La cinémathèque algérienne : Au croisement de l’image et de la mémoire

C'est au 26, rue Larbi Ben m'hidi que se situe la cinémathèque algérienne. Sa façade déclare en arabe, en tamazight et en français, qu'en ce lieu, le gotha du cinéma international a rencontré l'Algérie indépendante.

Alger était non seulement la capitale des révolutionnaires mais aussi un carrefour cinématographique foisonnant, porté tout entier par ce véritable temple dédié au film. Créée le 23 janvier 1965, la cinémathèque ou musée du cinéma, demeurera liée à notre patrimoine filmique collectif. Elle est née deux ans après le recouvrement de notre indépendance. Avant d’entrer dans le vif du sujet, on rappellera que l’idée de la création d’une cinémathèque remonte au GPRA, sachant que le Front de Libération Nationale avait insisté sur l’importance de l’image pour d’évidentes raisons, au vu du contexte de l’époque. Le projet n’est pas tombé du ciel, mais de la volonté de deux personnes, deux chevilles ouvrières, partageant les mêmes ambitions, à savoir Mahieddine Moussaoui et Ahmed Hocine. Ils se sont entourés de collaborateurs amis de l’Algérie comme Jean Michel Arnold, Daniel Leterrier, François Roulet, Freddy Buache, Henri Langlois… Le résultat fut plus que satisfaisant. La plupart des grands cinéastes africains, arabes, américains, européens ou asiatiques sont venus présenter leurs films et animé des débats passionnés. On peut citer Sembene Ousmane, youcef Chahine, Nicholas ray, Costa Gavras, Mohamed Hondo, Jean Rouch, William Klein, et tant d’autres réalisateurs. Très rapidement, la cinémathèque s’est imposée comme la deuxième du monde, par ses programmes, l’assiduité d’un fervent public qui affluait sans discontinuer. Avec les moyens dont disposaient ses animateurs, il y avait de grandes choses. Comme par exemple, le fait d’avoir permis l’émergence et l’affirmation de bons cinéastes algériens, de critiques qui ont rapidement compris qu’ils étaient chez eux, dans cette cinémathèque. En ce temps là, Alger avait le sourire. Le dire, ce n’est pas succomber à la nostalgie. La cité conservait assez de salles de cinéma pour assouvir les désirs des cinéphiles qui étaient présents massivement. On parlait de cinéma, on allait au cinéma. En ces années fiévreuses et fécondes, la cinémathèque d’Alger, était le lieu de prédilection des cinéastes, producteurs, journalistes et autres, d’ici et d’ailleurs. Tout cycle, conférence, hommage, drainait une foule nombreuse. La Cinémathèque d’Alger était un espace d’expression plurielle, où ceux qui venaient débattre, le faisaient librement, sans contrainte, ne songeaient nullement à être bridés. Rosi, Scola, Lattuada, Losey, Abou Seif, Tewfik Salah, Truffaut, Santiago Alvarez et des dizaines d’autres discutaient de leurs films avec un public connaisseur qui n’arrêtait pas de poser des questions. La salle devenait le lieu privilégié de rencontres mettant en avant les mouvements de libération et les différentes luttes anti-impérialistes. Des panoramas de films d’auteurs et de pays étaient régulièrement organisés, dans le cadre de programmes quotidiens intelligemment dressés, sans interruption. On pouvait même assister à cinq projections par jour, y compris les jours de repos. A la cinémathèque de Chaillot (Paris), en 1973, fut mise en œuvre une rétrospective du film algérien qui fit connaitre notre cinéma en France et à l’étranger, grâce à une large couverture médiatique. Ce n’est pas un hasard si ce cinéma algérien, en dépit de ses insuffisances et de ses faiblesses, a pu rayonner. C’est une gageure pour un pays nouvellement indépendant et qui, cerise sur le gâteau, posait les jalons de la coproduction internationale. Une chose est sûre. Un travail de consolidation de la mémoire, de sensibilisation et de réhabilitation de la culture cinématographique est plus que nécessaire, car, il faut avouer, non sans déception, que toute une génération de jeunes algériens ignore quasi- complètement, l’histoire du cinéma algérien.

M. B.

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