
Le nouveau livre de Mustaha Chelfi Djebels raconte une période à jamais révolue, dont l'auteur semble y attaché une grande importance. Elle a été le déclic à ses souvenances comme la madeleine de Proust pour se remémorer un pan de son enfance où trois communautés, algérienne, francaise et sépharade «cohabitent et s'affrontent» dès le début de la révolution. Il narre ce récit de la grande Histoire de la guerre de Libération nationale, à laquelle s'entremêle sa petite histoire basée sur des faits et des conflits en osmose avec les problèmes de sa famille, de son quartier et sur les événements sanglants de la ville de Miliana et de ses alentours dès les prémices de 1954. Enfant, ne comprenant pas trop la guerre, l'auteur revisite le passé, l’exhume et le ravive pour dire les horreurs, les sévices et l'injustice subis par les populations locales. Au pied du Zaccar, le plus haut sommet du Dahra, lieu célébre par les enfumades de1845 initiées par Bugeaud et Pélissier, Mustapha Chelfi évoque les réminiscences des combats qui ont fait rage et ainsi que des scènes de vie durant cette période. Dans ce récit authentique, l'écrivain narre les atrocités de cette guerre tout en se rappelant les bons moments familiaux passés avec son oncle de prédilection Benyoucef l'anticonformiste qu'il affectionne particulièrement. Sous l'aile de cet oncle bienveillant, il découvre Alger et sa Casbah ainsi que le mode de vie algérois qui tranche avec celui de Miliana plus traditionnaliste. Il découvre également une socièté à deux vitesses, l'une française cossue jouissant de tous les droits, tandis que l'autre autochtone vivant dans la pauvreté et sans liberté. De ces yeux d'enfant, il ne comprend pas trop, mais quantifie le dégré d'inégalité et d'injustice. Tous ses souvenirs d'enfant on laissé une trace indélébile dans sa mémoire qui jaillit comme un jeyser pour dire la réalité d'une époque. A ce sujet, dans ce récit, il est dit en avertissement aux lecteurs : «Trois communautés, musulmane, chrétienne, juive, cohabitent dans ses souvenirs; le narrateur se remémore de ces personnages, leurs craintes, leurs espoirs, et leur l'appréhension de jours sans lendemains. A l'exterieur des remparts qui enserrent la ville de Miliana, les affrontements qui débutent... sont intenses, meurtriers. Les avions, les hélicoptères, survolent les djebels où des commandos de parachutistes crapahutent à la poursuite de katibas insaisissables. L'explosion d'une bombe, la déflagration d'une grenade, le départ de coups de feu, ramènent à la réalité et à sa nécessaire inéluctabilité.Pour la liberté et la justice, les Algériens acquiesceront à toutes les souffrances, supportent toutes les privations, accepteront tous les sacrifices». Dans ce récit où se mêlent fiction et réalité, Mustapha Chelfi opte pour une écriture fluide mâtinée d'humour et de dérision. Sans verser dans le récit historique, il donne avec moult détails et précisions une grande visibilité à une période passée. Sans se départir de son flair de journaliste, il informe avec minutie sur cette période historique de son pays. C'est un beau roman qui vivifie une époque que les jeunes générations doivent connaître pour mieux comprendre la résilience et le sacrifice des populations.
K. A.