
Le pôle judiciaire spécialisé est situé dans le même immeuble qui abrite le siège du tribunal de Sidi M’Hamed. Il a été inauguré en 2008 par le défunt ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz. Il est le premier du genre dans notre pays. Ce pôle juridique a une compétence étendue sur 12 cours du centre du pays et est doté de quatre pôles régionaux à Constantine à l’Est, Oran à l’Ouest et Ouargla au Sud. Il a pour mission, précise M. Touidjini, de traiter et suivre des dossiers spéciaux dont ceux liés, entre autres, au trafic de drogue, au crime transnational organisé, aux atteintes aux systèmes de traitement automatisés de données, au blanchiment d'argent, au terrorisme et aux infractions relatives à la législation des changes, à la traite humaine.
«Cela bien sûr avant la création du pôle pénal économique et financier de Sidi M’hamed, et le pôle pénal chargé des infractions liées aux technologies de l’information et de la communication (TIC) et notamment la section de lutte contre le terrorisme et le crime organisé transfrontalier. Il assure aujourd’hui 5 des 7 spécialités», précise le magistrat.
Grâce à ces pôles, la compétence territoriale du procureur de la République peut être étendue désormais à d'autres tribunaux par voie réglementaire en intervenant particulièrement dans les affaires relatives au trafic de drogue, au crime organisé et au terrorisme. Le pôle judiciaire spécialisé est doté de quatre chambres d’instruction, d’une salle d'audience, d'une salle de délibération et d'une salle pour avocats. «La salle d’audience est mythique. C’est là qu’on a tourné le film sur Ahmed Zabana et où a été jugé Mufdi Zakaria.»
Cette juridiction est dirigée par un procureur de la République, procureur adjoint et 4 juges d’instruction. L’audience est présidée par un juge des délits spécialisé pour statuer sur les affaires programmées par la section des délits.
Le pôle judiciaire spécialisé est la première juridiction à examiner les grandes affaires de corruption en 2019 avant la création du pôle pénal économique et financier. L’activité est donc très dense durant la période allant de 2019 à 2021. Des anciens hauts responsables et dirigeants, des walis, l’ancien DGSN Abdelghani Hamel, ont défilé ici pour être auditionnés dans des affaires de corruption souvent graves, une première dans les annales de la justice algérienne. Le procureur de la République cite les affaires de Sonatrach, l’autoroute Est-Ouest, Air Algérie, Saidal, ANBT (Agence nationale des barrages et transferts) et autres. En ce sens, il a affirmé que «les commissions rogatoires sont sur la bonne voie». Il a assuré également qu’un grand travail a été mené pour la restitution des biens mal acquis détournés à l’étranger dans le cadre des enquêtes anti-corruption.
Une compétence étendue
Le fait de créer cette section spécialisée signifie-t-il que tous les dossiers relevant de son champ de compétences lui seront obligatoirement transmis ? Le procureur de la République précise que d’une façon générale, en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé transfrontalier, le parquet de la section de lutte contre le terrorisme et le crime organisé transfrontalier exerce une compétence partagée avec celle des pôles spécialisés. «Cependant, s’agissant des infractions les plus graves, il dispose d’une compétence exclusive.
Dans ce cas, les autres juridictions n’ont pas vocation à engager ou à conduire des enquêtes.» Il a cité, en ce sens, les feux de forêt criminels ayant secoué plusieurs wilayas. «Les faits constituaient des actes subversifs. Des réquisitions nous sont parvenues des parquets de la République près les tribunaux de ces régions accompagnées de rapports informatifs et de procédures d'instruction réalisés par la police judiciaire. Ces faits entrant dans le cadre de la compétence de la section de lutte contre les crimes terroristes et subversifs du tribunal de Sidi M'hamed, ont requis, en application des dispositions des articles 211 bis 16 et suivants du Code de procédure pénale, 87 bis, 87 bis 6 du Code pénal, aux parquets de la République concernés de se dessaisir de l'enquête ouverte dans ces affaires au profit de la section de lutte contre les crimes terroristes et subversifs du tribunal de Sidi M'hamed.» Sur le plan opérationnel, les parquets, lorsqu'ils sont avisés de la commission d’un acte potentiellement terroriste, prennent attache avec la section antiterroriste afin que celle-ci apprécie si elle entend exercer sa compétence partagée. Sur cette question, la présidente du tribunal de Sidi M’hamed, la juge Dalila Issolah, a précisé que le juge a le droit de demander le dessaisissement du juge d’instruction du dossier au profit d’un autre juge d’instruction. «La section de lutte contre le terrorisme et le crime organisé transfrontalier a une compétence exclusive. Elle peut mener des enquêtes judiciaires sur des actes terroristes commis en Algérie comme à l’étranger dans lesquels un Algérien peut être victime ou auteur présumé à l’exemple des organisations terroristes RACHAD ou MAK», précise-telle.
N. B.
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La formation facteur clé pour une justice de qualité
La présidente du tribunal de Sidi M’hamed, Dalila Issolah, a mis l’accent sur l’importance de la formation spécialisée à l’intérieur du pays et à l’étranger. «Des sessions de 3 à 6 mois sont organisées à l’ESM (Ecole supérieure de la magistrature) et d’autres par visioconférence et formation continue pour actualiser les connaissances et les performances selon le statut du magistrat.» Elle a mis en avant la participation à la formation qui est prise en tant qu’élément d’évaluation, soulignant le grand intérêt qu’accorde le ministère de la Justice à la formation continue et spécialisée «afin de rehausser le niveau des cadres de la justice à la hauteur des défis».
Le procureur de la République près la section de lutte antiterroriste est un magistrat chevronné avec une expérience de 19 ans au parquet, expert et formé notamment en cybercriminalité. «Dans toutes les affaires de terrorisme, il y a le volet de la cybercriminalité dont l’apologie, le recrutement via les réseaux sociaux», observe-t-il. La présidente du tribunal a précisé, de son côté, que «des actes terroristes ont été commis par le recours aux TIC d’où l’importance de la formation spécialisée».
N. B.
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Destruction par incinération des drogues saisies
Où vont les drogues saisies par les services de sécurité et présentées devant le parquet comme pièces à conviction ? Le magistrat fait savoir qu’il est procédé à leur destruction par incinération. «Nous avons procédé la semaine dernière à la destruction de 45 kg de cocaïne, 100.000 capsules de prégabaline, 80.000 comprimés de type ecstasy, par une commission composée de juges, des représentants de la Protection civile, de la police, de la GN, des Douanes et de l’APC.»
N. B.