besoins urgents. Il faut savoir qu’à ce jour, on ne compte que 15% de la population de l’Inde qui est vaccinée.C’est pour cela qu’il faut prendre la mesure des difficultés que rencontrent beaucoup de pays dans la vaccination de leurs populations pour être satisfait de l’assurance qu’offre la production de ce vaccin en Algérie.

Que pouvez-vous nous dire sur le processus de fabrication de ce vaccin localement ?

Certains dénigrent cet accomplissement en le qualifiant de remplissage. Nous ne pouvons que déplorer les réactions de cette habituelle minorité bruyante qui dénigre depuis déjà plusieurs années les produits fabriqués en Algérie en général et les produits pharmaceutiques fabriqués localement en particulier. A chaque fois que des initiatives sont prises pour être moins dépendants, pour réaliser des économies et acquérir un savoir- faire, des voix ici et là déconsidèrent et essayent de réduire les réalisations. Ces mêmes voix ne se sont jamais élevées pour alerter sur le fait que notre pays ne s’est pas engagé, pendant plusieurs décennies, dans la fabrication de vaccins.
Le «fill and finish» est une opération pharmaceutique à part entière qui a d’ailleurs été adoptée par la majorité des pays africains qui se sont engagés dans la fabrication des vaccins anti Covid-19. Les experts de l’industrie pharmaceutique savent que la réalisation de cette opération en quatre mois est un exploit, qui a probablement nécessité la mobilisation d’efforts importants.

Quelles sont les perspectives de fabrication des vaccins en Algérie ?

Pour nous, à l’Unop, l’article 221 du J.O. n°46 de la République algérienne, daté du 28 juillet 2018 et portant sur la fabrication et la distribution des vaccins, doit être revu pour la simple raison que la fabrication des vaccins n’est pas clairement ouverte au secteur privé, ce qui limite le champ de développement de cette importante catégorie de médicaments dans notre pays. Les plus grands fabricants à l’échelle mondiale de vaccins sont soit privés ou des joint-ventures public-privé.
Sur un autre chapitre, la vaccination devrait être diversifiée dans notre pays et plusieurs vaccins devraient être disponibles en officine. Il faudrait bien-sûr ne pas s’arrêter en si bon chemin et préparer d’ores et déjà le plan d’action pour une fabrication en «full process».
K. H.

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