
Propos recueillis par Soraya Guemmouri
El Moudjahid : L’avant- projet de loi sur la presse écrite et la presse électronique sera prochainement soumis au Parlement. En votre qualité de directrice d’un journal électronique, que représente, pour vous, ce texte tant attendu ?
Sihem Henine : Je crois qu’il vient sonner le glas de plusieurs années d’abandon de ce secteur stratégique, en mettant, pour la première fois, en place, un cadre juridique fixant les modalités d’exercice de l’activité de la presse électronique et les règles afférentes à son organisation, sa régulation et son contrôle. Remettre de l’ordre dans la grande maison «presse électronique» témoigne d’une volonté politique de l’État de mettre fin à une anarchie qui a longtemps pesé sur le secteur, une promesse du président de la République faite lors de son discours d’investiture, au lendemain de son élection à la tête de l’État. Oui, ce texte est un grand acquis pour la corporation, puisque cela nous permettra d’avoir une loi d’équilibre qui impose un cadre légal et qui définit les libertés et responsabilités dans cette grande masse de contenus à gérer, où l’on se heurtait souvent à plusieurs entraves, tels que les contenus postés de l’étranger.
Qu’en est-il du développement de la presse électronique dans notre pays…
Le monde de la presse étant en constante évolution suite au progrès des idées grâce au développement technologique, à l’apparition de nouveaux médias et de nouvelles formes de journalisme, nous ne pouvons plus nous permettre d’être en reste de ces mutations. La presse algérienne est aujourd’hui mise face à une complexité grandissante dans le monde, et elle se doit par conséquent de redoubler d’effort pour relever les multiples défis auxquels elle est confrontée. Loin derrière nous les moyens d’information traditionnelle, où il fallait attendre le lendemain pour connaître les informations détaillées du jour, tout est réduit aujourd’hui à un simple clic. Aujourd’hui, les sites électroniques offrent un traitement de l’information en continu, actualisée et enrichie, et viennent ainsi renforcer la capacité de diffusion d’information. Cependant, la fonction sociale et le caractère de service public de la presse exigent le respect rigoureux des normes en matière d’éthique journalistique. Si cela s’est avéré une exigence de tout temps, il n’est pas inconsidéré de faire valoir que cela devient de plus en plus complexe nécessitant une vigilance accrue en la matière.
Ce texte, qui vise à assurer une meilleure organisation en faveur de la presse électronique, fixe cependant quelques conditions en termes de respect des lois de l’information en vigueur. Que faut-il pour y arriver ?
La liberté de la presse se fonde sur le rôle social qui est dévolu aux médias, et plus particulièrement aux journalistes, qui consiste à rechercher, à collecter, à traiter, à commenter et à diffuser l’information d’intérêt public, et prend racine dans la reconnaissance de l’intérêt légitime des citoyens à être informés. Le droit du public à une information de qualité apparaît alors comme le fondement de l’éthique journalistique. Aujourd’hui, le véritable combat qui doit être mené est celui de lutter contre les fakenews, consistant à diffuser des nouvelles mensongères dans le but de tromper ou, pire encore, de manipuler le public. Et c’est cette nouvelle guerre que nous devons gagner, et celle-ci passe inéluctablement par une volonté de l’État d’ouvrir son administration et d’améliorer la communication institutionnelle, pour permettre le libre accès des journalistes à l’information, juste pour mettre un terme aux spéculations. L’expansion à une vitesse vertigineuse du monde de la communication et le développement sans cesse des technologies qui deviennent de plus en plus sophistiquées exigent de nous, en tant que journaliste et responsables de médias, de veiller au grain pour le respect des règles d’or du journalisme.
En cas de non-publication sur une durée de 30 jours consécutifs, l’autorité de régulation peut recourir à la justice pour fermer le titre. Que pensez-vous de cette mesure ?
En enclenchant une telle procédure, l’autorité de régulation ne fera que faire valoir un droit que lui procurera ledit texte. Il appartiendra ensuite à la justice de mettre la lumière sur les raisons ayant poussé les responsables de ce titre à cesser la publication durant 30 jours. Les raisons seront sans aucun doute, dans la majorité des cas, sauf exception, dues à des raisons financières, car il ne faut pas oublier qu’un journal, quel que soit le support à travers lequel il est diffusé, est d’abord une entreprise commerciale qui a besoins de fonds financiers pour fonctionner.
S. G.