
«C’est la première fois dans l’histoire qu’un génocide est filmé sans provoquer le moindre scandale», a déclaré, ce vendredi, le PDG d’El Moudjahid, Brahim Takheroubte, sur Canal Algérie.
Réagissant à la tragédie en cours à Ghaza, le patron du quotidien national El Moudjahid a livré un témoignage grave et sans détour sur le rôle et la responsabilité des médias. «Ce qui se passe à Ghaza est un massacre digéré, banalisé. Et cela interroge profondément sur la mission même du journalisme», a-t-il lancé, pointant du doigt le «silence complice des grands médias occidentaux».
Faisant le parallèle avec la guerre en Ukraine, il dénonce une couverture médiatique sélective et déséquilibrée. «Au début de l’année, on voyait des dizaines de reportages en Ukraine, y compris sur la disparition d’un chat», a-t-il ironisé. «Et là, quand il y a des dizaines de morts par jour à Ghaza, quand des vies sont broyées, c’est devenu normal, presque acceptable», a-t-il poursuivi, appelant à une prise de conscience collective sur l’éthique de l’information.
Une parole assumée sur la mission journalistique
Ce n’est pas la première fois que le PDG d’El Moudjahid prend publiquement position sur le rôle du journalisme. Dans ses déclarations de ce vendredi, il rappelait que «les années 1970 et 1980 ont été une période de reconstruction, où les journalistes modernes ont joué un rôle fondamental de pédagogie et d’explication». Il soulignait l’importance d’un journalisme de conviction, au service des valeurs transgénérationnelles : liberté, dignité, respect, égalité.
Pour lui, El Moudjahid incarne toujours cette mission. Il l’a défendu comme un espace de transmission de mémoire et de parole plurielle : «El Moudjahid a été la voix des sans-voix», disait-il, insistant sur la nécessité de représenter les causes justes, même dans le silence ambiant.
Le fond du journalisme en question
«Ce qui a changé, ce n’est pas seulement le fondement du journalisme, c’est le fond lui-même», a-t-il affirmé avec amertume. Il pose une question essentielle, presque philosophique : quelle est la mission du journalisme aujourd’hui ? Peut-on continuer à informer sans prendre position face à l’injustice ? Peut-on garder le silence, sans en devenir complice ?
Face à la tragédie palestinienne, le PDG d’El Moudjahid rappelle que l’information n’est pas une marchandise neutre. Elle est un choix, un acte. Et dans certains cas, un devoir.
Samia Boulahlib