
«Le 1er janvier 2023 sera certainement une date mémorable pour les finances publiques algériennes dont les règles du jeu seront radicalement transformées, non seulement en matière budgétaire mais également dans le domaine comptable», affirme Nabil Cheurfa de l’Université de Paris 1. Cette «double transformation institutionnelle simultanée, à nulle autre pareille, inscrira indéniablement l’Algérie dans le club très restreint des pays adoptant un budget axé sur les résultats appuyés par un système comptable en droits constatés avec au surplus une certification des comptes de l’Etat par un auditeur externe, en l’occurrence la Cour des comptes, comme le ferait un commissaire aux comptes à l’égard d’une entreprise du secteur privé». En effet, souligne l’universitaire dans une analyse pour le compte des Cahiers du Cread, l’Algérie, à l’instar de nombreux pays à travers le monde, s’apprête, à partir de l’année prochaine, à «acter solennellement le passage de son système budgétaire d’un budget de moyens à un budget axé sur les résultats, et de sa comptabilité publique d’une comptabilité de caisse à une comptabilité à trois dimensions». Initiée à partir de 2001 sous l’égide de la Banque mondiale, la réforme budgétaire et comptable algérienne est «conduite elle-même à s’insérer dans ce mouvement international de réforme». Cette nouvelle culture de résultats, poursuit M. Cheurfa, «gagne la gestion publique par le biais du droit budgétaire et comptable qui manifestement devient un levier d’un authentique management public en s’appuyant désormais sur un processus qui fait valoir, en début de cycle, une matrice d’objectifs et en mesurant les résultats obtenus en fin de cycle à l’aide d’une batterie d’indicateurs». Plus qu’une simple technique de gestion, «le passage de l’Etat à la comptabilité patrimoniale sonne une ère nouvelle». Entraînant dans son sillage une «véritable réorientation de l’épistémologie de la gestion publique», une réforme d’une telle ampleur, explique l’universitaire, «ne saurait évidemment se réduire à un simple épiphénomène technique tant qu’elle est susceptible d’entraîner un changement profond des conceptions de l’État et de son rôle dans le cadre d’un projet de réforme global et cohérent». Si la réforme est appelée à être mise en œuvre à partir du 1er janvier prochain, «cette date ne sera certainement pas le couronnement d’un mouvement amorcé depuis plus de vingt ans déjà». Bien au contraire. Ce sera «le point de départ d’un changement institutionnel majeur, car l’expérience prouve qu’une réforme d’une telle envergure peut s’étendre sur plusieurs années, voire sur des décennies, en entraînant une formidable dynamique de changement». Pour l’universitaire, «il y a lieu de s’autoriser à réfléchir au-delà des barrières normatives existantes, et notamment les normes constitutionnelles, car la certification des comptes publics par un auditeur externe qui manque d’indépendance risque de fortement entacher la crédibilité du processus de certification». Pour le Dr Cheurfa, la comptabilité en droits constatés impose «un renouveau des contrôles administratifs qui puisse donner l’assurance raisonnable que les comptes de l’Etat soient réguliers, sincères et reflétant fidèlement sa situation financière. Sans approfondissements institutionnels, «la réforme conservera sans nul doute un caractère inachevé qui contraste avec la philosophie et la cohérence de l’ensemble du projet de réforme».
Fouad Irnatene