Des hommes en uniforme circulent dans tous les sens. Des vérifications étaient nécessaires pour être autorisé à descendre sous le pont. Dégoulinant de sueur, les sauveteurs sont là, la fatigue n’ayant pas pu s’emparer d’eux. «Nous sommes sous le choc, c’est triste, c’est tragique», nous confie, d’une voix brisée un des éléments de l’unité d’intervention de Hamiz. Son équipe «a ratissé toute la zone où est tombé le bus», mais demeure sur ses gardes étant donné que le courant de l’oued pourrait pousser des corps plus loin.
Les mains vers le ciel, notre interlocuteur lance : «Dieu, que le nombre de morts ne soit pas plus lourd». Des collègues viennent de sortir de l’oued, d’autres les assistent pour les nettoyer à haute pression afin de leur enlever les résidus de l’eau sale. Coups de fil par-ci, discussions qui s’ébauchent, échange de photos et d’informations par-là, les équipes de la Police scientifique, de la Gendarmerie nationale sont au four et au moulin. On nous montre de doigt où étaient déposés les cadavres. Même s’ils ne sont plus là, il fait nuit et froid dans les cœurs.
C’est tout le pays qui pleure ses enfants. Les minutes s’égrènent, mais le temps semble figé. Approché, le commandant Nassim Bernaoui, sous-directeur de l’information et des statistiques à la Protection civile, affirme que l’intervention a été effectuée à 17h46, relevant que tous les moyens nécessaires sont déployés avec un renfort de l’unité nationale d’instruction et d’intervention avec entre autres, 16 plongeurs et 25 ambulances. Les 24 blessés, explique le commandant ont été transférés dans des structures sanitaires, notamment 5 parmi eux dont les blessures relevaient d’une urgence. Le même responsable affirme que l’opération de sauvetage se maintient pour s’assurer que rien ne sera laissé au hasard. On entend une autre voix : «il avait les vertèbres du dos cassées…» Phrase inachevée, mais qui renseigne sur la gravité de certaines blessures. Du haut du pont, les citoyens regardent l’opération de sauvetage. Des jeunes à la fleur d’âge se disent volontaires si besoin est, pour assister les plongeurs.
De petites bouteilles d’eau sont lancées pour les éléments de la Protection civile et plongeurs qui ont dépensé énormément d’énergie. Une femme emmitouflée dans son voile de couleur sombre, raconte larmoyante, qu’elle était à quelques encablures au moment du renversement du bus. «Les mots m’échappent. Quoi dire ? Des frères et sœurs nous quittent. Nos routes deviennent des linceuls ambulants», indique la sexagénaire. Quelques instants plus tard, on se dirige vers l’hôpital Salim-Zemirli où des blessés ont été transférés. Devant les Urgences, ça grouille de monde. Un jeune homme tient sa tête entre les mains, son cousin a rendu l’âme. Il ne le reverra plus. «On avait beaucoup de choses à faire ensemble, on ne les fera pas… », lâche, impuissant, le jeune.
La tristesse règne sur les lieux. On ne veut plus se rapprocher de peur d´être doublement choqué. Des proches de personnes blessés comptent accéder à l’intérieur du service. Les policiers, une dizaine, mobilisés, veillent sur l’ordre. Des citoyens bienfaiteurs descendent d’un véhicule et proposent des repas aux familles se trouvant à l’intérieur de l’hôpital. La solidarité, c’est le propre de l’Algérien. Mais jusqu’à quand, nos routes continueront de faucher des vies humaines et plonger des familles dans un deuil affligeant ?
F. I