
Samir Belkheir, de son nom d’artiste «Samir Staïfi», qui a tiré sa révérence voilà plus de 8 ans, est l’un de ces grands artistes qui ont donné à la chanson sétifienne ses lettres de noblesse, avec l’immémorial «sraoui» qui vibrait alors sous sa voix puissante. Le rossignol de la chanson sétifienne s’en est allé, emportant sa modestie qui l’a de tous temps animé et sa fierté qu’il préservait toujours derrière le sourire qu’il a su garder dans les moments difficiles, même allongé sur son lit d’hôpital. Dans ce quotidien effacé et le sourire qu’il esquissait du coin des lèvres pour ne pas laisser trop paraître ses sentiments, Samir Staifi était un ami que j’avais toujours plaisir à écouter, me fredonnant ses nouveaux airs du patrimoine sétifien, travaillant dans l’ombre et animé d’un désir ardent d’entretenir ce merveilleux patrimoine qu’il adorait, emportant dans son dernier souffle mille et un secrets. Comme les grands ténors qui l’on précédé, Mohamed Benchaib, Saïd Mehentel, Nordine Staïfi, pour ne citer que ceux-là, Samir Staifi nous a quittés, laissant dans un brin de nostalgie un air sublime de Sétif d’un autre temps, ses fontaines, ses mosquées, ses «harats» (demeures), et que d’us et coutumes perdus en chantant «Ouinek ya Aïn el Fouara». Il reste encore, au grand bonheur de ses adeptes, cette longue carrière d’un artiste qui n’avait de cesse de répéter que «la chanson sétifienne dans sa dimension authentique constituait sa raison de vivre et jamais il n’en dénaturerait la moindre parcelle». Samir Staifi, qui avait consacré 40 ans de sa vie aux richesses inestimables du «sraoui», cris de joie et de tristesse, déversant tout à la fois le message de l’amour sur ces champs immenses où les moissons battaient leur plein durant les étés du «guemh el Beliouni» et déchirant le sombre ciel de toutes ces femmes pleurant leurs enfants emportés par la locomotive noire, pour servir de chair à canon et n’en survivre pour certains qu’à l’étincelle de mai, s’en est allé sur la pointe des pieds, à l’ombre centenaire des platanes d’Aïn El Fouara.
F. Zoghbi