
«Enigme d'un aller-retour» de Stephen Akplogan est un beau roman paru aux éditions Frantz Fanon qui se décline dans des thématiques universelles, notamment l'immigration, l'exil, la colonisation, la non-intégration, le déracinement, la négritude, la déshumanité et tous les problèmes de la société africaine dans son ensemble, comme la désillusion d'un occident raciste, le chômage, la pauvreté et la sorcellerie. C'est à travers la saga de ce jeune instituteur et écrivain malien Obamy Diakité que l'auteur béninois Stephens Akplogan nous introduit de plain-pied dans la société africaine, particulièrement malienne. Porté aux nues pour son ouvrage «le devoir de violence», Obamy Diakité vivant à Paris était pressenti pour le prix Renaudot. Ayant connu un bref moment le succès et la gloire, il est plongé dans l'opprobre pour cause de plagiat. D'emblée, «son éviction de la société des hommes de lettres était actée; il fallait trouver un coupable au parjure éditorial». Par cette affaire montée de toutes pièces, Obamy comprend que la société française raciste n'accepte pas qu'un homme de couleur soit primé. Sa descente aux enfers commence par une presse jaune qui le descend en flèches, et l'accuse d'avoir stigmatisé le système colonial de la france en Afrique. Suite à son procès partial, il rentre à Bamako et à Sévaré son village natal, malade suite à un empoisonnement. Parmi les siens, guéri de sa maladie, Obamy Diakité apprécie la vie en Afrique, l’importance de la famille et les traditions. «Il mourra à 77 ans incompris et son art vilipendé» selon l'auteur. Durant son retour dans sa terre natale arrimé à ses racines culturelles et identitaires, il se lance dans une longue réflexion sur cette histoire de plagiat, sur l'Afrique et toutes les tares qui l'ont gangrenées. S'isolant, Obamy cogite philosophiquement sur la vie, la mort et l’amour. Durant son long séjour en France, obamy s'est cru un moment intégré, mais très vite, il a déchanté; et cette accusation à tort lui a fait entrevoir que le colonisateur voit l'ancien colonisé en tant qu'inférieur et subalterne. Ainsi, Stephens Akplogan met à l'index la société africaine et l'esprit de colonisé de certains intellectuels africains qui continuent à être les suppôts des colonisateurs. C'est un beau roman semi-tragique avec des pointes d'humour dont Stephens Akplogan en use et abuse par moment. Son écriture est empreinte de moult détails et de tournures pleines de sagacité faisant preuve d'un esprit vivace. Cette belle histoire colorée met en évidence l'esprit de résilience, la repentance et la rédemption d'Obamy Diakité qui a, en fait, vécu en france un leurre. Ce roman transmet un message cardinal à tous les jeunes avides d'occident : «on n'a pas de pays de rechange.» Un beau livre qui gagnerait à être porté à l'écran.
K. A.