
Entretien réalisé par Tahar Kaidi
Salah Daoudi est diplômé en ingénierie des systèmes à l'École polytechnique fédérale de Lausanne. Il a contribué au développement des recherches de pointe au sein des laboratoires du géant Microsoft à Lausanne (Suisse).
El Moudjahid : L'intelligence artificielle est aujourd’hui l’une des voies d'accès à la société numérique. De quoi s'agit il au juste ?
Salah Daoudi : Pour commencer, il faut d’abord définir le mot Intelligence Artificielle (IA). Qu’est-ce que l’intelligence? Est-ce la capacité à percevoir le monde, à prédire le futur immédiat ou lointain, ou à planifier une série d’actions pour atteindre un but ? Est-ce la capacité d’apprendre ou celle d’appliquer son savoir à bon escient ? La définition est difficile à cerner.
On pourrait dire que l’Intelligence Artificielle (IA) est un ensemble de techniques permettant à des machines d’accomplir des tâches et de résoudre des problèmes normalement réservés aux humains...
Les tâches relevant de l’IA sont parfois très simples pour les humains, comme par exemple reconnaître et localiser les objets dans une image, planifier les mouvements d’un robot pour attraper un objet, ou conduire une voiture. Elles requièrent parfois de la planification complexe, comme par exemple pour jouer aux échecs. Les tâches les plus compliquées requièrent beaucoup de connaissances et de sens commun, par exemple pour traduire un texte ou conduire un dialogue. Depuis quelques années, on associe presque toujours l’intelligence aux capacités d’apprentissage. C’est grâce à l’apprentissage qu’un système intelligent capable d’exécuter une tâche peut améliorer ses performances avec l’expérience. C’est grâce à l’apprentissage qu’il pourra apprendre à exécuter de nouvelles tâches et acquérir de nouvelles compétences. Le domaine de l’IA n’a pas toujours considéré l’apprentissage comme essentiel à l’intelligence. Par le passé, construire un système intelligent consistait à écrire un programme «à la main» pour jouer aux échecs (par recherche arborescente), reconnaître des caractères imprimés (par comparaison avec des images prototypes), ou faire un diagnostic médical à partir des symptômes (par déduction logique à partir de règles écrites par des experts).
Mais cette approche «manuelle» a ses limites. Les méthodes manuelles se sont avérées très difficiles à appliquer pour des tâches en apparence très simples comme la reconnaissance d’objets dans les images ou la reconnaissance vocale. Les données venant du monde réel – les échantillons d’un son ou les pixels d’une image – sont complexes, variables et entachées de bruit. Pour une machine, une image est un tableau de nombres indiquant la luminosité (ou la couleur) de chaque pixel, et un signal sonore, une suite de nombres indiquant la pression de l’air à chaque instant.
Une machine peut-elle identifier un chien ou une chaise dans le tableau de nombre d’une image quand l’apparence d’un chien ou d’une chaise et des objets qui les entourent peuvent varier infiniment ?
C’est là qu’intervient l’apprentissage profond ou «Deep learning» en anglais. C’est une classe de méthodes dont les principes sont connus depuis la fin des années 1980, mais dont l’utilisation ne s’est vraiment généralisée que depuis 2012 environ. Les opportunités sont telles que l’IA, particulièrement l’apprentissage profond, est vue comme des technologies d’importance stratégique pour l’avenir. Les progrès en vision par ordinateur ouvrent la voie aux voitures sans chauffeur, et à des systèmes automatisés d’analyse d’imagerie médicale. D’ores et déjà, certaines voitures haut de gamme utilisent le système de vision de la compagnie MobilEye qui utilise un réseau
convolutif pour l’assistance à la conduite. Des systèmes d’analyse d’images médicales détectent des mélanomes et autres tumeurs de manière plus fiable que des radiologues expérimentés , etc...
