
En avance en termes de textes et de volonté politique, en retard dans la réalité des choses. C’est, en somme, le paradoxe qui frappe la participation des femmes en économie, relevé, hier à Alger, par les intervenants aux Matinales du Centre d’action et de réflexion autour de l’entreprise.
Au premier panel, Mouloud Hedir, économiste, relève, de prime abord, que la «la question n’est pas dans le droit» avec à la clé «une législation qui proscrit depuis toujours toute forme de discrimination». Toutefois, les statistiques de la Banque mondiale laissent perplexe. En 2020, explique M. Hedir, le taux d’emploi des femmes en Algérie se situait à 12.9%, au moment où l’Egypte, la Libye, le Maroc et la Tunisie réussissent des scores respectifs de 17.7%, 25.3%, 21.1% et 20.4%, la moyenne mondiale étant de 45.9%. Aussi, remarque M. Hedir, la participation des femmes actives (15.4%) est «anormalement basse» et place l’Algérie loin de la moyenne des pays sus-cités qui est de 16.6%. Dans le même registre, l’économiste fait part de la régression enregistrée dans le taux d’occupation des femmes entre 2016 et 2020, lequel passe de 13.9 % à 12.1%. Même constat pour le taux d’activité des femmes, qui chute de 16.9% à 15.4%, ainsi que le taux de chômage féminin passant de 18.2% à 21.5%. L’autre paradoxe, et non des moindres, relevé par l’économiste, se situe dans «le niveau de formation qui semble jouer comme un frein à la l’emploi». Au moment où les deux tiers des diplômés en Algérie sont des filles, l’économiste rappelle que sur les 194 recensés par la BM, «notre pays se situe à la 185e place en matière d’accès des femmes à l’emploi». Et d’ajouter : «Le modèle de croissance algérien, porté jusque-là par les secteurs des hydrocarbures et le BTP, est lourdement handicapant pour le travail des femmes». Dans son intervention, M. Hedir indique qu’un «bilan annuel et public de l’accès des femmes à l’emploi est souhaitable». S’y ajoute «l’appui sur une loi spécifique pour traduire en actes ce principe constitutionnel de parité qui serait un outil précieux». De son côté, Amel Belaid, vice-présidente du CARE, déplore l’absence de données sur la participation de la femme algérienne au pouvoir décisionnel. Bifurquant sur certaines avancées et efforts entrepris notamment en termes de textes, l’intervenante note que l’inégalité bride la compétitivité, et évoque une certaine «discrimination par anticipation pour des postes de responsabilités» dont sont victimes des femmes après leur congé de maternité. Sur sa lancée, Mme Belaid préconise, entre autres, un meilleur accès des femmes aux secteurs productifs. Quant à Me Nadia Ait Zaï, elle affirme que le cadre juridique entourant cette question de la femme et sa contribution à l’économie est «assez bon sur le plan régional et mondial». Quant à l’ambassadeur d’Espagne en Algérie, il a fait part de la nécessité d’un effort collectif et multidimensionnel pour une politique de genre efficace. La participation de la femme à l’économie est «indispensable», relevant la détermination de l’institution qu’il représente à apporter son soutien à notre pays pour que «la femme devienne un pilier de l’économie».
Fouad Irnatene