Procès de Nassim Diafat : L’ALRIM, l’indu privilège de l’ancien ministre

Le procès de l’affaire dans laquelle est poursuivi l’ancien ministre délégué, chargé de la Micro-Entreprises, Nassim Diafat, et des membres de sa famille s’est ouvert, hier au pôle pénal économique et financier de Sidi M’hamed. 39 accusés sont poursuivis dans ce dossier, parmi eux d’anciens hauts cadres de l’ANADE, l’épouse et les deux frères de Nassim Diafat, poursuivi avec ses deux frères Abdelmalek et Khaled, et son épouse, placés sous contrôle judiciaire, alors que des banques publiques, à l’instar de la BNA, de la BEA, ainsi que le Trésor public se sont constitués partie civile.

L’ancien ministre est arrivé hier à 10h44 à la salle d’audience avec ses coaccusés, escortés par des éléments de la Brigade de sécurité et d’intervention (BSI) de la Gendarmerie nationale. Très amaigri, il a pris place dans le box des accusés en détention avec quatre autres, parmi eux l’ancien PDG d’Alrim (Algérienne de réalisation d’infrastructures et d’équipements métalliques), Mokhtar Tayane.
 
La charpente métallique et l’épouse du ministre 
 
L’ancien ministre a été auditionné, en fin d’après-midi, vers 16h. Il a tenu, tout le long de son interrogatoire qui a duré plusieurs heures, à rejeter les charges retenues contre lui. Il est poursuivi pour abus de fonction, trafic d’influence, dilapidation de deniers publics et blanchiment d’argent. «Je ne suis pas corrompu et je n’ai pas trahi la confiance du président de la République», répète-t-il, dans ses réponses, mais le juge le confrontait à chaque fois aux conclusions de l’expertise et déclarations de ses co-accusés. 
Le président du tribunal l’a auditionné sur deux trophées de l’émir Abdelkader, réalisés à 7 millions de DA, comme «cadeaux» à la présidence de la République et à l’État-Major de l’ANP. «Qui a ordonné à l’ANADE de réaliser ces cadeaux, alors que la Présidence avait suspendu à l’époque les festivités de la célébration du 1er Novembre ?» l’interroge le juge. L’accusé a répondu que «l’ANADE a l’habitude d’honorer les entreprises innovantes, à l’occasion des fêtes nationales. Un programme a été tracé pour honorer le président de la République Abdelmadjid Tebboune pour ses efforts pour la promotion de la jeunesse et aussi l’institution militaire qui a signé un accord de partenariat, le premier du genre, pour l’édification de l’économie nationale. J’ai avisé le Premier ministère qui m’a donné son aval pour la présidence de la République et le trophée leur a été remis, mais il n’y avait pas de retour pour l’institution militaire, alors j’ai gardé le trophée dans mon bureau». Il est interrompu par le juge : «La perquisition a relevé l’absence de ce trophée.» Interrogé sur le financement de ces cadeaux, il a répondu que «c’est le budget de l’ANADE qui s’en est chargé», ajoutant : «Il s’agit de cadeaux d’une institution publique à la présidence de la République. J’ai reçu des cadeaux artisanaux de la part d’ambassadeurs dans le cadre de partenariat.» 
 
Deux trophées de l’émir Abdelkader ou «les cadeaux avec l’argent des jeunes»
 