L’IA est une des portes d’accès à la société numérique…
Oui c’est vrai mais cette porte demande tellement de codes d’accès fiables pour y accéder et surtout un savoir-faire et une organisation très à cheval et une nécessité d’actualisation permanente et surtout un IO (inputs et outputs) à long terme (ce qu’on appelle de nos jours le suivi ) et surtout une endurance que certaines sociétés et pays sous-estiment alors comme conséquence l’échec total et ou une réinitialisation complète de leur système met à disposition de la technologie et par conséquent une atteinte à la société numérique avec des conséquences dramatiques sur l’économie du pays qui a investi des milliards pour mettre au point un système fiable.
Au final, faciliter le quotidien des gens...
Oui et surtout entrer au rang des grands par le moyen intelligent et la recherche dans tous les domaines de la technologie et le mettre à la disposition de la société d’aujourd’hui qui est très gourmande en la matière par l’arrivée des moyens technologiques. Et, c’est à ce niveau, que ses effets se font sentir sur le quotidien des gens en leur proposant des solutions faciles, fiables et surtout exploitables dans tous les domaines . Une société intelligente à jour dans tous les domaines et surtout innovante et créative. Elle permet aux entreprises et aux consommateurs de suivre l’itinéraire tracé auparavant par leurs biais. Il s’agit tout simplement de pénétrer un monde meilleur, structuré et facile à gérer.
Quelle importance revêt la création d'une école d'intelligence artificielle en Algérie ?
Une création d’une école d’Intelligence Artificielle en Algérie est dûment appréciée par la société technologique et devrait désormais être sur pied il y a déjà longtemps avec l’apparition de nouveaux défis économiques, culturels et scientifiques, comme l’a indiqué M. Abdelbaki Benziane, qui a affirmé que cette stratégie avait pour but de «perfectionner les compétences algériennes en matière d’IA à travers l’enseignement, la formation et la recherche, d’une part, et renforcer ces capacités en tant qu'outil de développement permettant aux secteurs socioéconomiques d’aplanir les obstacles freinant la transition numérique en cours, d’autre part». Il s’agit de mettre en valeur les compétences algériennes. L’innovation n’est pas récente . Chaque fois que le citoyen algérien avait un manque de moyens dans tel ou tel domaine il innovait et se débrouillait. Cette stratégie vise, dans les quelques années à venir, l’amélioration de la performance dans nombre de segments dits prioritaires, à l’instar de l’Enseignement supérieur, la Santé, le Transport, l’énergie et les Technologies.
Comment l'Algérie peut-elle réussir sa révolution numérique ?
Une bonne organisation, une structuration innovante et fiable et surtout libérale pourrait amener l’Algérie à réussir sa révolution numérique à l’heure du Big Data car IA et Big Data sont étroitement liés.
Quels sont les défis à relever pour le Big Data et l’Intelligence Artificielle ?
Pour le moment, l’IA n’est pas régulée de façon spécifique. De nombreuses personnes expriment des craintes en matière de sécurité. Ce problème doit être résolu rapidement. La moindre information peut être dérobée facilement par des hackers. Les modèles hautement sophistiqués nous rendent vulnérables à de nombreuses menaces.
Beaucoup s’inquiètent au sujet du contrôle autour de cette technologie…
Cependant, là encore, de nombreuses craintes émergent concernant l’authenticité et l’éthique de l’Intelligence Artificielle et du Big Data. L’accumulation des données sur les serveurs cloud et son accessibilité aux fraudeurs peuvent se montrer fatals pour les entreprises. Tous ces défis sont intimidants. Ils font naître la suspicion autour de cette convergence entre Intelligence Artificielle et Big Data.
Il est essentiel de se rappeler que les technologies ne sont disruptives que lorsque nous sommes mal préparés. Par ailleurs l’Algérie, si elle veut s’introduire dans ce tunnel, doit être préparée logistiquement. Les grands moyens économiques, techniques, éthiques, cybernétiques et une grande préparation pour l’affrontement de ce monde sont les bienvenus et sont primordiaux car c’est une révolution que notre pays va entamer .
T. K.