À travers le jeu vidéo «Forteresse», la startup OTAJ valorise l’histoire et le patrimoine algériens

Akram Belkadi est le concepteur du premier jeu vidéo historique en Algérie. Baptisé «Forteresse», ce jeu vidéo explore la riche et diverse histoire de l’Algérie et s’engage à préserver le patrimoine culturel. Son objectif : stimuler la mémoire des enfants et rendre l’apprentissage actif et motivant. Ce jeu vidéo de rôle se déroule dans l’Alger des XVIe et XVIIe siècles et met en scène des personnages historiques dans un univers où chaque élément est intimement lié à l’identité algérienne.

Créé en 2023, le nom de la start-up OTAJ est l’acronyme d’«Oser, travailler, ne jamais abandonner», une sorte de mantra que Akram Belkadi, graphiste et développeur, a fait sien. Sur la genèse du projet, Akram Belkadi confie que l’idée est née du souci de contrer les discours qui remettent en cause l’existence de l’Algérie avant 1830.

«Nous vivons dans une époque où les fausses informations sont souvent relayées à outrance. Celles-ci peuvent, entre autres, compromettre la vérité historique par des récits erronés. J’ai moi-même vu dans mon entourage la légèreté avec laquelle on pouvait se laisser endoctriner. Mon projet est né de ce souci de valoriser notre histoire et la protéger, en reproduisant certains aspects du réel historique en jeu», indique Akram Belkadi.

Akram a récemment obtenu le label projet innovant. L’étape suivante est la création de la start-up ; en parallèle, le site du jeu est déjà en construction. L’élaboration de ce projet a commencé quand il était étudiant puisqu’il a fait de ce concept son projet de master. Ensuite, il participe à deux événements : le Forum sino-arabe du dessin animé et art numérique, et Alger Games Week. Selon Akram, ces deux événements l’ont conforté pour poursuivre le projet.

«J’étais encore étudiant en master 1 et l’engouement des gens était fédérateur pour moi. En Chine, on m’a proposé d’intégrer une université, et à l’événement d’Alger j’ai retenu l’intérêt des parents qui étaient séduits par le volet pédagogique», souligne-t-il.

Akram saisit l’opportunité de candidater pour le programme d’incubation dédié aux industries créatives, Moubadar’art. À travers cet accompagnement, Akram acquiert des connaissances dans le domaine entrepreneurial, à savoir les techniques de négociation, la gestion des financements…

Porté par une équipe pluridisciplinaire, ce projet ambitieux mobilise des spécialistes de la 2D, de la 3D, du scénario, de la musique, ainsi que des consultants en histoire et en archéologie. Pour lui, le développement d’un jeu vidéo est un véritable écosystème où se croisent plusieurs métiers, et s’apparente à une forme de cinéma interactif, mêlant immersion, narration et reconstitution fidèle du passé.

Immersion dans l’Alger du XVIe siècle

L’histoire de ce jeu vidéo est imaginaire mais introduite par des événements et personnages réels. Le concepteur ne dévoile pas la personnalité historique qui sera le joueur principal mais donne des éléments qui permettent de découvrir l’époque en question.

Akram explique que l’aventure se déroule sur terre et en mer.  Le joueur a la possibilité de conduire le bateau de fabrication algérienne, chebec et autre navire. Connu pour sa maniabilité et sa vitesse, le chebec faisait la fierté de la construction navale algérienne durant la période ottomane.

Le chebec, une innovation algérienne, pouvait accueillir un équipage de 30 personnes, entre 20 et 30 canons et pouvait porter une charge estimée à 400 tonnes.

Côté terrestre, le joueur va se balader dans la véritable Casbah qui, autrefois, débutait près de Djamaâ Sidi Ramadane.

Autre lieu historique, le Fort l’Empereur, appelé aussi Bordj Moulay Hassan. Le nom «Fort l’Empereur» trouve son origine dans l’expédition avortée de Charles Quint en 1541. Contraint de se replier, l’empereur avait établi son camp sur cette colline stratégique. C’est sur ce même emplacement qu’une première fortification, nommée alors Bordj Moulay Hassan, fut édifiée en 1545.

Parmi les objets issus de notre patrimoine, on retrouve la flissa, un sabre traditionnel algérien, issu du savoir-faire de la tribu kabyle des Iflissen n Leḥer, établie sur le littoral entre Tigzirt et Azeffoun.

D’une longueur variant de 50 centimètres à 1 mètre, la flissa se distingue par la forme particulière de sa lame, les motifs gravés qui l’ornent et son manche caractéristique. Elle est également appelée ajenwi, terme qui désigne un poignard.

Côté personnages, le joueur rencontre au cours de l’aventure Eulj Ali, connu à l’origine sous le nom de Giovanni Dionigi Galeni. Né en 1519 en Calabre, celui-ci commence sa vie comme pirate italien avant de devenir sujet de l’Empire ottoman. Il s’impose ensuite comme officier corsaire et gravit rapidement les échelons de la hiérarchie ottomane. Entre 1568 et 1577, il dirige la Régence d’Alger, puis est nommé capitan pacha – amiral de la flotte ottomane – après la célèbre bataille de Lépante. Il occupera ce poste prestigieux jusqu’à sa mort à Constantinople, le 21 juin 1587.

«Il était indispensable de reconstituer l’Alger de l’époque avec la plus grande précision possible, en nous appuyant sur des sources historiques fiables. Ce travail a exigé de longues recherches. Nous avons notamment étudié les ouvrages de l’historien Abou El Kacem Saâdallah, dont les travaux constituent une référence majeure sur l’histoire de l’Algérie. Nous avons également échangé avec Smail Boulbina, historien et porte-parole du Comité national pour la restitution de Baba Merzoug», indique Akram.

L’importance de la propriété intellectuelle

Akram Belkadi informe que récemment un article sur son projet est paru sur le site de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Il rappelle que, dans le cadre de Moubadar’art, une initiative conjointe de l’OMPI et de l’Office national algérien du droit d’auteur et des droits voisins, il a bénéficié d’une formation autour de la propriété intellectuelle.

«Mes priorités actuelles sont le dépôt de la marque OTAJ ainsi que le nom du jeu, et la protection des éléments graphiques essentiels. Ensuite, je m’attacherai à sécuriser les droits sur les personnages, le scénario et les mécaniques de jeu originales. Mon objectif est de constituer un portefeuille solide de propriété intellectuelle afin d’attirer investisseurs et partenaires, tout en éliminant tout risque de contrefaçon ou d’appropriation illicite.»

Pour Akram, la propriété intellectuelle est un levier stratégique pour asseoir sa crédibilité, sécuriser ses idées et négocier avec assurance.

Akram Belkadi offre aux joueurs une expérience à la fois ludique et éducative, tout en valorisant l’identité algérienne. Porté par une vision ambitieuse et un solide travail de propriété intellectuelle, ce projet ouvre la voie à une nouvelle manière de raconter l’histoire.

 

 

 

 

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