
L’Agence algérienne pour le rayonnement culturel a organisé, samedi au niveau de Dar Abdelatif (Alger), une conférence-débat portant sur le thème «Ce qu’ils ont dit sur l’émir Abdelkader».
À cet effet, le journaliste-historien Amar Belkhodja a indiqué que ce symbole de la nation a été précurseur des droits de l’homme en interdisant à ses soldats de maltraiter les prisonniers. «Il est un exemple pour notre pays et une école pour notre peuple», a-t-il affirmé avant de dénoncer les propos inadmissibles du Président français qui a renié l’existence même d’une nation algérienne avant la colonisation française. «Depuis quand un président s’arroge le droit de s’ériger en historien?», s’est-il interrogé, appelant Macron à jeter un coup d’œil sur ce que ses propres compatriotes ont écrit sur la nation algérienne et son prestige sur la scène internationale avant la colonisation. Il a assuré à ce propos qu’Alger était, en 1830, la ville la plus riche du monde. «Les forces d’occupation françaises sont venues faire la razzia et voler tout sur leur passage alors que les colons ont ramené de nombreuses maladies comme le choléra», a-t-il révélé.
Pour revenir au personnage de l’Emir Abdelkader Ibn Mahieddine, l’historien a rappelé que ce dernier est le fondateur de l’Etat algérien moderne et incarnait une multitude de vertus et de qualités. «Très jeune, il était un érudit reconnu de tous. Il était d’ailleurs désigné comme l’homme du XIXe tant par ses amis que par les ennemis. Tout chez lui forçait le respect. Un ennemi de l’Algérie et de notre peuple de la trempe du général Bugeaud l’a décrit comme un homme d’une intelligence, d’un génie et d’un charisme sans commune mesure. Ce général tristement célèbre avait souligné que l’autorité sur les Algériens qu’exerçait l’Emir était due à sa force morale», a-t-il poursuivi.
De son côté, le journaliste et homme de lettres, Louis Veuillot, avait qualifié l’Emir Abdelkader de «politique hors pair», un musulman «très pieux» et un prédicateur à «l’aura qui subjugue».
Pour Alexis de Tocqueville, l’Emir avait bâti, «dès son jeune âge», les institutions d’un «véritable Etat», doté de huit khalifats et un parlement (majliss choura). «Animé par un racisme viscéral, ce sociologue a appelé les autorités coloniales à détruire ce nouvel Etat centralisé», a rapporté Belkhodja qui citera également Jacques Berque qui avait admis que l’Emir Abdelkader était «très pieux et austère», se référant aux déclarations du sociologue.
«Il ne mangeait pas par plaisir mais par vitalité. Il était habité par des valeurs spirituelles d’une force inégalée. Il tient toujours parole et s’avère être, lors des négociations, un diplomate hors pair. Il a réussi à faire signer aux Français deux accords en sa faveur mais qui ont été par la suite violés par l’occupant. Il avait un intérêt profond pour la vie de ses soldats. S’il n’était pas certain d’avoir la victoire contre son ennemi, il n’envoyait pas ses troupes», avait-il écrit. L’historien a également rapporté les propos de Jacques Fremont, un journaliste proche de Bugeaud et animé par une haine de l’arabe et de l’islam. Malgré ses préjugés racistes et fanatiques, il avait reconnu que l’Emir Abdelkader était doté d’un prestige et d’une force «qui a contraint» l’armée d’occupation française à des efforts épuisants.
Tandis que pour le comte de Séville, un ami de Napoléon III, l’Emir est une «image immortelle», un «des plus grands» princes et leaders qui ont tenu en échec une armée de plus de 100.000 hommes durant plus de 15 ans. Il était, selon ses mémoires, doté de vertus humaines extrêmement rares et d’une bonté de l’âme qui rappelle «les plus grands personnages» de l’histoire. «Son attitude est pleine de dignité, de sa personnalité se dégage la majesté», écrivait-il.
Ce dernier avait évoqué le courage de l’Emir Abdelkader, «décuplé sa force», se distinguant dans la rigueur de la guerre par son austérité. «Tout en lui respire la simplicité et la grandeur de l’âme. La fidélité de tous ses lieutenants qui sont profondément attachés à lui était le signe de sa gloire. Il était un fin diplomate, un homme d’Etat et un homme de savoir, avec une bibliothèque composée de plus 60.000 ouvrages au sein de la smala», avait conclu le comte de Séville.
Sami Kaidi