Dr Fella Bourenane, maître de conférences à l’école supérieure de journalisme : «L’heure est venue d’aller vers la mutation numérique»

«L’heure est venue d’aller vers la mutation numérique et de tenter de hisser le métier de journaliste vers un niveau d’excellence tant recherché par le public algérien», indique Dr Fella Bourenane, maître de conférences à l’École supérieure de journalisme.

El Moudjahid : Quel regard portez-vous sur la presse nationale ?
Dr Fella Bourenane : Ma vision est purement d’ordre sociologique. Tout d’abord, nous devons savoir que la liberté de la presse reflète la nature de la démocratie dans laquelle se trouve le pays. Elle nous renseigne également sur la société, ses avancées, ses dysfonctionnements et/ou développements. Une société qui ne bouge pas est une société amorphe, on ne peut ignorer le fait que des changements sont bien réels dans ce domaine et que de nombreuses choses sont accomplies.
Il ne nous est pas permis de nier les avancées ; cependant, il nous est interdit, d’autre part, de voiler les insuffisances. Par voie de conséquence, je dirai que la situation actuelle est marquée par de grand pas qui ont été franchis en matière de liberté de la presse.

Pouvez-vous nous citer les acquis enregistrés ?
Il faut savoir que pour ce qui est des acquis, le secteur des médias a connu beaucoup d’avancées. D’ailleurs, le champ médiatique connaît une réelle diversité, tout à la fois, remarquée et remarquable, et cet élément est un point très important. En fait, les avancées sont nombreuses sur différents plans. Comme nous pouvons le voir ici ou ailleurs, il ne se passe pas un jour sans qu’un média se remette en cause, se questionne, se demande s’il est réellement apprécié par ses publics ou non. Cette manière de se remettre en question tout le temps est aussi un pas vers le professionnalisme. C’est également accepter de changer ses habitudes, ses façons de travailler et de prendre le train de la modernité tous azimuts. Cela dit, ne nous réjouissons pas trop vite, car toute bataille demande beaucoup de sacrifices, de compétences et d’excellences. Autrement dit, le concept de professionnalisme n’est pas encore acquis de manière totale et entière, et accabler ou rendre responsable une personne ou un organisme ne serait qu’être simpliste ou juste déterministe. Songer à faire de réelle reformes, telle est la bonne attitude.

Qu’en est-il des insuffisances ?
Je voudrais aborder la question des conditions socioprofessionnelles de la corporation qui est d’ailleurs un paramètre important, et s’agissant de faire un état des lieux à ce sujet, nous dirions que cet état de fait demeure toujours inquiétant. Vouloir du professionnalisme, c’est le préparer, le gérer, le développer et savoir se régénérer. Or, pour cela, le journaliste doit d’abord avoir le SMIG en termes de bien-être social. Parler de la presse électronique est aussi problématique, car de nombreux chantiers demeurent en attente. Je pourrais évoquer ici, à titre d’exemple, l’aspect juridique devant encadrer cette nouveauté qui n’est pas encore présente. De l’analyse sociologique, il ressort que le changement est une philosophie que chaque société doit accepter, intérioriser et pratiquer. Le changement n’est pas le fait d’aller vers un autre processus, une autre mode, un autre support. Le changement est une réflexion, une idée qui doit mûrir et, bien sûr, concrétiser cette volonté de changer. Il est temps de mettre de côté les excuses du genre «ancien régime est égal à beaucoup de dégâts». Certes, on ne nie pas le passé de notre pays, mais à force d’utiliser les mêmes excuses, on fait perdre du temps au changement. Et le premier chantier qui se fera sur le long terme, serait d’apprendre à pratiquer le professionnalisme dans chaque domaine. L’heure est venue d’aller vers la mutation numérique et de tenter de hisser le métier de journaliste vers un niveau d’excellence tant recherché par le public algérien.

La liberté de la presse a été évoquée dans l’article 54 du projet de révision de la Constitution...
Cet article stipule, notamment que la liberté de la presse écrite, audiovisuelle et électronique est garantie.
Il y a ensuite la définition de la liberté de la presse qui comprend, notamment, selon ce même article, la liberté d’expression et de création des journalistes et des collaborateurs de presse, le droit des journalistes d’accéder aux sources d’information dans le respect de la loi, le droit à la protection de leur indépendance et du secret professionnel, le droit de fonder des journaux et toute autre publication sur simple déclaration, le droit de créer des chaînes télévisuelles, radiophoniques et des sites et journaux électroniques dans les conditions fixées par la loi, le droit de diffuser des informations, des idées, des images et des opinions dans le cadre de la loi et du respect des constantes et des valeurs religieuses, morales et culturelles de la nation.
L’article ajoute que la liberté de la presse ne peut être utilisée pour attenter à la dignité, aux libertés et aux droits d'autrui. La diffusion de tout discours discriminatoire et haineux est prohibée et que le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté. L’activité des journaux, des publications, des chaînes télévisuelles et radiophoniques et des sites et journaux électroniques ne peut être interdite qu’en vertu d’une décision de justice, souligne également le même texte. Donc, s’agissant de ce volet, il y deux points essentiels à ne pas perdre de vue, en l’occurrence les réalités passés, d’une part, les craintes et autres appréhensions, d’autre part.
Propos recueillis par : Soraya Guemmouri

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