
Par-delà les dunes d’or et les silences du Tassili, Djanet s’est, une nouvelle fois, éveillée aux rythmes sacrés de la S’beïba, célébration millénaire de la paix, de l’honneur et de la mémoire partagée.
Mercredi soir, les portes du temps se sont ouvertes, dévoilant un pan majestueux du patrimoine immatériel de l’Algérie, classé par l’Unesco en 2014, désormais porté par les voix, les pas et les gestes d’une jeunesse fière et résolument engagée dans la transmission de ses racines. Sous le signe évocateur «S’beïba, une histoire à raconter, une œuvre éternelle», l’édition 2025 de cette fête culturelle emblématique a été inaugurée avec faste à Djanet, rassemblant des troupes artistiques venues de plusieurs wilayas du pays, telles que Timimoun, Béchar, Ouargla, In-Salah, ainsi que des représentants venus de la Libye.
Une présence symbolique, mais d’une densité rare, qui témoigne de la profondeur des liens culturels et spirituels unissant les peuples du Sahara central, au-delà des frontières modernes. Lors de la cérémonie d’ouverture, Nacer Bekkar, commissaire du festival, a insisté sur la vocation transgénérationnelle et transnationale de la S’beïba, tout en soulignant la portée universelle de ce rituel ancestral, héritage des peuples de l’oasis, des caravanes et des mémoires orales.
Pour renforcer cette approche patrimoniale, la manifestation s’enrichit cette année de la participation de professeurs d’université venus de Tamanrasset et d’Alger, conférant à l’événement une dimension académique et scientifique, tournée vers la valorisation du patrimoine et la recherche en anthropologie culturelle. Le wali de Djanet, M’hamed Moumène, a affirmé que «la S’beïba dépasse le simple cadre d’une festivité locale», précisant qu’«elle est l’âme vive d’un patrimoine algérien authentique, un miroir de notre histoire collective, riche de symboles, de chants, de parures et de rituels». Elle constitue, poursuit-il, «un levier fondamental du développement culturel et touristique de la région, et un puissant vecteur d’identité pour notre jeunesse». Également présent, Abdelkader Hefaoui, directeur de l’Office national du Parc culturel du Tassili N’Ajjer, a rappelé que «cette fête reflète un rare brassage culturel où s'entrelacent les dimensions africaine, amazighe et arabe de l'identité saharienne».
Tout au long de cette édition, des ateliers thématiques, des expositions, des démonstrations artisanales, ainsi que des spectacles vivants rythmeront les jours et les nuits de Djanet, octroyant aux visiteurs une immersion dans l’univers symbolique et esthétique de la S’beïba.
Le programme prévoit également des soirées artistiques ouvertes au grand public, des journées d’études, des sorties de terrain et des échanges interculturels, dans un esprit d’ouverture et de transmission. Jusqu’à lundi prochain, Djanet résonnera ainsi au rythme des tambours, des psalmodies et des pas chorégraphiés, dans une scénographie où l’héritage devient spectacle, et le spectacle, serment. En ces jours de fête, l’Algérie ne célèbre pas seulement une tradition : elle se célèbre elle-même, dans la splendeur de son Sud, dans l’éclat de ses cultures méconnues, dans le souffle intact de son humanité plurielle.
S. O.