Ressources en eau : Faire barrage au stress hydrique

Une estimation de la saison agricole doit se faire sur toute l’année pour savoir si elle a été bonne ou mauvaise
Une estimation de la saison agricole doit se faire sur toute l’année pour savoir si elle a été bonne ou mauvaise

Après une longue période de sécheresse qui a engendré un stress hydrique chronique, les pluies abondantes et les fortes précipitations qu’enregistrent plusieurs régions du pays ont contribué au remplissage des barrages et permis, ainsi, aux agriculteurs d’envisager l’avenir avec un peu plus d’optimisme.

Selon Brahim Mouhouche, professeur d’hydraulique agricole, enseignant à l’École supérieure d’agronomie, les prévisions météorologiques qui annoncent une bonne pluviométrie pour les jours à venir sont de bon augure. «Ces pluies vont certes améliorer la situation hydrique, mais il ne faut pas trop se réjouir, le pays reste confronté au même défi : comment mieux gérer les ressources en eau ?»
Pour cet expert, bien que l’on ait dépassé la normale de 25%, les agriculteurs de certaines régions, dont les cultures ont été affectées par les retards de pluie, savent très bien que le problème est latent. «Ils ont été les premiers à souffrir des aléas du climat, c’est sûr, il y aura d’autres épisodes surtout au printemps. Au fil des années, la certitude que nous avons un problème de manque d’eau s’est imposée, partant du constat que l’Algérie est non seulement un pays aride et semi-aride, mais saharien à 87%», dit-il. Pour faire face à cette situation, notre interlocuteur préconise la mise en place d’«un plan de sécurité hydrique». «Ce n’est certes pas facile vu les caractéristiques diverses de notre immense territoire, mais il faut impérativement le faire, parce qu’on ne peut pas juger sur un ou deux épisodes de pluie. Une estimation de la saison agricole doit se faire sur toute l’année, pour savoir si elle a été bonne ou mauvaise», affirme-t-il.
Il convient de rappeler que l’agriculture, de plus en plus performante, consomme entre 70 et 75% des ressources hydriques disponibles. Idem pour l’industrie. «Ces deux secteurs qui font fonctionner la machine socio-économique sont de plus en plus demandeurs, d’où la nécessité de mobiliser les ressources pour permettre leur bon fonctionnement.»
En ce qui concerne l’alimentation en eau potable, la situation est à peu près pareille. «Pour éviter les problèmes de l’été dernier, il faut s’y préparer dès maintenant. Il ne faut pas croire qu’on aura toujours du H24 si les barrages ne sont pas pleins ; s’ils ne le sont pas, on doit commencer à réguler dès maintenant. Il faut apprendre à gérer les pénuries d’eau», préconise-t-il.

L’eau, priorité des pouvoirs  publics

Les solutions préconisées sont connues : «En plus des eaux des barrages, qui comptabilisent quelque 7,5 milliards de mètres cubes, et le dessalement de l’eau de mer, qui génère plus d’un milliard de mètres cubes d’eau potable par an, nous nous trouvons devant la nécessité de recourir à d’autres méthode, telle l’utilisation des eaux recyclées.» 5 à 6% seulement de cette eau recyclée est réutilisée, alors que la moyenne mondiale est de 50%. «Plus d’un milliard de m3 d’eau partent dans la nature», a déploré Brahim Mouhouche, alors que le pays pourrait au moins réutiliser 700 ou 800 millions de m3 pour irriguer en complément les grandes cultures. Dans ce contexte, il exprime sa satisfaction des orientations des pouvoirs publics qui ont fait désormais de ce secteur, une priorité. Au même titre que la sécurité sanitaire, alimentaire ou énergétique, l’eau a désormais sa place parmi les priorités des pouvoirs publics.
L’eau recyclée, «outre l’irrigation des grandes cultures , notamment les fourrages, les céréales et les légumes secs, peut être également utilisée à bon escient au profit du secteur industriel, l’idéal serait que les grandes unités industrielles soient dotées de leurs propres stations d’eau, même recyclée». Actuellement, le secteur dispose de quelque 200 stations d’épuration des eaux usées.
«Or, jusqu’à présent, on a utilisé moins de 50 millions de m3 de ces eaux usées, ce qui représente moins de 10% des capacités de ces stations qui restent sous-exploitées». Le problème est celui de l’acheminement de ces eaux recyclées vers les zones de production agricoles ou vers les zones industrielles, du fait que les stations d’épuration de ces eaux ne sont pas raccordées aux zones de production. «D’où la nécessité d’établir un plan d’action plus ciblé», a-t-il conclu.
Amel Zemouri

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