La villa Boulkine, siège temporaire du grand musée d’Afrique, s’est transformée, jeudi après-midi, en lieu de réflexion et de transmission autour de l’anthropologie du Sud algérien, dans le cadre du festival national de création féminine.
Chercheur reconnu et ancien directeur du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH), Slimane Hachi, a animé une conférence qui s’inscrit dans un cycle consacré à la mémoire des territoires. Si l’orateur a longuement développé son analyse sur la richesse humaine et culturelle des régions méridionales, c’est surtout l’annonce qu’il a faite concernant de nouveaux dossiers du patrimoine saharien en cours de préparation pour le patrimoine de l’humanité auprès de l’Unesco qui a marqué la rencontre.
Face à un public composé d’universitaires, étudiants et de passionnés de culture, Slimane Hachi a rappelé que le Sahara algérien, souvent perçu comme une simple périphérie géographique, a été historiquement un carrefour de civilisations, d’échanges commerciaux, spirituels et savants. Loin d’être un espace vide, il constitue, selon lui, l’un des foyers essentiels de la construction identitaire nationale. Il a mis en lumière la pluralité des formes de vie sociale, des traditions et des structures communautaires du Sud, dont l’étude demeure indispensable pour comprendre la diversité du pays. L’anthropologie saharienne, a-t-il souligné, ne concerne pas uniquement la mémoire du passé, mais permet aussi de saisir les mutations contemporaines : urbanisation accélérée, transformations des modes de transmission du savoir, nouveaux rapports au territoire. L’orateur a consacré une large partie de son intervention à la question de la préservation du patrimoine matériel et immatériel du Sud. Il a révélé que plusieurs dossiers portant sur des éléments du patrimoine immatériel saharien — rituels, musiques, savoir-faire artisanaux, expressions orale, sont actuellement en cours de préparation en vue de leur soumission à l’Unesco. Cette démarche vient compléter les inscriptions déjà acquises par l’Algérie, notamment la Casbah d’Alger, la Qalâa des Beni Hammad, Timgad, Djemila, la Vallée du M’Zab et le Tassili n’Ajjer.
Ces sites et monuments inscrits au patrimoine mondial ne constituent pas seulement un héritage architectural, a insisté Hachi, mais un socle de mémoire collective qui atteste de la profondeur historique du territoire algérien. Pour Slimane Hachi, l’inscription de nouveaux éléments immatériels du Sud à l’Unesco n’a pas pour seul objectif la reconnaissance symbolique à l’international. Elle vise surtout à mettre en place des mécanismes de sauvegarde, de transmission et de valorisation de ces pratiques menacées par les évolutions sociales actuelles.
Le chercheur a rappelé que la protection du patrimoine saharien implique un travail de fond : documentation scientifique rigoureuse, implication des communautés locales, articulation entre institutions et territoires. La reconnaissance internationale ne constitue que l’aboutissement d’un long processus dont l’enjeu est d’ancrer durablement ces patrimoines dans la conscience nationale et dans une politique culturelle pérenne.
M. K.