L’expertise a relevé également l’absence d’équipements, dont des tablettes électroniques, des puces et des ordinateurs. L’accusé a déclaré qu’il a transféré le matériel au service d’informatique.
Le président de l’audience avait auditionné, dans la matinée, l’ancien PDG d’Alrim, Mokhtar Tayane, sur, notamment les avantages accordés à la famille de Diafat. L’ancien ministre a insisté, lors de son audition, qu’il s’agit d’une «relation purement professionnelle». «Je n’ai jamais appelé M. Tayane pour une intervention en faveur de ma femme, je lui ai juste demandé de m’expliquer la procédure pour qu’elle puisse bénéficier de la charpente métallique vu les délais de réalisation d’Alrim», se défend-il. «Je ne l’ai pas informé que c’est ma femme qui est enseignante. Elle a été lésée alors que j’étais ministre et je ne me suis pas intervenu. Elle voulait construite une écurie pour les chevaux. Je ne suis pas corrompu. Je n’ai jamais demandé à quelqu’un de recruter mes frères», insiste-t-il en larmes. Le juge lui lance : «Les chevaux que vous lui avez offerts ?» Il répond : «Ce n’est pas interdit à un homme d’offrir des cadeaux à sa femme.» 
«Vous avez sollicité le PDG d’Alrim pour équiper votre bureau ?» lance le président de l’audience. Diafat a répondu : «Le ministère ne dispose de rien.» Et il est interrompu par le magistrat : «Mais aucune trace du matériel ?» Diafat a précisé qu’il n’est pas responsable du matériel dont le contrôle est du ressort du Premier ministère. Il a également affirmé qu’il a procédé aux nominations et aux promotions des directeurs de wilaya de l’ANADE, suite aux propositions du DG de cette dernière et l’accord du Premier ministre.
L’accusé a été longuement auditionné sur son instruction au DG de l’ANADE relative à la suspension des poursuites judiciaires contre les entrepreneurs Ansej, ce qui a causé un grand préjudice et a entravé le processus du règlement des dettes en présence d’entreprises fictives. «Je n’ai pas émis de décision, j’ai présenté des propositions où j’exclus les gens ayant vendu le matériel. Les dettes étaient estimées à 583 milliards de DA et nous avons procédé à l’inventaire qui a révélé l’existence de 77.520 entreprises dotées de matériels. Je n’ai pas trahi le président de la République», insiste-t-il. 
 
 «Une intervention» en douce pour le frère du ministre 
 
L’ancien PDG d’Alrim, Mokhtar Tayane, a été le premier auditionné par le président de l’audience. Il a nié d’emblée les charges retenues contre lui. Son audition a tourné essentiellement sur la marchandise dont a bénéficié l’épouse de l’ancien ministre, à savoir la charpente métallique. L’accusé est revenu en détails sur cette affaire, affirmant qu’il a connu Nassim Diafat alors ministre délégué chargé de la Micro-Entreprise en 2020, suite à la signature d’une convention pour la création des incubateurs et la promotion de la micro-entreprise. «J’ai demandé audience au ministre Diafat pour l’intégration des micro-entreprises dans la stratégie de l’entreprise, surtout qu’on a déjà travaillé avec des jeunes entrepreneurs. Lors de d’une séance de travail, le ministre Diafat m’a demandé la procédure d’obtention des infrastructures métalliques et je lui avais expliqué qu’elle est soumise à un bon de commande. Il m’a remis alors une carte d’une femme pour la présentation d’une offre. Nous avons traité ce dossier comme toute opération commerciale», insiste-t-il. 
Le président de l’audience l’a interrogé sur la livraison de la charpente métallique avant bien le paiement, alors que la marchandise est estimée à 6 millions de DA. L’accusé a précisé que «la facturation est établie après la réception, le montage et la validation du CTC. Le paiement est soumis à une durée de 45 jours», mais il est interrompu par le magistrat : «Mais la cliente n’a pas payé la facture.» L’accusé a répondu qu’elle était destinataire d’une mise en demeure et l’affaire a été transmise à la justice, ayant prononcé un jugement l’obligeant à payer la facture. «J’ai entamé la procédure en justice alors que le ministre était en poste», dit-il. «Mais le ministre vous a contacté suite à cette mise en demeure ?» l’interrogea le juge, et l’accusé a répondu qu’il voulait s’enquérir de cette décision, et «je lui ai expliqué les motivations. J’ignorais que c’était l’épouse du ministre».
l’ancien PDG d’Alrim a été auditionné sur la location de l’entreprise publique d’un matériel appartenant à l’un des frères de l’ancien ministre. «Lors d’une séance de travail avec le ministre, il m’a informé que son frère Abdelmalek possède des électrochargeurs en cas de besoin. Il a déposé par la suite une offre qui a été retenue par l’entreprise, à l’issue d’une consultation d’un montant de 7 millions de DA par an», dit-il. Le juge intervient de nouveau : «Vous avez annulé le contrat avec lui et un nouveau contrat a été signé le même jour ?» L’accusé : «Il s’agit d’un accord financier. Il a commencé son travail au mois de juin et n’a pas perçu ses honoraires en décembre, alors on a annulé le premier contrat d’un montant de 700 millions de centimes, pour signer un nouvel accord de 400 millions. C’était un bénéfice pour Alrim, car on a gagné 3 millions de DA. De même pour l’affaire de la charpente métallique avec Mme Diafat. La marge bénéficiaire est de 130%, parce que la marchandise était destinée au recyclage.» 
 
