Il est des livres qui, sous le prétexte d’un deuil intime, s’élèvent en méditations universelles sur la fragilité de la vie, la fidélité et l’amour. Adieu l’ami de Nadim appartient à cette catégorie rare. Derrière l’apparente simplicité d’un adieu à un chat se déploie une traversée de la douleur, un voyage intérieur où l’écriture devient le seul langage possible de la survie.
Écrire pour panser l’absence
Chaque rupture – qu’elle soit amoureuse, amicale ou existentielle – laisse une faille où se perdent nos repères. Les psychologues le rappellent : faire son deuil, c’est traverser la douleur, non la fuir. Nadim, lui, a choisi les mots pour panser ses maux. Dans Adieu l’ami, il transforme la perte en matière poétique, la souffrance en lucidité.
Son écriture, d’une sincérité désarmante, explore cette frontière floue entre l’adieu à l’animal aimé et la séparation plus profonde, peut-être, d’un être humain cher. À mesure que le lecteur avance, la question s’impose : «Fait-il le deuil de son chat ou, à travers lui, celui d’une autre absence ?»
Chaque mot, chaque phrase, semble réactiver une mémoire enfouie. «Je suis assis près de ta demeure, le visage dans les mains, l’âme au poing, solitaire, à l’ombre de l’arbre qui veille sur toi...», écrit Nadim. Son chagrin devient le miroir du nôtre. On lit, et soudain, on se souvient de toutes les pertes, grandes ou petites, que l’on croyait endormies.
Une filiation poétique : de Hiziya à Nadim
Un siècle et demi plus tôt, Mohamed Benguitoun, poète de Biskra, écrivait à la demande de Saïd, époux éploré de la belle Hiziya, un poème devenu légendaire : une élégie à l’amour défunt. Nadim s’inscrit dans cette même tradition : exorciser la douleur par la beauté du verbe.
Ô fossoyeur, ménage l’antilope du désert ! Sur Hiziya ne laisse point tomber de pierres ! suppliait Benguitoun. Nadim, lui, conjure son ami de ne pas partir : «Reste. Et je t’offrirai une île mouvante, changeante, qui boira l’écume des mers…»
Mais la séparation est inévitable. Alors, dans un dernier souffle, il accepte : «Compagnon des solitudes, ami de tout instant, le silence te déposera à l’abri du vent, à l’ombre d’un figuier, d’un olivier ou d’un vieux chêne…»
Ainsi, comme Benguitoun, Nadim inscrit son deuil dans le geste universel du poète : donner forme à l’absence pour la traverser.
Une élégie de l’amour universel
Adieu l’ami n’est pas seulement un hommage à un animal aimé. C’est une célébration de la fidélité, de la tendresse et du respect envers toute forme de vie. Nadim rappelle que «toutes les créatures divines ont droit à cet amour», et que l’affection entre l’humain et l’animal n’a rien d’inférieur – elle relève, au contraire, du sacré.
Son texte, dépouillé et incandescent, est une ode à la pureté des liens, à la beauté simple des gestes quotidiens qui nous relient à ce que nous aimons. Par son écriture claire et vibrante, Nadim fait de la littérature une liturgie du souvenir.
Un auteur entre deux rives
Nadim vit entre Paris et Alger, partagé entre la poésie, la musique et la cause animale. Avec Adieu l’ami, il signe une œuvre singulière, traduite déjà en arabe, allemand, espagnol, bulgare, anglais et japonais, qui résonne comme une thérapie du deuil universelle.
Publié aux Éditions Apic, le livre sera présenté lors du Salon international du livre d’Alger (Sila) à partir du 28 octobre 2025.
À la croisée de l’intime et de l’universel, Adieu l’ami nous rappelle que l’écriture, lorsqu’elle naît de la douleur, peut devenir la plus lumineuse des résistances.
Fatiha S.