
La numérisation, telle que recommandée par le chef de l’État, porteuse de «statistiques précises et actualisées pour prendre la bonne décision, transparente et appropriée», fait bien son chemin. Les résultats n’ont pas tardé à venir.
Désormais, les entreprises économiques relevant du secteur de l'Industrie sont tenues de fournir toutes les données relatives à leurs activités de production via une plateforme numérique, en vertu d'un arrêté interministériel publié dans le Journal officiel (JO) n°41. Un gage de transparence. Une voie sûre qui permettra aux différentes entités de chercher la performance, l’excellence. Le Président Tebboune ne veut pas d’entreprises boiteuses, encore moins de «mastodontes» aux pieds d’argile. En effet, l’arrêté est on ne peut plus clair : «Toutes les entreprises économiques de droit algérien, relevant du secteur de l'industrie, quelle que soit leur nature juridique exerçant une activité de production de biens, incluse dans la nomenclature des activités économiques soumises à inscription au registre du commerce, sont tenues de communiquer les données relatives à la production physique et aux intrants utilisé.» Outre la transmission des données à la direction de l'industrie de la wilaya où se trouve le siège social de l'entreprise, ces informations «doivent inclure un rapport semestriel sur l'activité de l'entreprise».
Ainsi, les entreprises sont tenues à «s'enregistrer sur la plateforme numérique mise en place par le ministère de l'Industrie à cet effet, dans un délai maximal de trois mois à compter de leur inscription au registre du commerce». Quant aux entreprises déjà en activité, elles doivent «s'enregistrer sur cette plateforme dans un délai ne dépassant pas trois mois à compter de la date de publication de cet arrêté au Journal officiel». Le même document est porteur d’une mise en garde : des sanctions sont prévues en cas de non remise des données ou de fourniture de données erronées.
Vers une meilleure gouvernance industrielle
Contacté par El Moudjahid, Sofiane Mazari, analyste financier, assure que cette mesure «marque un tournant important vers une meilleure gouvernance industrielle». En imposant la transmission régulière de données de production, «l’État se dote d’un outil d’analyse en temps réel pour mieux piloter la politique industrielle, anticiper les besoins en intrants, détecter les dysfonctionnements et rationaliser l’allocation des ressources».
Cet engagement, explique M. Mazari, «contribue aussi à renforcer la transparence et la traçabilité dans le tissu productif national». Toutefois, précise-t-il, sa réussite «dépendra de l’ergonomie de la plateforme, de l’accompagnement des entreprises, notamment les PME, et de la qualité du traitement des données collectées».
Pour Dr Hacène Derrar, maître de conférences à l'École nationale supérieure de management, joint également par nos soins, cette mesure «vise à diversifier l’économie nationale et surtout à promouvoir et à renforcer la compétitivité industrielle». Cette initiative, enchaîne-t-il, aura certainement «des retombées positives sur le développement socio-économique du pays» et «permettra une meilleure visibilité» sur les performances du secteur industriel, qui représentait 4,1 % du PIB hors hydrocarbures en 2023 et compte atteindre les 10% en 2027 selon le ministère de l’Industrie.
Réduire la bureaucratie
Aussi, cette transparence, argumente l’universitaire, «facilitera l’identification des goulots d’étranglement, des inefficacités et des opportunités de croissance».
En effet, l’accès aux données en temps réel «pourrait amplifier cette dynamique en permettant une planification plus précise et une allocation optimale des ressources». L’application des technologies numériques aux données industrielles «favorisera, certainement, l’intégration des chaînes de valeur, un objectif clé de la nouvelle politique industrielle 2025-2030, liée notamment au développement des PMI/PME innovantes et au développement de la sous-traitance».
Dans son analyse, Dr Derrar indique que cette plateforme «permettra de cibler les entreprises à l’arrêt ou en difficulté, et surtout d’identifier les intrants importés et de promouvoir la sous-traitance locale, et ce afin de réduire les importations». Une industrie plus performante, soutenue par des données fiables, explique l’universitaire, «pourrait créer des emplois, notamment dans les PME/PMI, qui représentent 97 % des entreprises industrielles mais emploient moins de 10 salariés». De plus, le dispositif règlementaire prévu dans ce texte à travers des sanctions pour non-conformité «vise plus particulièrement à alimenter cette plateforme numérique par des données fiables, renforçant ainsi la confiance des investisseurs sur le secteur industriel». L’obligation d’enregistrement dans un délai de trois mois, pour les nouvelles entreprises et celles existantes, «impose une modernisation des processus administratifs». La plateforme agit ainsi comme «un guichet numérique, réduisant la bureaucratie et les interactions avec les administrations».
Alignement sur la stratégie nationale
Une démarche qui permettrait «une meilleure visibilité des capacités industrielles devant attirer ainsi des IDE dans des secteurs à fort potentiel comme la pharmacie ou l’automobile».
En somme, cette accélération de la digitalisation de l’industrie «s’aligne sur la stratégie nationale de la transformation numérique, notamment dans son volet lié au développement de l’économie numérique, qui inclut le développement du e-commerce, des services numériques et des incitations fiscales pour la transition numérique». Cette ambition «pourrait soutenir l’exportation de services numériques, un secteur en croissance, et qui devra répondre aux attentes des efforts de l’Etat dans sa volonté de devenir un hub africain en matière de technologies du numériques».
Toutefois, indique Dr Derrar, le délai de trois mois pour l’enregistrement «risque de surcharger les capacités techniques et humaines, surtout pour les TPE». Le réseau des télécommunications encore en développement et en modernisation, notamment dans certaines zones rurales, «pourrait compliquer l’accès à la plateforme pour certaines entreprises. Les sanctions pour données erronées ou non transmises pourraient pénaliser les petites entreprises, déjà fragilisées par un faible taux d’intégration».
F. I.