Une location commerciale pour le frère du ministre 
 
En réponse aux questions du parquet, l’accusé a insisté qu’il s’agit de «location commerciale» qui n’était pas recommandée par le ministre, et que son entreprise a déjà recouru à la location d’engins.
Il a été également auditionné sur les équipements d’Alrim, dont un matériel de bureau au bénéfice de Nassim Diafat, d’une valeur de 7 millions de DA. «C’est le ministre en poste qui m’a sollicité pour équiper son bureau de certains équipements. Je dispose d’une décharge. Cela est enregistré dans le cadre de l’immobilisation corporelle», dit-il, plaidant pour la légalité de la procédure. 
Le deuxième accusé à la barre était Mohamed Cherif Bouziane, ancien DG de l’Agence nationale d’appui et de développement de l’entrepreneuriat (ANADE), anciennement Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (ANSEJ). Il a déclaré qu’il connaît Diafat depuis 2018, dans le cadre de l’ANSEJ et de la CNAC. Son audition a porté, notamment, sur la réalisation de deux trophées de l’émir Abdelkader. «Le ministre Diafat m’a convoqué à son bureau et m’a demandé de réaliser deux trophées de l’émir Abdelkader, à l’occasion du 1er novembre, pour les remettre à la présidence de la République et à l’État-Major de l’ANP.  J’ai saisi le chef de service des moyens généraux à l’ANADE et on a installé une commission des marchés qui a étudié les offres de trois artisans. Nous avons reçu les trophées au bout d’un mois et je me suis déplacé au siège du ministère pour les remettre au ministre», a-t-il plaidé.
 
Neila Benrahal 
 
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
 
Ferhat Mehenni condamné à 20 ans de prison
 
Le tribunal criminel de première instance de Dar El-Beida (Alger) a condamné, hier, par contumace le chef du mouvement terroriste «MAK», Ferhat Mehenni, et six autres accusés à 20 ans de prison ferme, après avoir été reconnus coupables d’actes terroristes et subversifs attentatoires à la sécurité de l’État et à l’unité nationale.
Des peines allant de 3 à 10 ans de prison ferme ont été prononcées à l’encontre de 20 autres accusés, reconnus coupables de faits liés au «commerce de munitions de guerre et à la diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité de l’État». Quatre autres accusés ont été acquittés. Le représentant du ministère public avait requis auparavant des peines allant jusqu’à la réclusion à perpétuité contre tous les accusés.
Selon l’arrêt de renvoi, les faits remontent à la publication de fausses informations attentatoires à la sécurité de l’État sur les réseaux sociaux, par l’un des principaux accusés dans l’affaire (A. M.), et au recrutement par ce dernier de plusieurs individus au profit du mouvement terroriste «MAK». Après perquisition du domicile de l’accusé, des armes à feu et des munitions ont été saisies.

 

Sur le même thème

Multimedia