L’Épopée de Ben Ayad Bendehiba : un théâtre de mémoire pour un héros de l’ombre

La générale de la pièce «L’Épopée de Ben Ayad Bendehiba», consacrée au parcours d’un martyr méconnu de la Révolution algérienne, a été présentée mercredi soir sur la scène du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA), à Alger, dans le cadre des célébrations du 63ᵉ anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale. Mise en scène par Sid-Ahmed Kara, sur un texte signé Abdellah El Meddah, avec la participation d’Adel Boukhabza et Brahimi Smain, la pièce retrace le combat militant de Ben Ayad Bendehiba (1923-1959), résistant exemplaire, mort sous la torture en 1959. Produite par l’association El Meddah pour le théâtre et les arts de Mostaganem, la création rend hommage à ce combattant discret, engagé très tôt dans les rangs du Parti du peuple algérien (PPA) et syndicaliste convaincu au sein de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Influencé par Aïssat Idir, fondateur de l’UGTA, Bendehiba avait fondé et dirigé la section des dockers de Mostaganem, en y insufflant l’esprit de lutte et de solidarité. Mobilisant une trentaine de comédiens, la pièce adopte une structure chronologique et plurielle, alternant tableaux vivants, scènes dramatiques et séquences chorégraphiques. Elle revisite les moments forts de la vie du martyr : les massacres du 8 mai 1945, les débuts de la lutte armée en 1954, les répressions, les espoirs, la foi patriotique. Le metteur en scène a opté pour une esthétique sobre et percutante : une scène épurée, quelques éléments de décor, une chaise, une gégène, suffisent à dire l’horreur de la torture, sans pathos. Cette approche minimaliste renforce l’intensité émotionnelle du propos, portée également par une bande sonore expressive, subtilement articulée aux atmosphères de chaque séquence. Des tableaux chorégraphiques, poignants, traduisent la douleur des paysans spoliés, mais surtout la résilience des militants, leur dignité, leur foi inébranlable en l’Algérie libre. Le spectacle s’inscrit ainsi dans la veine d’un théâtre dit «expérimental», conjuguant mémoire, symbolique et émotion. Avec «L’Épopée de Ben Ayad Bendehiba», c’est un pan oublié de la mémoire nationale qui refait surface. Un devoir de reconnaissance, porté par l’art vivant, au service de l’histoire et de ceux qui l’ont écrite dans l’ombre.

S. O.

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