
L’économiste Abderrahmane Hadef a vivement salué, hier, les initiatives relatives à la relance de la Grande zone arabe de libre-échange (GZALE) et de l’Union arabe des Douanes (UDA) ; des points qui figurent parmi les questions évoquées, lors du 31e Sommet de la Ligue des États arabes.
Dans une déclaration à El Moudjahid, l’analyste a, en effet, insisté sur l’impérieuse nécessité de cette démarche, de même qu’il a souligné l’importance de construire un bloc économique arabe qui serait en mesure de préserver les intérêts des peuples et de favoriser la relance de leurs économies. «Après que le Sommet d’Alger ait été achevé dans une entente totale et une réussite historique, il est temps de passer aujourd’hui à une nouvelle étape, à savoir celle du renforcement de la coopération économique entre les pays arabes. C’est d’ailleurs l’une des idées essentielles que l’on retient de la Déclaration d’Alger, et il devient par conséquent impératif de réactiver les instruments y afférents et même de les réviser pour pouvoir atteindre les objectifs ayant été arrêtés lors du Sommet», indique M. Hadef. Relevant que l’un de ces objectifs concerne «l’intégration économique interarabe» avec cette aspiration de mettre en valeur tout le potentiel existant dans les différents pays arabes, l’expert fera remarquer, à ce titre, que «l’un des instruments les plus importants qui existent dans la zone arabe c’est bien la Grande zone de libre-échange arabe, un instrument sensé élever les échanges commerciaux entre les pays arabes». Seulement, voilà, le constat établi est que «cet instrument n’a malheureusement pas atteint les objectifs escomptés»
Aussi, la décision prise à la faveur du Sommet d’Alger de redynamiser la GZALE est considérée comme « une nouvelle vision qui va réellement permettre une complémentarité et une intégration effectives des économies arabes». M. Hadef soutient alors qu’il est très important d’aller vers une approche plus économique que commerciale. Se montrant plus explicite, il fait savoir qu’il est plus rentable pour tous d’aller vers «des projets d’investissement» puisqu’il est question d’intégrer la dimension d’investissement dans cet accord de libre-échange et d’essayer de concevoir, à travers un engineering commun, des projets à même de permettre la mise en place de chaines de valeur arabe. Et de préciser à cet égard que «lorsqu’on parle de chaine de valeur, on doit systématiquement intégrer l’ensemble des maillons de la production, de la transformation, à la commercialisation, en passant par la logistique et la distribution. Autant de maillons qui doivent être aujourd’hui pensés et organisés de manière à renforcer la coopération entre les pays arabes», explique l’économiste.
Valoriser les différents potentiels selon les spécificités des pays
L’autre remarque importante est qu’il est question surtout de valoriser les différents potentiels selon les spécificités des pays. L’analyste poursuit sa lecture en citant sur un autre plan l’un des principaux dossiers ayant été évoqué lors du Sommet en vue de donner de l’élan à cette intégration interarabe.
«Ce dossier concerne la sécurité alimentaire sachant qu’aujourd’hui cette question, est carrément un défi pour le monde arabe, une région qui reste actuellement pratiquement dépendante des importations des produits alimentaires, alors qu’elle dispose d’un potentiel énorme, à la fois en termes d’agriculture, de ressources financières et de ressources hydriques». Selon l’intervenant, «il suffit de travailler de façon très intelligente à travers un engineering qui permettrait de valoriser le potentiel agricole dans des pays comme le Soudan, l’Egypte ou l’Algérie».
De même qu’il est vivement recommandé «d’utiliser le potentiel financier des pays comme ceux du Golf, à travers les différents fonds souverains et fonds d’investissement, et d’œuvrer également à valoriser tout le potentiel intellectuel existant au niveau des différents pays. Ces démarches une fois adoptées vont permettre d’atteindre les objectifs en termes de sécurité alimentaire, par une autosuffisance d’abord et ensuite par le développement de la production», a-t-il souligné.
Combler les insuffisances
M. Hadef a cependant évoqué «quelques maillons faibles de cet accord de libre-échange et sur lesquels nous devons travailler ensemble», a-t-il. Il évoquera à titre d’exemple, ici, les capacités de production. En termes plus clairs, l’économiste relève que «les produits arabes n’ont pas évolué et ne sont pas considérés comme des produits compétitifs. Il devient urgent, par voie de conséquence, de développer une industrie tout à la fois compétitive et moderne, voire sophistiquée, pour pouvoir mettre sur le marché arabe des produits compétitifs avec le reste du monde, et également prévoir une intégration progressive dans la chaine de valeur mondiale». Sur la même lancée, l’intervenant mettra en relief toute l’importance de «passer à une nouvelle configuration en termes d’instruments d’accompagnement». C’est là qu’intervient l’importance de lancer l’UDA, qui va accompagner cet élan de développement économique à travers des instruments techniques en termes d’activité douanière. Citant entre autres points, la nécessité d’une réglementation régissant les règles d’origine, qui permettent d’identifier et de mesurer le niveau d’intégration de la production dans les pays arabes, et aussi trouver des mécanismes pouvant permettre la redistribution des profits issus d’actes douaniers pour une redistribution équitable, M. Hadef met l’accent sur «la redynamisation de tout le système financier existant dans le monde arabe. Il recommande également de revoir les instruments tels que le fonds monétaire arabe, la banque de développement arabe et l’ensemble des banques commerciales qui existent dans la région ; autant d’institutions financières qui «doivent aujourd’hui jouer un rôle plus actif», en matière d’accompagnement des investissements et de l’activité économique et commerciale dans le monde arabe.
Selon lui, il est temps de passer à une nouvelle ère, à travers la création de l’Union économique arabe, un instrument devant être supranational et doté de prérogatives et de pouvoirs exécutifs à même de donner une véritable dynamique économique aux pays arabes.
Soraya Guemmouri