Histoire du chaâbi  : Le secret de Lahmam d’El-Anka révélé

Chanson connue de tous les Algériens, Lahmam résonne dans les esprits tel un hymne à l’amour et à la blessure de la séparation.  Un texte écrit et interprété magistralement par le Cardinal.

À sa sortie, Lahmam avait subjugué l’auditoire par ses vers savamment tournés et qui suintent la douleur de l’éloignement et la profonde tristesse causée par la déchirure. Une incomparable complainte d’une cinquantaine de vers.
El Hadj M’Hamed n’ayant pas livré le secret de cette histoire qui raconte l’envol de l’oiseau qu’il a élevé et qui l’a inspiré pour produire ce qcid, chacun y est, alors, allé de sa théorie. On racontait dans les cercles d’initiés qu’El Anka avait écrit ce poème pour son fils Mustapha qui l’avait, soi-disant, quitté. D’autres bruits soutenaient et juraient que le texte était dédié à M’Rizek ou même à Menaouer. A notre connaissance, El Anka avait sciemment laissé courir rumeurs et supputations. Après le départ d’El Hadj, son fils Mustapha, dans une interview accordée à la Télévision nationale, avait tenu à éclaircir l’opinion sur l’origine de «Lahmam elli oualeftou mcha aaliya».
Il racontera qu’un jour, son père lui demanda de «passer chez Aammi Dahmane, récupérer un paquet (a’mana)». Mustapha, du haut de ses 11 ans, se présenta chez Si Dahmane qui l’attendait avec deux petits ramiers qu’il s’empressa de ramener à son paternel.
El Hadj M’Hamed avait comme habitude, en regagnant son foyer tous les jours, de s’occuper de ses pigeonneaux avec une particulière affection. Mustapha raconte aussi qu’un jour, autour de la table familiale garnie d’une tbeykha, il a vu les ramiers s’approcher de l’assiette de son père qui les laissa picorer quelques fèves…
Pour dire toute la tendresse et l’attachement qu’il leur vouait.
Un jour, par inadvertance, la mère d’El Anka ouvrit la fenêtre pour étendre le linge ; attirés par un vol de pigeons qui passait par-là, les volatiles prirent la poudre d’escampette. Le Cardinal en fut très affecté mais espérait secrètement les revoir revenir. Après quelques jours, un soir, il prit sa plume et composa ce poème qui s’imposa dans le répertoire musical national et même au-delà. Cette histoire véridique se passe en 1936.
Aujourd’hui encore, ce qcid garde toute sa puissance et sa profondeur. En voici quelques vers choisi :
Si je me plaignais aux astres de mes malheurs infinis, ils se pencheraient sur mon sort, ma lassitude et mes souffrances.
Si je me plaignais aux étoiles, elles s'inclineraient sur-le-champ puis s'immobiliseraient, attentives à mes paroles.(...)
Le ramier que j'ai élevé s'en est allé; je n'entendrai plus son roucoulement en ma demeure. (...)
Si je contais mes tourments, je remplirais mille volumes.
Si je contais mes tourments aux érudits, ils en pleureraient.
Si je contais mes tourments aux mers, elles se déchaîneraient en tempêtes.
Si je contais mes tourments aux montagnes, elles feraient entendre des grincements
Si je contais mes tourments aux muets, ils en retrouveraient la parole.
Si je contais mes tourments aux pierres, elles me répondraient;
Chaque jour mes yeux déversent d'abondantes larmes de jour et de nuit, au point d'en perdre le sommeil.
La passion et sa jouissance ravageuse m'ont tourmenté et je n'ai trouvé aucun médecin pour prescrire de remède à mon mal.
(...)
Mon nom répond aux lettres M, M, H et D,
Nommé Lahlou et respectueux des hommes de science.
Que peut faire un bon nageur, le malheureux, dans une mer en furie ?
(Quant à moi), je salue les maîtres en leur perfection et les chorfas par la grâce desquels mon étendard fut porté haut.
Hommage au maître célèbre dans tout le Maghreb et dont je fus le disciple fidèle, Ennadour que Dieu lui accorde sa Miséricorde, à qui je dois ma connaissance.
Kamel Morsli

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