Sécurité alimentaire de l’Algérie : Sortir de la logique du court terme

La sécurité alimentaire reste liée à la correction des inégalités en matière de pauvreté. Ph. T. Rouabah
La sécurité alimentaire reste liée à la correction des inégalités en matière de pauvreté. Ph. T. Rouabah

«De la sécurité à la souveraineté alimentaire de l’Algérie», tel est l’intitulé d’une étude présentée, samedi à Alger à l’hôtel El-Aurassi, par la Confédération algérienne du patronat citoyen. Réalisée par la CAPC, dans le cadre d’une série d’études sur différentes thématiques, liées à la nouvelle vision du développement économique global du pays, cette initiative s’inscrit dans le sillage des engagements de la Confédération dans le processus de mise en œuvre d’un projet national de développement et de redressement économiques, en soutien à la démarche et aux orientations du gouvernement.

En tant que force de proposition, la CAPC vise à travers cette étude, à ouvrir le débat «sur la question fondamentale de la souveraineté alimentaire», soulignent les responsables de cette organisation patronale. «Dans le contexte actuel de mondialisation des chaînes de production, d’approvisionnement et d’hégémonie des marchés des produits agricoles, la sécurité alimentaire est une condition et une composante centrales de la souveraineté politique», soulignent-ils. Dans cette optique, «la crise sanitaire, mais aussi les autres crises nous imposent aujourd’hui la nécessité d’engager la réflexion sur les bases productives du secteur agricole pour réduire le déficit des productions stratégiques (céréales, lait, sucre et huiles alimentaires) et renforcer, ainsi, l’autonomie du secteur agricole et agro-alimentaire par rapport aux marchés extérieurs», insistent ces mêmes responsables.
Par cette étude sur la sécurité alimentaire, qui sera suivie d’autres notamment sur la transition énergétique et la diversification économique, la CAPC a ainsi «choisi le chemin de l’effort, de l’engagement, du sérieux et de l’intelligence collective au service de la promotion de nos propres forces, nos propres potentialités et la mise en valeur de nos ressources humaines et naturelles», a affirmé le président de la CAPC, Mohamed Sami AGLI. Il a rappelé, pour la circonstance que «notre économie adossée presque exclusivement à l’exportation d’une ressource naturelle non renouvelable a déjà, par le passé, subi de plein fouet le choc de la chute des prix du pétrole», pour dire la nécessité d’assurer les moyens de la sécurité alimentaire du pays. Omar Bessaoud, auteur de l’étude sur la sécurité alimentaire, a pour sa part mis en évidence l’impératif de construire «une vision agricole dans la durée» sur la base d’un «consensus» et de sortir «de la logique du court terme». Ce professeur d’agronomie agricole à l’Institut agronomique méditerranéen de Montpellier (IAMM) a mis en avant, dans un exposé exhaustif, les dysfonctionnements, les faiblesses et avantages, ainsi que les défis qui s’imposent au secteur agricole algérien pour gagner la bataille de la sécurité alimentaire qui, a-t-il indiqué, s’appuie sur quatre piliers, à savoir, la disponibilité, l’accessibilité, l’utilisation et la stabilité de la distribution. A ce titre, il a affirmé que «le pilier stabilité/régularité des approvisionnements alimentaires se trouve fragilisé par les pénuries répétées, résultant du dysfonctionnement de la politique de régulation et de contrôle des prix à la consommation».
L’intervenant a affirmé, à ce titre que, «si le pays est moins exposé à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire, l’Algérie étant un pays qui a le même niveau de sécurité alimentaire que les pays à revenus élevés, persistent toutefois des questions liées, d’une part, aux déséquilibres de la ration alimentaire, et d’autre part, à l’instabilité des approvisionnements alimentaires née de la crise sanitaire».
En conséquence, «on peut parler de sécurité alimentaire quand toutes les personnes ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive». Aussi, «la sécurité alimentaire reste liée à la correction des inégalités en matière de pauvreté» a insisté le Pr Omar Bessaoud, précisant que le taux de la pauvreté en Algérie est estimé à 1,4% au niveau de la zone MENA», ce qui place le pays dans «une situation de sécurité alimentaire assez confortable».
Dans le même ordre d’idées, il insistera sur «les réponses qui doivent être apportées pour la régularité/stabilité des circuits de distribution car ce n’est pas l’offre qui manque». «En fait, il y a problème d’organisation du système», dira-t-il. Le professeur à l’IAMM, qui se focalise surtout sur les filières stratégiques, notamment les céréales, a fait savoir que le pays a importé 123 millions de tonnes de céréales entre 2016 et 2021, précisant que l’Ukraine ne représente que 8% de nos importations affirmant que la crise actuelle n’a pas «grande influence sur nos approvisionnements».
Néanmoins, «la conjoncture est instable et on ne peut prévoir ce qui va se passer». Insistant sur la nécessité de développer la filière du blé dur en Algérie, il affirme que, l’OAIC est un outil d’une grande expérience dans le suivi des marchés, mais «nous avons intérêt à améliorer le mode de l’achat, la négociation, et l’observation des marchés pour anticiper leur évolution», d’où la nécessité, a-t-il indiqué, de disposer d’un observatoire de surveillance des marchés.
Dans son exposé, ce dernier a déploré l’absence «de système de statistiques agricoles depuis deux décennies» et «de vision agricole à long terme». Il a également regretté qu’«aucun institut agronomique national n’ait engagé la réflexion sur les pratiques et l’héritage agronomique national». Les défis futurs consistent, en définitive, à «aménager les capacités d’exportations agricoles du pays», assurer «une sécurité alimentaire durable» et mettre en place «une stratégie économique de développement économique».
En fait, «le chemin de la souveraineté alimentaire, qui doit être tracé à l’avenir commande également de recentrer le système agro-alimentaire national et l’articuler plus étroitement au système productif national afin de réduire la vulnérabilité aux aléas des marchés internationaux».
D. Akila

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