Hamdan Al Damiri, coordinateur de la communauté palestinienne en Belgique : «Ghaza paie le prix de sa résistance»

El Moudjahid : Une nouvelle fois Ghaza fait l’objet d’une agression israélienne. Pourquoi selon vous cet acharnement ?

Hamdan Al Damiri : Cette agression s’inscrit dans la nouvelle stratégie israélienne que l’on peut expliquer en deux points. Le premier est que le gouvernement israélien actuel qui prépare les élections qui auront lieu dans trois mois, se trouve dans une situation de faiblesse face à l’opposition. En utilisant les moyens forts contre les Palestiniens, dont cette agression contre Ghaza, il tente de dire à la population israélienne que «nous sommes forts». C’est une façon pour lui d’améliorer son image.  La deuxième partie de cette stratégie découle des conséquences de ce qui s’est passé l’année passée, au mois de mai, lorsque les Palestiniens ont fait face aux agressions à  El Qods, dans le quartier Sheikh Jarrah, et se sont opposés à l’intrusion des colons, appuyés par les forces d’occupation, dans la mosquée El Aqsa, en utilisant les moyens qui étaient à leur portée, c’est-à-dire des missiles, pour empêcher la stratégie de judaïsation de la ville sainte. Ils ont aussi instauré une règle entre Israéliens et Palestiniens en disant Ghaza contre El Qods. La règle consistait à dire «si vous agressez El Qods, Ghaza la défend. Mais depuis vendredi, Israël veut casser cette règle, en disant Ghaza c’est Ghaza et El Qods c’est autre chose. L’occupant dit aussi qu’ à l’intérieur de Ghaza  tout le monde n’est pas concerné. Selon lui, la seule organisation ciblée par l’armée israélienne est le mouvement du djihad islamique. Ainsi, les Israéliens tentent de jouer sur les divisions palestiniennes, mais en réalité ils agressent toute la bande de Ghaza.

Finalement la visite du président américain Biden dans la région n’a eu aucun impact sur la stratégie israélienne, alors qu’il avait réaffirmé sa volonté de relancer le processus de paix et de mettre en œuvre la solution à deux Etats. Est-ce votre avis aussi ?

Les propos tenus par le Président américain sont juste du blabla .  La déclaration officielle du porte-parole de la Maison-Blanche ce vendredi ne souffre aucune ambiguïté. Il a clairement dit qu’«Israël a le droit de se défendre et que si pour ce faire il doit attaquer Ghaza alors il doit le faire». Pourtant lors de cette agression des Palestiniens sont morts et d’autres ont été blessés. On compte aussi la mort d’une petite fille de cinq ans. En fait, la position américaine n’est pas nouvelle. En visite dans la région, Biden a essayé de réaffirmer le principe d’une solution à deux Etats, mais il a aussi reconnu que  sa mise en œuvre nécessite énormément de temps. 

Ces agressions signent-elles, selon vous, la mort du processus politique ?

Oui c’est sûr. D’autant que l’agression n’est pas encore terminée, car le gouvernement israélien essaie de marquer des points avant les élections de novembre. Les Palestiniens, de leur côté, n’ont pas encore utilisé, pour se défendre,  les moyens à leur portée. Je pense notamment aux moyens lourds.

L’acharnement contre Ghaza peut-il aussi s’expliquer par le fait que cette enclave représente, d’une certaine manière, le bastion dur de la résistance militaire ?

Oui effectivement. Mais Israël n’arrivera jamais à détruire Ghaza, car l’enclave est bien préparée au niveau de la résistance militaire. L’ennemi a des capacités de destruction, c’est une réalité connue. Il a des avions, des missiles et la marine impose un blocus, mais les Israéliens  savent depuis longtemps et  notamment 2021,  que les Palestiniens peuvent leur faire mal. Ils ont les moyens de bloquer la vie économique israélienne.

Vous qui êtes Palestinien, comment vous expliquez cette résistance héroïque des habitants de Ghaza qui demeurent debout malgré tout, survivant à toutes les atrocités commises par l’occupant?

Les Palestiniens de Ghaza se disent qu’on n’a d’autre choix que de résister et de payer le prix de cette résistance. Ils savent aussi que quel que soit le temps que cela prendra, la victoire couronnera leur résistance. C’est la raison aussi pour laquelle Israël multiplie les agressions à leur encontre.

Cette nouvelle agression intervient à trois mois de la tenue du Sommet arabe d’Alger. Quels enseignements les pays arabes doivent-ils tirer avant leur conclave ?

A mon avis, les pays arabes qui doivent se réunir à Alger n’ont d’autre choix que de dire à Israël et à ceux qui le soutiennent, c’est-à-dire les Etats-Unis, que le monde arabe n’accepte plus que la question palestinienne ne soit pas résolue depuis 1970. Si le monde arabe utilisait tous les moyens dont il dispose, je ne parle pas de moyens militaires, mais de moyens commerciaux, la situation pourrait changer. Avec la guerre en Ukraine on connaît maintenant l’importance du pétrole et du gaz pour les économies du monde avancé. Le monde arabe possède donc une carte de pression importante qu’il peut utiliser, sans pour autant passer à l’acte, contre les Occidentaux qui vont forcément changer leur politique.

Si le monde arabe justement n’adopte pas cette position, les Palestiniens seront-ils déçus ?

Si le monde arabe se refuse à utiliser cette carte, les Palestiniens n’auront d’autre choix que de compter sur leurs propres moyens. Néanmoins nous espérons  que le monde arabe sera à nos côtés réellement, concrètement et efficacement. C’est tout ce que nous demandons et c’est le devoir des pays arabes, car on sait très bien qu’Israël n’est pas une menace uniquement pour les Palestiniens. C’est une menace pour la région. Pour rappel, des territoires syriens sont occupés depuis 1967.  

N. K

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