
L’introduction en Bourse des petites et moyennes entreprises a été accompagnée de mesures incitatives et d’autres avantages censés dynamiser ce compartiment créé en 2012. Mais les managers sont toujours réticents à une telle option qui constitue pourtant une solution à la problématique de financement, en ce sens qu’elle leur permet de lever des fonds sur le marché financier et de s’inscrire ainsi dans une dynamique de croissance durable. Rachid Lalali, maître de conférences B/ à l’université de Béjaïa, explique les raisons et les contraintes de ces réticences vis-à-vis de la Bourse sur la base d’une enquête exploratoire effectuée auprès de grandes et moyennes entreprises, essentiellement dans le secteur industriel. Il ressort ainsi, précise-t-il, que «les chefs d’entreprise interrogés marquent très peu d’intérêt pour la Bourse», dont l’introduction est considérée comme «l’expression de la perte de plusieurs avantages». Elle fait aussi «l’objet d’un arbitrage forcé entre ce qu’on peut gagner de cette introduction et ce qu’on peut perde, notamment en matière de pouvoir sur l’entreprise, de l’informel, de la confidentialité, etc.). Aussi, l’obligation de transparence et de communication d’informations au marché paraît également un désagrément pour les entreprises». Les autres contraintes relevées par les managers, souligne-t-il, ont trait à l’exonération d’impôts sur les entreprises cotées, jugée «insuffisante», «la priorité en matière d’accès aux marchés publics de grands montants» qui reste à consacrer par de «nouvelles dispositions», et la prise en charge par l’Etat des frais d’EPBF , autrement dit, «des coûts inhérents à l’opération d’introduction (avant, au cours et après l’IEB) supposés d’une extrême importance». D’autre part, constate Rachid Lalali, «beaucoup de chefs d’entreprise ne possèdent pas suffisamment de connaissances sur le rôle et les mécanismes de fonctionnement de la Bourse et sur les conditions d’introduction en Bourse». Aussi, leur «culture boursière est très limitée» et se restreint «au volet financier et à d’autres connaissances d’ordre général». Les résultats de l’enquête, relève Rachid Lalali, montrent qu’une «grande partie des entreprises est fortement indiquée par une gestion très peu efficace» alors que «le manque de moyens financier, technique et logistique, d’une part, et le rejet de l’idée de l’ouverture sur tout actionnariat étranger, d’autre part, expliquent, en partie, l’adoption d’un mode de gouvernance fermé». Sur un autre plan, souligne-t-il, «la détérioration du climat des investissements dans lequel évoluent ces entreprises n’encourage sans doute pas l’utilisation de la Bourse comme levier de croissance». Un climat qui se caractérise, «en sus de l’instabilité des indicateurs macroéconomiques, par un certain nombre de souffrances liées essentiellement aux lourdeurs bureaucratiques, à l’inefficience de l’administration économique, à la corruption et à l’inadéquation des dispositifs juridiques et réglementaires», ajoute-t-il. En plus de ces contraintes liées à la nature de la gouvernance de ces entreprises, Rachid Lalali met en exergue «l’absence d’une stratégie d’entreprise orientée sur le long terme». Il conclut que cet état de fait «n’est pas uniquement l’affaire de l’entreprise mais aussi celle des autres acteurs qui l’entourent». En conséquence, soutient-il, seul un «examen plus approfondi et plus critique de la perception de ces derniers pourra permettre de clarifier les autres facteurs contraignants de l’introduction en Bourse». Selon lui, il serait opportun aussi de «mieux orienter la réflexion vers l’examen des mécanismes de fonctionnement et d’organisation de la Bourse d’Alger», et enfin de «discuter en profondeur du cadre institutionnel dans lequel évoluent les entreprises et la Bourse en Algérie».
D. Akila