Il y a 53 ans, l’Algérie nationalisait ses hydrocarbures : L’énergie de l’espoir

Il y a 53 ans, le 24 février 1971, l'Algérie a décidé de nationaliser l’industrie des hydrocarbures. Cette prise de contrôle, par l’État, de l’infrastructure de transport et de production, ainsi que de 51% des actifs des entreprises pétrolières françaises, entraîne, à l’époque, un renversement des rapports de force entre anciens colonisateurs et anciens colonisés.

En prenant possession de ses richesses naturelles spoliées, l'Algérie a mis ses ressources au service des projets de développement du pays. La perspective historique veut que la décision algérienne soit annoncée durant les négociations sur l’augmentation de la fiscalité et des prix du brut engagées par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole avec les entreprises pétrolières, qui jusqu’ici fixaient seules le cours du baril. La stratégie algérienne se révèle gagnante et d’autres États producteurs choisissent de l’imiter dans les mois qui précèdent le choc pétrolier de 1973.
Pour Dr Aissa Mouhoubi, chercheur spécialiste de l'économie des hydrocarbures à l'université de Béjaia, «en Algérie, pendant longtemps, on a associé la maximisation de la rente, par le biais de l’exploitation massive des hydrocarbures, à la prospérité de l’économie nationale. Ainsi, la préoccupation de l'État n’était que de légiférer l’intensification des extractions des hydrocarbures».
Évoquant les politiques publiques de développement économique, l'universitaire explique que «le premier facteur qui inciterait l’Etat à concevoir une stratégie de développement efficace, fructifiant ses résultats financiers dans des plus brefs délais, est la tendance des hydrocarbures à l’épuisement». De ce fait, poursuit-il, «l’extraction irraisonnée de cette matière sans stratégie de valorisation pour l’investissement re-productif de valeur ajoutée et reproductible à terme de l’investissement hydrocarbures est une grave erreur, voire même une action à ne pas entreprendre».
L’extraction doit, en effet, obéir à un taux optimal fixé par l'État, qui doit à son tour tenir compte de plusieurs éléments «tels le volume des réserves souterraines, de la capacité d’absorption de l’économie aux recettes d’exportation et de l’importance des besoins de l’économie en cette matière, une fois que le tissu productif hors hydrocarbures aura été installé». Dr Mouhoubi souligne que eu égard à l’augmentation actuelle des cours pétroliers, les pays producteurs ont intensifié leur production d’hydrocarbures». Ce qui engendrerait «l’effondrement imparable des prix et la réduction de la durée de vie des réserves», a-t-il notamment précisé.
Le chercheur précise entre autres que «la vulnérabilité économique d’un pays à la volatilité des prix internationaux est le principal effet négatif d’un choc exogène». La conséquence de ce choc peut être ressentie dans le court terme si, explique-t-il «le capital est entièrement engagé ou dans le long terme, et dans le cas où l'Etat n’a procédé qu’au placement de ce dernier en banque, de telle façon à supporter des conséquences négatives sur la croissance économique et le processus de développement». Dr Mouhoubi précise que «la croissance économique est favorisée par la croissance des exportations en terme financier, alors que l’instabilité de cette dernière favorise l’effet contraire».
Le spécialiste rappelle «l’épisode 1986» pour dire qu'une telle crise des prix «avait causé des dommages économiques dans des pays exposés aux chocs extérieurs». Pour l’Algérie, la crise de 1986 avait été fatale sur son économie en mettant fin à toute espérance de continuer sa politique d’industrialisation et mettant au «chaos» toutes les structures de l’économie. Dr Mouhoubi fait savoir que la gestion des ressources de l'exportation des hydrocarbures pour générer la rente en Algérie «permet à l’Etat d’instituer des lois pour atteindre le développement promis depuis les années soixante», mais «sans prendre en compte la vulnérabilité du pays aux chocs externes liés surtout aux prix des hydrocarbures», ainsi que «le caractère épuisable des hydrocarbures sans songer à garder une part pour les générations futures ou leur léguer un processus». Toutefois, la loi sur les hydrocarbures qui prévoit la création des deux agences Alnaft et l’Autorité de régulation allégera la fonction de Sonatrach, ira sans doute aider l’internationalisation de l’entreprise et opérer dans un climat d’économie de marché. Néanmoins, la destitution de cette dernière de son pouvoir de décision est une erreur qui ramènera l’Algérie à la période de pré-nationalisation des hydrocarbures. 
En effet, le 24 février 1971 a certainement permis d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire de l’énergie. 53 ans après, et grâce aux compétences algériennes et au savoir-faire local, l’Algérie est devenue le 2e producteur de pétrole en Afrique et le 7ᵉ exportateur de gaz naturel au monde. Ces résultats ne dépendent pas seulement de la disponibilité de ressources dans son sous-sol, mais aussi du développement des capacités industrielles et l'investissement dans la ressource humaine.
 
Tahar Kaidi

 

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