
Mokrane Aït Ouarabi
Il y a 54 ans, l’Algérie a recouvré totalement sa souveraineté sur l’ensemble des richesses de son sous-sol. «Nous avons décidé, à partir d’aujourd’hui, de prendre 51% des sociétés pétrolières françaises et de nationaliser le gaz naturel… », déclara feu Houari Boumediène, le mercredi 24 février 1971, devant un parterre de dirigeants et de cadres syndicaux de la puissante Union générale des travailleurs algériens (UGTA).
Une décision audacieuse qui a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements. Le pari de nationaliser les hydrocarbures n’était certes pas sans risques, en raison, notamment, de la nature complexe du domaine pétrolier qui nécessite une grande maîtrise et un savoir-faire que la jeune Algérie indépendante n’avait pas encore suffisamment acquis. Mais le pari a été bien réussi, au grand dam des Français qui pariaient sur l’échec de cette décision stratégique. Mieux encore, ces mêmes Français ont fini par être surpris par les prouesses réalisées rapidement par les bras et le génie algériens dans ce secteur longtemps réservé à la dizaine de mastodontes dans le monde. Grâce à la détermination des dirigeants, l’engagement sans faille des travailleurs et l’appui technique de certains pays amis, cet immense défi a été relevé avec succès et l’Algérie est sortie plus forte de sa dépendance des firmes françaises. La réussite de cette nationalisation est une leçon de patriotisme et de dévouement pour le pays, donnée par les jeunes ingénieurs et techniciens fraîchement sortis de l’Institut algérien du pétrole (IAP) qui ont pu prendre le relais en maintenant, sans discontinuité, l’activité pétrolière et gérer les champs après le départ des cadres étrangers. Cette nationalisation a démontré que rien n’est impossible quand il y a une volonté de faire et de bien faire. Elle a constitué une étape charnière dans l’histoire de l’Algérie. C’est dans cet esprit d’engagement qu’a commencé la longue épopée de la Sonatrach qui grandissait d’année en année, pour devenir aujourd’hui la plus grande entreprise en Afrique et figurer parmi les 15 plus grandes firmes pétrolières au monde. Ses réalisations ont fait de l’Algérie un acteur énergétique incontournable au niveau africain, méditerranée, voire international. L’Algérie est classée comme le premier exportateur de gaz en Afrique devant le Nigeria et le 7e dans le monde. Investissant massivement dans la formation, l’entreprise publique a pu consolider, au fil des années, son savoir-faire et sa maîtrise des techniques et technologies complexes utilisées dans le secteur des hydrocarbures. Elle s’est, particulièrement, distinguée par sa maîtrise du processus de production du Gaz naturel liquéfié (GNL) et de sa réutilisation. Son savoir-faire est ailleurs sollicité au Moyen-Orient et en Afrique, où elle réalise des projets et apporte son assistance technique.
M. A. O.
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Au cœur de l’épopée de la nationalisation :
Abdelaziz Krissat se souvient
Champ pétrolier le plus important du pays en termes de réserves et de volumes de production, Hassi Messaoud avait rendez-vous avec l’histoire le 24 février 1971, avec l’annonce par l’Etat algérien de la nationalisation de ses ressources en hydrocarbures, un évènement qui reste gravé dans la mémoire d’Abdelaziz Krissat, l’un des jeunes ingénieurs de Sonatrach qui ont eu une contribution au recouvrement d’une grande partie de la souveraineté nationale sur les richesses du pays. Chef de base à la Direction des services pétroliers (Dsp), M. Krissat se souvient que «la majorité des travailleurs des sites pétroliers de Hassi Messaoud n’avaient eu vent de la décision de nationalisation que 24 heures après son annonce à Alger par le Président Houari Boumediène, lors du 15E anniversaire de la création de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Cela s’expliquait par l’isolement des installations de production pétrolière, leur éloignement les unes des autres, ainsi que la faiblesse de la couverture radio à l’époque». «Nous étions jeunes à l’époque. J’avais seulement 26 ans avec trois ans d’expérience, après avoir été diplômé de l’IAP en 1968. Nous devions assumer nos responsabilités», affirme M. Krissat, cité par l’APS, ajoutant que «l’amour de la patrie était un élément essentiel pour relever ce défi». «Bien que nous n’avions pas la même expérience que nos prédécesseurs, nous avons progressivement surmonté les difficultés. Il y a eu quelques retards dans les opérations de forage, ce qui était normal, mais la production ne s’est jamais arrêtée», assure-t-il. Aujourd’hui, l’ancien ingénieur de Sonatrach appelle les nouvelles générations de travailleurs du groupe et de ses filiales à préserver l’héritage laissé par leurs prédécesseurs en termes d’expertise et d’expérience, notamment ceux qui ont contribué à la nationalisation, tout en veillant à transmettre ce savoir-faire aux jeunes.