
Relater l'histoire de l'Algérie d'une période récente, tel est en substance l'ouvrage de Linda chouiten, les Blattes orgueilleuses. Une Algérie avec des graines de sédition, des protestations, des marches, le terrorisme, le cinquième mandat de feu le Président, la mysoginie, le manque de liberté, etc.
Dans ce nouveau roman, la période dans laquelle évolue la saga de quatre amis d'enfance se circonscrit dans une Algérie meurtrie par la décennie noire et par l'embellie des revendications sociales, des marches, des manifestations dûes au cinquième mandat. Akli Signa, Ahmed Berras, Boussad, et Salem alias Indjandjo chacun de ces protagonistes mènent leur vie contrariée dans un pays malmené par les assassinats des fous de Dieu, par la violence et la barbarie. Dans cette atmosphère délétère, Akli, enseignant de littérature est subjugué par Rosa Dey, son étudiante qui l'interpelle sur chaque leçon du cours; alors que Nora Bordji, une collègue enseignante, fille du magnat de l'immobilier Sid Ahmed Bordji semble un tantinet lui faire du gruingue, tout en s'identifiant à Marylin Monroe. Suite à une longue maturation, elle redevient une femme indépendante «à la place de la poupée stupide et édulcolorée qu'elle était il y a deux ans....». Dans ce microscome semi-dramatique, ces amis évoluent chacun selon les événements tragiques que vit le pays. Dans cet ouvrage, Lynda dénonce et fustige l'absence du rôle des intellectuels, la mysoginie et le machisme ambiant, aussi bien familial, que social, l'histoire tronquée, les ripoux, et le culte de la personnalité. Beaucoup de clins d'oeil sont faits à l'encontre de certains chefs de partis, et de dirigeants d'une période passée. C'est une longue diatribe sur une époque à jamais révolue qui a marqué les esprits et les coeurs de tout citoyen lambda. Dans cet écheveau inextricable, chacun des personnages de ce roman essaye de s'en sortir avec l'espoir en bandoulière et des étoiles dans les yeux. Ce qui fait dire à nos amis africains «Alger la Mecque des révolutionnaires le redevient après deux décennies de peur et de silence». Lors de ces innombrables marches, ces jeunes, l'espérance dans le coeur, sillonnent le bitume avec la liberté chevillée à leur corps. L'auteure dénonce le silence et la frilosité de certains intellectuels qui parlent sans agir réellement. Les blattes orgueilleuses est une plongée dans une socièté plus complexe qu'il n'y paraît, où la vindicte populaire permet de rapprocher le peuple. L'auteure dessine avec empathie et justesse, les tourments d'une jeunesse en mal de liberté. On remarque, au fil du récit, une grâce désespérée dans la schizophrénie des personnages, simples pions sur l'échiquier socio- politique du pays. Au final, un roman profond et sensible qui ne peut laisser indifférent.
K. A.