Conférence sur les 80 ans des massacres du 8 Mai 1945 : la mémoire au cœur du livre et de l’histoire

Ph. Y. Cheurfi
Ph. Y. Cheurfi

Dans le cadre de la 28ᵉ édition du Salon international du livre d’Alger (SILA), une conférence historique a été consacrée, samedi après-midi, à la commémoration des 80 ans des massacres du 8 mai 1945, sous le thème «Les massacres du colonialisme». Cette rencontre a réuni des historiens et chercheurs autour d’un devoir de mémoire essentiel, en présence d’un large public d’étudiants, de lecteurs et de passionnés d’histoire.

Modérée par Mohamed El Koursou, la rencontre a donné lieu à des interventions denses et complémentaires. Le chercheur Djamel Yahiaoui a rappelé que les crimes du colonialisme français en Algérie «n’ont pas été des actes isolés, mais une politique planifiée de domination et d’effacement de l’identité nationale», estimant qu’ils se sont étalés sur plus de 48.000 jours, de juin 1830 à juin 1962.

Selon lui, ces crimes dépassent le cadre des massacres de masse pour englober «la spoliation, les déportations, les destructions, l’usage d’armes interdites et la guerre psychologique contre un peuple privé de souveraineté». De son côté, l’historien Lahcen Zeghidi a mis en lumière le caractère systématique de la guerre coloniale, citant des correspondances militaires du XIXᵉ siècle attestant d’une stratégie d’extermination et d’exploitation généralisée.
«La colonisation n’a pas été une guerre limitée à une région, mais une entreprise totale qui a touché toutes les dimensions de la vie nationale», a-t-il souligné, appelant à documenter ces faits à partir des archives françaises elles-mêmes.

Pour sa part, Benjamin Claude Brower, un historien américain, professeur de l'université d'Austin au Texas, a replacé ces événements dans une perspective internationale, rappelant que la notion de génocide n’avait pas encore été reconnue juridiquement à l’époque coloniale.

«Le monde a codifié le crime de génocide après 1945, mais sans prendre en compte les crimes coloniaux, pourtant comparables dans leur ampleur et leur finalité destructrice», a-t-il déclaré, en lisant à l'assistance quelques extraits d'articles écrits par des journalistes américaines de l'époque, en appelant, à une lecture universelle de la mémoire historique.

Les autres intervenants, Hassni Kitouni et Kamel Ben Yaïch, ont insisté sur la responsabilité des chercheurs, enseignants et éditeurs dans la transmission de cette mémoire aux jeunes générations, notamment à travers le livre, la recherche et l’enseignement de l’histoire nationale.

La conférence s’est conclue sur un appel à la reconnaissance historique, la justice mémorielle et la transmission. «Documenter, enseigner, transmettre : c’est ainsi que l’Algérie protège son histoire», a résumé le modérateur.

K. A. A.

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