Un vendredi sans hirak à Alger : Les citoyens se soumettent aux lois et règlements

Pour la première fois depuis la reprise des manifestations, le 22 février 2021, la marche du vendredi n’a pas eu lieu dans la capital. Le dispositif sécuritaire a été allégé par rapport aux vendredis précédents, notamment à la place du 1er-Mai.

Les policiers étaient moins nombreux dans les rues principales de la capitale. Trois véhicules seulement de la police judiciaire étaient cantonnés au boulevard Mohamed-Belouizdad alors que des éléments des Unités républicaines de sécurité chargées du maintien de l’ordre étaient déployés au niveau des rues principales empruntées par les manifestants à la fin de la prière du vendredi. Ils sont également moins nombreux. De même à la place du 1er Mai, au niveau des arrêts de bus. 14h, la rue Hassiba Ben Bouali reprend son calme des vendredis. La circulation automobile n’a pas été coupée. A leur sortie de la mosquée Errahma, c’est le calme.
Dans les autres quartiers d’Alger-Centre, le décor est le même. Aucun signe du Hirak. La particularité est l’absence de regroupement en vue d’organiser une marche. Des sources sécuritaires affirment qu’aucune arrestation n’a été opérée. La présence de la police est préventive et dissuasive, précise notre source. Les citoyens se soumettent aux lois et règlements et l’instruction du ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire. Elle stipule que les organisateurs des marches sont tenus à la déclaration, auprès des services compétents, des noms des responsables de l'organisation de la marche et des heures de son début et de sa fin, affirmant que le non-respect de ces procédures dénue la marche de tout caractère légal.
Cette décision intervient suite à l’enregistrement «de graves dérapages et dérives en termes d'indifférence aux désagréments causés aux citoyens et d'atteintes aux libertés du fait d'individus changeant, à tout moment, l'itinéraire sous prétexte d'être libres de marcher dans n'importe quelle direction et à travers n'importe quel axe, ce qui est contraire à l'ordre public et aux lois de la République».
Des tentatives d’organiser des marches ont été enregistrées pour «défier» cette instruction. Des arrestations ont été menées par les services de police. Les marches des vendredis ont enregistré, depuis le 22 février 2021, une faible participation alors que les marches des étudiants les mardis étaient infiltrées par d’autres parties.
Le retour des marches a été marqué également par des divisions dans les rangs des manifestants notamment en raison des slogans hostiles aux institutions. Plusieurs d’entre eux se sont démarqués et ont dénoncé cette dérive à l’origine du recul du nombre de manifestants qui ont décidé de ne plus y prendre part.
Le mouvement n’a pas proposé une programme politique. Le constitutionaliste Réda Deghbar, a estimé dans qu’il y a «une contre-révolution» qui veut faire avorter le Hirak de l’intérieur. Lors du Hirak du 22 février 2019, les revendications étaient purement politiques. Le peuple scandait des slogans qui appelaient à l’édification d’un Etat basé sur des institutions et à l’indépendance de la justice, rappelle-t-il.
Il affirme que ces slogans sont loin d’être aussi spontanés et qu’ils ont été élaborés avec soin et diffusés via certaines pages Facebook qui ont toutes le même administrateur.
Les parties émettrices de ces mots d’ordre sont celles-là mêmes «qui nous disaient : vous pouvez vous accrocher avec la police, mais de façon pacifique». Les affaires traitées par les services de sécurité confirment cette thèse. Deux organisations classées terroristes voulaient infiltrer le mouvement si ce n’est la vigilance des services de sécurité ayant permis de déjouer des plans criminels et des attentats terroristes. Le terroriste Hassen Zekane, alias Abou Dahdah, capturé par un détachement de l’ANP à Jijel a révélé l’existence d’un plan de radicalisation du mouvement avec un recours à la violence.
A rappeler qu’en réponse à une question de l’hebdomadaire français, Le Point, sur le classement de Rachad et du MAK comme mouvements terroristes, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a indiqué qu’ils se sont eux-mêmes déclarés tels. «Rachad a commencé à mobiliser tous azimuts, à donner des instructions pour affronter les services de sécurité et l'armée. Le MAK a tenté d'agir avec des voitures piégées. Face aux appels à la violence, la patience a des limites», a-t-il précisé. Je n'utilise plus ce mot (Hirak) parce que les choses ont changé, indique le Président Tebboune.
Le président de la République s'est engagé, durant la campagne électorale de la présidentielle, «à répondre aux aspirations légitimes exprimées par le Hirak», qualifiant ce mouvement de «béni».
Cet engagement a été réitéré par le président dès sa première conférence de presse. «Je m'adresse directement au Hirak pour lui tendre la main afin d'amorcer un dialogue sérieux au service de l'Algérie, et l'Algérie seule», a-t-il déclaré.
Lors de son discours d’investiture, prononcé au Palais des nations, le président de la République a évoqué le Hirak. Il a affirmé, dans ce discours, que «la réussite les élections présidentielles du 12 décembre, était le fruit de Hirak», auquel il s’engage à «tendre la main pour concrétiser ce qui reste de ses revendications».
Il a été le «premier à tendre la main aux gens du Hirak et à les recevoir», rappelle-t-il. Il a assuré dans ce cadre, que les revendications du Hirak authentique ont été satisfaites pour la plupart telles que l'annulation du 5e mandat, le changement du gouvernement et la dissolution du Parlement.
Dans mon premier gouvernement, on comptait cinq ministres qui en sont issus. Des personnes que j'avais vues m'insulter dans des vidéos. Ensuite, on a commencé à libérer des détenus pour arriver à 120 relaxés. Les gens continuaient à me critiquer, mais j'ai continué à faire des gestes», a-t-il relevé. En revanche, le Hirak a raté les offres de dialogue, des opportunités historiques, selon certains observateurs. Dans son interview au Point, il précise que «le seul Hirak auquel je crois est le Hirak authentique et béni qui a spontanément rassemblé des millions d'Algériens dans la rue. Ce Hirak-là a choisi la voie de la raison en allant à l'élection présidentielle».

Services de sécurité :  mission accomplie

Le Hirak a été fortement affaibli après les élections présidentielles. Tebboune relève que «les marches, après la présidentielle, rassemblaient encore de 20.000 à 25.000 manifestants à travers le pays». Il a été radicalisé.
Sur le plan sécuritaire, il est à noter la préservation du caractère pacifique du mouvement. En dépit des actes de provocation, les services de sécurité ont fait montre de vigilance, de maîtrise et de professionnalisme. La mission était difficile. «Les appels à la violence étaient clairs», affirme le président de la République. Le Commandement de l’ANP qui s’est engagé à ce qu’aucune goutte de sang ne soit versée, a accompli sa mission constitutionnelle à savoir la préservation de la stabilité et la sécurité.
Neila Benrahal

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