
La loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme est marquée par l’introduction de «l’enquête financière parallèle» ayant permis de déterminer leur lien, a indiqué, hier à Alger, le juge d’instruction près le pôle pénal national financier et économique de Sidi M’hamed, le magistrat Abdelmoumen Mouissi.
Le juge a assuré que «cette loi constitue une vraie révolution juridique, notamment dans le domaine des outils pour ceux chargés de l’exécution de la loi, notamment les juges instructeurs et les officiers de la police judiciaire», précise-t-il, ajoutant que l’introduction de l’enquête financière parallèle «est l’un des amendements phares de la loi». Le magistrat s’exprimait dans une intervention intitulée «Etude d’un cas lors d’une enquête sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme», à l’occasion de la journée d’étude organisée par la Cour d’Alger, en présence de magistrats, enseignants universitaires et représentants de la Police et de la Gendarmerie nationale.
M. Mouissi a affirmé que l’article 2 de la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme stipule la désignation d’«une enquête financière engagée parallèlement et simultanément à toute enquête pénale sur des affaires de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme ou de financement de la prolifération d’armes de destruction massive.
Un amendement phare contre toute atteinte à la sécurité nationale
L’enquête financière parallèle permet l’arrestation des personnes qui menacent la sécurité nationale et de déterminer l’étendue des réseaux criminels, ainsi que le suivi et la détection des fonds des terroristes, détaille-t-il. Le juge d’instruction a rappelé que l’infraction de blanchiment de capitaux «est indépendante de l’infraction principale, que l’auteur de l’infraction principale soit condamné ou non».
A l’occasion, il a présenté les procédures judiciaires d’une affaire de terrorisme examinée par le pôle pénal national économique et financier de Sidi M’Hamed. «L’instruction judiciaire a été ouverte suite à l’arrestation du dénommé B. A., recherché pour appartenance à une organisation terroriste activant à l’étranger. Il a été mis sous mandat de dépôt et le juge d’instruction a décidé la saisie conservatoire de ses biens suite à des preuves sur délit de blanchiment d’argent. Les investigations menées se sont soldées par l’implication de ce terroriste dans des affaires de blanchiment d’argent.
«L’enquête a révélé qu’il possédait des biens mobiliers et immobiliers et des comptes bancaires en Algérie et à l’étranger en son nom et au nom de ses enfants», fait-il savoir, mettant le cap sur la coopération internationale et le rôle des commissions rogatoires, ainsi que la coordination avec les différents organes et institutions dont la Direction générale des domaines, la Direction du fichier national du logement, les promoteurs publics et l’office national des terres agricoles.
De son côté, le juge d’instruction près le tribunal de Rouïba, Yacine China, a plaidé dans son intervention intitulée «Le traitement judiciaire du blanchiment d’argent», pour «l’introduction d’une loi sur le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive dans une seule loi» sans le référer au code pénal, dans l’objectif de mieux définir les missions de tous les acteurs chargés de la lutte contre ces crimes. Lors de l’exposé de la loi, le magistrat a souligné que l’amendement a enregistré un saut qualificatif dans le cadre des procédures de prévention contre la criminalité.
«C’est une valeur ajoutée d’autant que cet amendement est le premier depuis 2015», fait-il savoir. Il a rappelé que la loi stipule également que dans le cas où l'infraction principale n'est pas prouvée, la poursuite judiciaire sera intentée sur la base de l'infraction de blanchiment d'argent comme infraction principale.
Pour sa part, le juge d’instruction près le tribunal d’El Harrach, Mohamed Seddik Riach, a évoqué le volet préventif de cette loi. «Des réseaux criminels activaient sous le couvert d’associations et organisations à but non lucratif pour le financement des activités terroristes à l’exemple de Rotary en Algérie», dit-il.
Il a mis l’accent dans ce cadre sur «le nécessaire respect des associations et les organisations non lucratives des règles de conduite, notamment l'acceptation des dons et aides financières de source inconnue et issus d'activités suspectes, de personnes et d'organisations ou structures». Le juge a précisé que cette loi s'inscrit dans le cadre de la mise en adéquation de la législation nationale avec les derniers développements sur la scène internationale et l'adaptation de notre système juridique aux traités et conventions ratifiés par l'Algérie.
Neila Benrahal
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Confiscation des avoirs même sans condamnation
D'autres amendements relatifs à la confiscation des avoirs même sans condamnation au cas où ces fonds seraient issus des crimes prévus par la présente loi et l'exécution des demandes de confiscation d'un Etat étranger visant à confisquer les fonds issus des crimes prévus par la présente loi. Le magistrat a expliqué, qu’en vertu de cette loi, le secret professionnel ou le secret bancaire ne peut être opposé par les assujettis à l’organe spécialisé aux autorités compétentes et aux autorités de supervision et de contrôle». L’article 23 stipule qu’aucune poursuite pénale ou action civile pour violation du secret bancaire ou professionnel ne peut être engagée contre les assujettis, leurs dirigeants et préposés lorsqu’ils ont transmis, de bonne foi, les informations ou effectué les déclarations prévues par la présente loi à l’organe spécialisé, même s’ils ne savaient pas précisément quelle était l’activité criminelle d’origine ou si l’activité illégale, ayant fait l’objet de soupçon, ne s’est pas effectivement produite. Evoquant la lutte contre cette criminalité, M. Riach a cité les Émirats arabes unis, l’une des plus importantes plaques tournantes du commerce mondial, en tant que pays ayant adopté une loi contre le blanchiment d’argent dans le cadre de la lutte mondiale contre le financement du terrorisme. «Les EAU ont imposé de nouvelles lois pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. De grosses amendes sont infligées à ceux qui ont blanchi de l'argent ou financé le terrorisme par l'intermédiaire d'entités situées aux EAU», précise-t-il. Il a cité Dubaï, Panama, Libéria, Luxembourg comme «des paradis fiscaux» qui accueille de ce fait les sociétés Offshore.
N. B.